Le Tokusatsu – Brûle ton cosmos en live !
Actuellement, vous suivez peut-être la diffusion de l’anime Garo : Honô no Kokuin. Certains l’ignorent sans doute encore (cela veut dire qu’ils ne sont pas d’AK vu qu’ils ont échappé à ma propagande) mais, à la base, la saga GARO est constituée de plusieurs séries live. La diffusion de l’anime me paraît être une excellente occasion de vous introduire à ces dramas et au genre auquel ils appartiennent : le tokusatsu, véritable pan de la culture audiovisuelle japonaise.
Histoire et définitions – A l’origine du monde, il y avait…
Né au Japon, le genre s’est développé dans quelques autres pays asiatiques (tel que Taïwan avec Sport Rangers, ou l’Indonésie avec BIMA Satria Garuda). Mais il n’a pas fait que s’étendre géographiquement, il a aussi touché d’autres domaines, tels que la littérature, le cinéma américain ou l’animation. Ainsi, sans le savoir, vous êtes déjà familiers avec le tokusatsu. Vous avez vu Pacific Rim ? Ce film de Guillermo del Toro est un hommage revendiqué au tokusatsu, et plus particulièrement aux films kaiju. Plus proche de notre domaine de prédilection, nous voyons régulièrement arriver des mangas ou des animes qui font directement référence au genre. Le dernier en date étant sans doute Samurai Flamenco, mais en plus ancien vous pouvez par exemple compter sur KARAS, bel hommage au Metal Heroes, ou Sailor Moon qui a adapté les codes du sentaï pour un public plus féminin.
Mais je vous vois froncer les sourcils. Depuis tout à l’heure je vous bassine avec des termes qui vous sont sans doute inconnus. Revenons en donc aux bases : qu’est-ce que le tokusatsu ? Ce mot est un raccourci pour tokushu satsuei, qui signifie effets spéciaux en français. La logique étant de ce monde, les séries appartenant à ce genre utilisent donc énormément d’effets visuels divers. Le tokusatsu englobe du coup toute œuvre audiovisuelle en employant. Ce qui fait que même certaines productions occidentales peuvent être considérées comme appartenant au tokusatsu, tel que Doctor Who. Mais soyons plus précis. L’image que l’on a et qui est proche de la réalité est qu’il s’agit de séries live mettant en scène des monstres et autres super-héros transformables. Ce qui est en partie vrai. Mais pas que. Vous allez voir. Il est important de savoir que la majorité des dramas tokusatsu se dirigent vers un public jeune, même si on remarque de nouveaux degrés de lecture plus matures, les fans de la première heure étant des adultes. La saga GARO a par contre directement été pensée pour un public adulte et subit donc un traitement en conséquence.
Selon les connaisseurs, l’origine du genre serait à chercher du côté du kabuki et du bunraku, styles théâtraux japonais où l’on retrouve bon nombre des caractéristiques visibles aujourd’hui dans le tokusatsu : les scènes de combats, le maquillage, mais aussi les effets spéciaux avec l’emploi de masques ou de marionnettes. Mais ce qui a véritablement défini le genre tel qu’on le connaît aujourd’hui, c’est le film Godzilla. Alors non, je ne parle pas de la mouture américaine de 2014, mais bien du tout premier film, sorti en 1954 des studios Tôhô, il y a donc tout juste 60 ans. Le responsable des effets spéciaux était Eiji TSUBURAYA, et il a changé à tout jamais la représentation de la science-fiction et du fantastique dans la culture audiovisuelle japonaise. Énormément impressionné par King Kong (celui de 1933, hein, pas celui de Peter JAKCSON…), il a développé les effets visuels qui sont aujourd’hui encore les marques de fabrique du tokusatsu. Le suitmation est le plus notable, et celui que vous connaissez tous : ce sont ces acteurs costumés en monstres ou en robots, dont vous ne voyez jamais le visage. Vous pouvez aussi ajouter l’emploi de maquettes et de décors à échelle réduite, qui sont par ailleurs constamment vidés de leurs habitants. Ces éléments sont de nos jours toujours utilisés et qu’importe les progrès technologiques. Les VFX, ou effets spéciaux ajoutés en post-production, sont bien évidemment employés, mais plutôt pour sublimer ces effets visuels faits main.
