Le Rakugo ou la vie — On ne demande qu’à en rire
Les saisons d’hiver sont généralement rudes pour l’animation japonaise télévisée, mais ce début 2016 semble particulièrement sec lorsque l’on sort d’une saison d’automne 2015 aussi riche et intéressante. Et lorsque la qualité ne nous tombe pas dans la main, il faut être capable d’aller la chercher là où elle se trouve, loin des frontières de nos habitudes.
Le Rakugo ou la vie (Shôwa Genroku Rakugo Shinjû) est à l’origine un manga de Haruko KUMOTA publié depuis 2010 dans un magazine de josei au Japon. Ce manga avait déjà fait l’objet d’une adaptation en OAV l’année dernière, et le succès poussa les producteurs à reprendre l’histoire au format série télé. Comme son titre japonais l’indique, l’anime se déroule durant l’Ère Shôwa qui débuta en 1926 pour se terminer en 1989. On y suit le parcours de plusieurs personnages qui tentent de creuser leur chemin dans le monde du spectacle à Tokyo, en particulier dans le domaine très spécifique du rakugo.
Le rakugo est un art vivant qui se développa au Japon durant l’Ère Edo, c’est-à-dire à partir du XVIIe siècle. Il s’agit d’une sorte de one-man-show avant l’heure où le comédien assis devant le public raconte une histoire plus ou moins drôle avec des contraintes précises ; pas de décor, pas de musique, pas d’accessoires (hormis un petit éventail en papier), pas de scénographie. Le comédien doit interpréter seul tous les personnages de l’histoire et être capable de faire rire ou d’émouvoir le public par sa seule éloquence, sa gestuelle et son charisme.
Bien que toujours populaire au Japon, le rakugo est une discipline assez austère et surtout très mal connue des Occidentaux, y compris ceux qui, comme vous et moi, sont pourtant familiers de la culture japonaise. A ce titre, une série telle que Le Rakugo ou la vie est d’ores et déjà une curiosité qui mérite l’attention des plus nippophiles d’entre vous. Mais son intérêt ne s’arrête pas là.
L’histoire proprement dite de la série se déroule sur deux plans narratifs. Le premier plan se déroule dans les années 1970 et raconte l’histoire de Kyoji, un ancien délinquant sorti de prison qui cherche à percer dans la comédie. Il parvient à se faire accepter comme élève du grand comédien Yurakutei Yakumo, et prend le nom de scène de Yotaro. Mais assez vite des tensions apparaissent entre le maître et l’élève ; Yotaro ne s’y retrouve pas dans de l’enseignement de Yakumo et préfère s’inspirer des performances de son ancien partenaire décédé, Sukeroku. Pour aider son apprenti à trouver son chemin, Yakumo décide de lui raconter sa propre histoire.
Cette histoire c’est celle de Kikuhiko, un jeune garçon abandonné par ses parents au début des années 1930. Recueilli par la maison Yurakutei, il se met à apprendre le rakugo bien qu’il ne s’y intéresse pas vraiment. L’autre élève de la maison, Hatsutaro, est en revanche un petit génie de la comédie ; et malgré leurs caractères diamétralement opposés, les deux enfants vont se lier d’amitié. Ensemble, ils graviront les échelons de la gloire malgré les tragédies de l’époque (Seconde Guerre Mondiale) et les aléas de la vie d’artiste.
La narration sous forme biographique et la teneur historique et culturelle du récit sont les deux éléments qui ressortent de Le Rakugo ou la vie et font une série que je juge pour le moment excellente. Loin des codes et des carcans qui étouffent l’animation japonaise, la série se veut un récit instruit et sensible pour un public mature. Le contexte, les personnages, l’histoire ont une saveur littéraire et cinématographique inhabituelle en animation, qui donnent à la série une élégance digne d’un long-métrage. Pour donner une idée précise de ce que cela rend à l’écran, imaginez une sorte de Kids on the Slope où l’on aurait remplacé la musique jazz par du théâtre comique – avec moins de romance neuneu toutefois.
La réalisation reflète également cette maturité par une mise en scène sobre, qui s’approche au plus près des personnages pour mettre en valeur les différentes personnalités. Mention spéciale aux doublages, assurés par des pointures du métier telles que Akira ISHIDA, Kouichi YAMADERA ou Megumi HAYASHIBARA (♥) qui jouissent de dialogues de qualité, et brillent en particulier lorsqu’il s’agit d’incarner les comédiens durant leurs performances. La musique jazzy n’est pas en reste et l’emballage général est réjouissant.
