Le Chevalier d’Eon, de Tou Ubukata et Kiriko Yumeji – Tome 4
De l’action avant tout dans ce tome qui délaisse le scénario pour s’attarder sur l’affrontement entre le chevalier Sphinx et les jumelles poétesses Emma et Ange.
Ubukata a beau jouer l’érudit historien, et l’amateur de littérature française, il n’en demeure pas moins un scénariste médiocre. Pourtant, c’est justement à force de médiocrité que ses histoires deviennent intéressantes : c’était déjà le cas de Pilgrim Jäger, histoire invraisemblable et pourtant prenante de deux saltimbanques maudites vivant à l’époque des Médicis, c’est toujours le cas de ce chevalier d’Eon où l’on croise – n’importe comment – d’Alembert (sous les traits de Marilyn Manson…), Robespierre (un gamin avec des pistolets), la Pompadour (une paire de seins avant tout) et bien évidemment le chevalier d’Eon (un travesti à moitié décédé et probablement schizophrène)… Les citations pleuvent, allant de L’Oeuvre au noir de Marguerite Yourcenar à Alice au Pays des Merveilles, à tel point que cela en devient extrêmement confus, surtout lorsque tout le tome cherche à illustrer l’idée du palindrome (voyez les expérimentations de l’Oulipo à ce sujet) par une gigantesque empoignade. Les protagonistes se balancent des vers ridicules au visage, se jettent des voyelles et des consonnes, bref, tout ce qu’il faut pour transformer le travail du traducteur en calvaire, surtout lorsque Asuka fait des erreurs de retranscription…
Et pourtant… De ce chaos sans nom on ressort, comme pour chaque tome précédent, profondément ravi : peu importe l’histoire, peu importent les citations sans queue ni tête et les mélanges de tons improbables, les planches, tout aussi chaotiques que le scénario, recèlent bien souvent des trésors de dessin. L’usage des trames est excessif, ça froufroute de partout, les poitrines gigantesques débordent des robes aux décolletés pigeonnants, les regards de tueur en série sont légions, la monstruosité gothique côtoie des costumes dignes d’une comédie musicale (typiquement ceux d’Ange et Emma, petit parapluie en prime !), et l’on se tape sur la tête à grand renfort de lettres de l’alphabet. La mangaka Yumeji s’en donne à cœur joie, et de ses excès elle tire finalement le meilleur, proposant à chaque fois des dessins très dynamiques et des planches qui ne rechignent jamais à satisfaire la soif du lecteur de voir de belles images. Et l’on se prend à rêver de voir un jour ce manga adapté en jeu de baston… Yumeji, si elle parvient à s’apaiser un jour, pourrait devenir une mangaka passionnante.
Un manga à feuilleter avant d’acheter, histoire de ne pas être déçu. Les amateurs de Rozen Maiden, Hellsing, Darkstalkers, Marilyn Manson et ceux qui aiment se balader sur l’Ile de la Cité en imaginant un bossu de Notre-Dame avec des seins se battre contre Dracula devraient se pencher sur cette série bourrée de défauts et regorgeant de qualités… Si tant est qu’ils soient prêts à en payer le prix (un peu élevé quand même, si seulement il coûtait un euro de moins !).
Tome 4 disponible chez Asuka depuis octobre 2008. Prix : 7,95
Les images proviennent du site d’Asuka
5 commentaires
Très joli texte en tout cas. Merci !
et merci el nounourso :)
L'histoire a l'air aussi de partir en live grave, l'anime me semble plus "raisonnable". Mais pour ne pas mourir idiot, j'y jetterai un oeil pour me faire un avis.
Le manga a une fin ou c'est en cours?