La grande majorité de ces séries étant destinées aux enfants, les diffusions se font dans des cases horaires adaptées. Impossible de ne pas parler de la plus connue d’entre elles : le Super Hero Time, diffusé sur TV Asahi tous les dimanches matins de 7h30 à 8h30 et ce depuis septembre 2003, même si cela fait bien plus longtemps que du tokusatsu y est présent. A l’origine la case horaire était dédiée à des programmes éducatifs, mais les héros transformables ont pris le dessus. Elle se consacre à seulement deux franchises, Super Sentai et Kamen Rider, toutes deux issues d’un studio que vous connaissez bien : le studio Toei. Ce dernier est un incontournable dans le domaine du tokusatsu, en plus de celui des animes avec Dragon Ball, Digimon, Albator, Precure, One Piece etc. On lui doit en effet les œuvres les plus marquantes et les franchises les plus célèbres du milieu. Le Super Sentaï et la saga Kamen Rider, c’est lui. Et il s’agit d’un domaine jalousement gardé, car énormément porteur d’un point de vue financier. Grâce à son association avec le géant du jouet Bandaï, les ventes de figurines, robots et autres produits dérivés représentent un chiffre d’affaire conséquent pour le studio.
Avec les années, ils ont pris la décision d’élargir leur public cible : après les petits garçons, c’est au tour des jeunes filles et des adultes d’être visés. Cela passe par plusieurs choses. Notons tout d’abord que les thématiques initiales, très ancrées dans le domaine de la science-fiction suite au succès de Star Wars, ont peu à peu laissé place à la comédie et des sujets plus contemporains. Ce qui a comme conséquence l’embauche en tant qu’acteurs principaux d’idols et autres jeunes talents. Il est ainsi tout à fait possible de retrouver comme héros des chanteurs(-teuses) tout(-es) mignon(-nes) qui ne savent pas se battre, voire même courir. Auparavant, les premiers rôles étaient confiés à des acteurs issus du JAC, le Japan Action Club, institution japonaise qui forme les cascadeurs et enseigne les arts martiaux à des artistes souhaitant se spécialiser dans le cinéma d’action. Ryosuke SAKAMOTO, connu pour être le leader en rouge de Bioman, en fait partie. Votre maman en était peut-être fan… Ces spécialistes sont toujours présents, fort heureusement, mais vous ne les voyez jamais directement à l’écran. Vous les retrouvez sous les costumes et les casques, d’une série à l’autre, avec parfois la surprise de voir un homme incarner une combattante.
Du fait de cette définition assez vague, le tokusatsu se divise en plusieurs catégories, dont vous avez plus ou moins connaissance. Je vous propose d’en faire une rétrospective relativement synthétique. Notez bien le « relativement ».
Le Kaiju – Qui a la plus grosse ?
Honneur à la catégorie la plus ancienne, celle qui a posé les bases et par laquelle tout a commencé, en 1954. Kaiju signifie « étrange créature », et vous en retrouvez dans pratiquement toutes les séries de tokusatsu. Les monstres de la semaine, que le ou les héros doivent détruire, en font partie. Mais la catégorie porte ce nom en référence aux kaiju eiga (« films de monstres »), qui mettent en scène des créatures gigantesques, les daikaiju (« kaiju géant »). A noter qu’il existe d’autres variétés de créatures, telles que les kaijin (« monstre humanoïde »), qui ont un aspect plus humain. Le genre s’est largement développé sur grand écran avant d’envahir le petit. L’histoire de ces films repose sur un postulat simple comme bonjour : la majorité des monstres veulent détruire le Japon (car la Russie c’est un peu trop grand) et certains daignent aider le ou les héros à les en empêcher. Puis, pour résumer, à la fin le monde est sauvé. Le plus connu d’entre eux est bien évidemment Godzilla, qui compte tout de même 28 films à son actif (sans compter les deux versions américaines). Le monstre n’a pas le même rôle d’un film à l’autre : il s’agit parfois d’un ennemi, d’autres fois d’un allié, ou bien encore il n’est qu’une force de la nature qui suit ses instincts. On y retrouve bien souvent des thèmes propres à cette époque faisant suite à la Seconde Guerre Mondiale, avec notamment la mise en scène du danger que représente le nucléaire. En autres franchises célèbres, vous trouverez Gamera, une tortue volante géante avec des défenses qui va massacrer des monstres nommés Gyaos, et Daimajin, géant de pierre qui aide les hommes à se débarrasser des régimes totalitaires. Dans le sang, si possible.