Qui sont donc les talents derrière un anime d’une aussi grande qualité ? C’est une excellente question car l’étude du staff laisse sur une surprise. L’anime est réalisé par le studio DEEN, ce qui apparait logique tant le studio a montré son expertise dans les animes à destination du public féminin ; même si leurs habituelles adaptations de jeu-vidéos pour fujoshi sont rarement aussi intéressantes. Quant au réalisateur qui se fait appeler Mamoru HATAKEYAMA, c’est un pseudonyme ; son véritable nom est Shinichi OMATA, qui a pas mal travaillé pour le studio Shaft, et qui avant ça bossait comme producteur d’OAV « pour adultes ». Sacrée trajectoire de carrière que voilà.
Le Rakugo ou la vie est une série qui sort un peu de nulle part, et dont les thèmes assez particuliers ne risquent pas d’émouvoir un large public de ce côté de la planète. Au Japon en revanche, la série semble au contraire prendre le chemin du succès, ce qui me réjouit. Ce genre de produit est rare, et doit pouvoir être apprécié des spectateurs exigeants.
Deluxe
La série est disponible en simulcast sur ADN.
8 commentaires
Super article, toujours bien écrit. Ca me confirme dans mon envie de commencer cet anime dès que j’ai un peu de temps. Merci Deluxe !
J’ai toujours un sentiment étrange devant cette série. Le doublage est excellent, les personnages attachants, la technique réussie, l’histoire intéressante sans compter la période historique rarement exploitée. MAIS. Je ne sais pas si je pars avec des a priori négatifs avec Deen mais je trouve ça peu chiant. J’ai l’émotion bizarre d’attendre chaque semaine le nouvel épisode et à chaque fois m’ennuyer un peu devant. Le nœud de mon problème est le rakugo ; j’ignore si ça tient à la mise en scène ou si j’ai un blocage devant la langue/culture mais je trouve pas ça drôle. Alors voir le public se gondoler, même les plus réservés, ça me fait secouer la tête.
La série est plutôt bonne et je la conseille à tous, ne serait-ce parce qu’elle propose quelque chose de différent, mais je reste dubitatif.
J’ai lu quelque part que le rakugo était en fait l’ancêtre du one man show, truc qui me répulse depuis LE one man show de Norman et les pubs de banques avec des humoristes et si l’anime est du même acabit, alors j’avoue que ce sera sans moi. Le doublage ainsi que les guests pointure du métier sont un argument de vente un peu faible pour pallier l’ennui d’un truc complètement dialogué avec humour lourdingue et consorts.
J.C. Staff a déjà produit le Joshiraku rempli de bullshit culturels mais divertissant selon le consensus général, donc à voir si l’anime rentre dans la catégorie des must watch et si c’est le cas j’irais regarder. Bon article le rédac. ^^
Excellent article,
cette anime je l’attendais pour sont ambiance et l’histoire mature que laissai entrevoir les différent pv.
et pour le moment mon ressenti devant cette anime est un peut le même que devant sarai ya goyou ou restaurent paradisio.
le rythme est poser, l’histoire bien qu’a ses début bien raconter il est trop top pour les conclusion mais cela commence bien.
pour Dant:
je te rassure le rakugo na rien a voir avec un one man show hormis le fait qu’il y a un homme seul qui parle a des gens qui on payer pour l’écouter.
Bon d’accord ca fait beaucoup de point comun mais ce sont des point commun sur la forme et non le fond
A s’aparente plutot au metier de compteur en effet il est sur scene pour raconter une histoire et non une serie de gag.
ses histoir peuve etre drole triste poetique, cela depend du compteur.
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Précisons que les OAVs ont été annoncés en même que l’anime. Le but des OAVs étaient d’adapter le début du manga, donc toute la partie avec Youtarou pour qu’ensuite, l’anime puisse se concentrer sur le grand flashback. Sauf que les OAVs ont pas été forcément vus par beaucoup de monde donc ils ont ont pris les deux OAVs (qui duraient plus d’une heure au départ) et ont pris les scènes les plus importantes pour faire un résumé de 45 minutes qui se révélera être le premier épisode.
Pour mon avis sur l’anime, il est très plaisant, loin de ce qu’on nous sert chaque saison par paquet de 10. Le seul hic, qui n’en est pas un, est qu’on ne comprend pas forcément toute la subtilité du Rakugo donc on peut passer un peu à côté des histoires. Mais à part ça, les interactions entre les personnages sont bonnes et le fait de situer ça à l’ère Shouwa offre de belles « thématiques » comme la vie des gens pendant la guerre ou la censure des arts.
Et moi qui croyais avoir fait enfin le tour, après quelques nouveaux rajouts, des anime hivernaux de cette année. J’espère bien apprécier ! ^_^
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