Les Henshin Heroes – Le bal casqué
Comme ce nom l’indique, les œuvres henshin heroes, ou « héros transformables », mettent en scène des super héros qui se transforment et revêtent un costume ou une armure pour combattre. La licence GARO appartient à cette catégorie, mais elle n’est par contre rattachée à aucun des genres qui vont suivre, tout simplement car elle ne répond pas aux critères requis. Cela ne l’empêche pas d’utiliser bon nombre de leurs codes.
Le Sentaï – Over the Rainbow…
Il s’agit sans doute de la catégorie du tokusatsu la plus connue par les néophytes, tellement que l’amalgame tokusatsu = sentaï est devenu une chose banale à corriger pour les connaisseurs. Elle peut remercier les Power Rangers (nous en reparlerons de ceux-là). Sentaï est un terme qui était autrefois utilisé dans l’armée pendant la Seconde Guerre Mondiale pour désigner les escadrons japonais. Le sens est d’ailleurs le même : sentaï signifie littéralement escadron de combat. Cette catégorie, qui met en scène non pas un seul héro mais une équipe, est née en 1975 sous la plume de Shôtaro ISHINOMORI, dont vous avez sans doute déjà entendu parler : il s’agit du papa du manga Cyborg 009, entre autres. Il a aussi participé à l’élaboration de plusieurs autres licences du tokusatsu, dont la plus célèbre est Kamen Rider, tiré d’un de ses mangas. Avec Bandaï, TV Asahi et le studio Toei, il a créé Himitsu Sentai Gorenger, première série sentaï, puis une deuxième, J.A.K.Q. Dengitekitai.
Mais cette dernière ne rencontre pas le succès et le mangaka quitte la production. Toei tient pourtant à continuer et se tourne alors, contre toute attente, vers une entreprise américaine pour relancer le genre : Marvel Comics. Avec cette dernière, il va adapter Spiderman à la sauce tokusatsu, et mettre pour la première fois en scène un robot géant dans un drama du studio. Et non, je ne vous raconte pas une blague, cette série existe vraiment, et il y a réellement eu un robot Spiderman. D’ailleurs ils trouvent le concept du robot géant tellement cool qu’ils vont reprendre l’idée en 1979 et sortir, toujours en coopération avec Marvel, Battle Fever J, série mettant en scène des personnages basés sur des pays (c’est ainsi que naquit Battle France, la grande classe). Cette dernière marque la création de la franchise Super Sentaï, super se référant au robot géant et sentaï à l’équipe de héros.
Depuis cette série, nous avons droit tous les ans à une nouvelle mouture, avec une nouvelle équipe de héros et un nouveau robot. On atteint aujourd’hui le nombre impressionnant de 38 séries Super Sentaï, les producteurs ayant décidé de finalement rattacher les deux séries fondatrices de Shôtaro ISHINOMORI à la franchise. Chaque déclinaison se caractérise pas un thème qui lui est propre : les pirates (Kaizoku Sentai Gokaiger), les samouraïs (Samurai Sentai Shinkenger), la magie (Mahou Sentai Magiranger), la police (Tokuso Sentai Dekaranger), la course automobile (Engine Sentai Go-onger), les oiseaux (Chôsin Sentai Jetman, qui est encore aujourd’hui la série la plus populaire)… Le dernier en date, Ressha Sentai ToQger, est assez révélateur de la direction prise par Toei : le thème principal est les trains, élément qui touche plus les adultes, et les héros sont des archétypes tournés en dérision, beaucoup moins élaborés que les méchants du show, qui transpirent tous la classe. Même les codes du genre sont détournés voire ridiculisés : les héros tombent sous les effets des explosions, et la scène où un protagoniste remet en question l’utilité du roll call (ce fameux passage où les guerriers se présentent en prenant une posture différente) et de la pose finale après la transformation, qui prennent trop de temps, est assez hilarante.
Une série sentaï est diffusée sur l’année, elle s’étend donc sur une cinquantaine d’épisodes. L’histoire est sensiblement la même : les héros acquièrent des pouvoirs (magiques ou technologiques) pour vaincre une organisation maléfique qui souhaite (rayer la mention inutile) détruire/asservir/conquérir les humains/le monde. Vous l’avez compris, les sentaïs racontent la lutte du bien contre le mal. Le groupe principal est composé de cinq ou trois membres, qui possèdent chacun une couleur spécifique, auxquels s’ajoutent des alliés d’autres couleurs. Si vous avez déjà regardé un épisode des Power Rangers dans votre jeunesse, vous savez parfaitement de quoi je parle. Sinon, imaginez une bande de jeunes gens qui se transforment en héros vêtus de justaucorps rouge, bleu, jaune, vert, noir ou rose et qui bougent dans tous les sens pour finir par littéralement exploser un gros monstre dans un robot géant, et vous aurez une vision assez fidèle de la réalité. Ah et bien évidemment à la fin ils sauvent le monde.
Le meneur du groupe est toujours un homme vêtu de rouge, très justement nommé Red, à de rares exceptions près comme NinjaWhite, une jeune fille qui occupe officiellement le poste. Mais elle est jamais au centre dans les roll call, donc bon… . On trouve ensuite une ou deux filles, habillées le plus souvent de jaune ou de rose et parfois de bleu, donc ça donne Yellow, Pink, et Blue. Ceux qui restent sont les acolytes masculins, le plus souvent couverts de noir (Black), de vert (Green) ou de bleu. La majorité d’entre eux sont des stéréotypes en puissance, avec une personnalité assez peu développée. Un épisode consiste à vaincre un monstre à chaque fois différent, au design très recherché. C’est le fameux principe du monstre de la semaine, réutilisé dans d’autres catégories du tokusatsu, mais aussi dans certains animes, notamment les magical girls). De ce fait, seulement une vingtaine d’épisodes fait avancer l’histoire. Cela passe par l’apparition de nouvelles armes (et donc de nouveaux jouets dans le monde réel…), d’un nouveau robot, la mort d’un méchant, une révélation sur les héros… A noter qu’au sein même d’un épisode, des codes sont à respecter envers et contre tout : la scène de transformation avec le roll call et la pose, le combat à mains nues et avec des armes, le sauvetage d’un enfant qui pleure, la première mort du monstre avec moult explosions, sa résurrection version Géant vert et enfin l’utilisation du robot pour le vaincre pour de bon. Ce sont des passages obligés à chaque épisode. Tout cela à grand renfort d’étincelles et de fumigènes. Autant dire que si vous n’accrochez pas au délire dès les premières aventures, vous pouvez laisser tomber.
L’action est un élément primordial et les scènes de combats sont bien souvent les parties les plus soignées, avec des tentatives pour varier à chaque fois. La grande majorité d’entre elles sont d’ailleurs reprises chez les célèbres Power Rangers…
Voici une transition toute trouvée pour parler des ces derniers. Les Power Rangers sont une version américanisée des sentaïs, que vous avez tous regardé au moins une fois dans votre vie. C’est par cette licence qu’à souvent lieu le premier contact avec le tokusatsu. Concrètement, en quoi cela consiste ? Le principe est extrêmement simple : Haim SABAN, producteur américain, a très vite compris le succès que pouvait renfermer ce genre de dramas. Imaginez un peu : des combats, des robots, des héros qui se transforment… Il y avait tout ce qu’il fallait pour rencontrer le succès auprès des enfants, et accessoirement vider le portefeuille des parents via des jouets et autres produits issus du merchandising. Problème : n’avoir que des asiatiques dans une série rebute la plupart des chaînes étrangères, dont les américaines (la France a par contre diffusé pas mal de séries originales telles que San Ku Kaï, X-Or ou Jetman avant de céder face aux versions américaines).
Alors, coup de génie : ce producteur a décidé de garder les scènes d’action, celles qui sont les plus chères et difficiles à produire, et où les héros sont casqués, puis de créer une toute autre histoire autour avec des acteurs occidentaux pour les scènes civiles : Power Rangers dans l’Espace, par exemple, qui nous envoie donc dans un road trip à travers l’Univers, n’a strictement rien à voir avec son homologue Denji Sentai Megaranger qui mettait en scène des lycéens experts en sciences technologiques. Mais alors rien du tout. Le premier essai fut l’adaptation de Kyōryū Sentai Zyuranger, renommée Mighty Morphin Power Rangers. Le succès est mondial et le phénomène arrive en France en 1994 chez TF1 dans le fameux club Dorothée. Plus aucun sentaï original ne sera alors diffusé, Haim SABAN ayant conclu un contrat avec Toei lui assurant l’exclusivité de l’exploitation mondiale. Très mal vues au Japon où elles sont carrément considérées comme un outrage par les fans de la première heure, on observe pourtant une volonté d’être de plus en plus fidèle au matériel original au fur et à mesure que le temps passe. Comptez entre une et deux années entre la nouvelle série sentaï et l’apparition de son alter ego américain sur les écrans.
Les Metal Heroes – Nous sommes fait d’acier trempé
Autre catégorie tombant dans le giron de Toeï, les Metal Heroes n’ont pas rencontré autant de succès. Tout du moins récemment. En effet, la dernière diffusion d’une série de ce genre remonte à 1999 avec Tetsuwan Tantei Robotack. La catégorie est aussi la plus récente des trois franchises phares de Toeï : Space Sheriff Gavan, autre création d’ISHINOMORI, a fait ses débuts sur le petit écran en 1982, et est plus connue en France sous le nom de X-Or. De nos jours, il ne daigne plus qu’apparaître sur grand écran, dans des films cross-over avec les autres productions. Les plus jeunes d’entre nous, enfin disons ceux qui ont grandi dans les années 1990, ont aussi connu ce genre via la diffusion de Jûkou B-Fightern, renommé Beetlborgs pour son remake par les américains (le principe est exactement le même que pour les Power Rangers). Les Metal Heroes se différencient du sentaï par leurs thèmes et leurs tenues. Les héros peuvent agir seul ou en groupe, peuvent être des androïdes ou des cyborgs qui sont -attention révélation- fait de métal comme leur nature l’indique, ou bien encore des humains auxquels on a fait don d’armures à la technologie très avancée. Cette dernière est souvent au centre de l’histoire, le genre faisant la part belle à la science-fiction mais aussi à l’espace. Malgré son absence à la télévision, la catégorie est très populaire au Japon, et perdure aujourd’hui à travers le troisième succès de la Toeï qui reprend beaucoup de ses codes.
Kamen Rider – La révolution des criquets, par Gérard Wercer
Ce troisième succès, c’est la licence Kamen Rider. Il s’agissait initialement d’un manga écrit, je vous le donne en mille, par Shotaro ISHINOMORI. Non content d’avoir participé à la création des Metal Heroes et du Super Sentaï, le bonhomme récidive avec ce héros à tête d’insecte qui chevauche une moto. Quel artiste. Il comptait initialement porter à l’écran une autre de ses œuvres, The Skull Man (qui a eu droit à un anime sympathique par Bones), mais il modifia le design du héros puis finalement l’univers pour donner naissance à tout autre chose. La licence compte actuellement 24 moutures et rencontre un succès monstrueux. La première série a fait ses débuts en 1971 avec Kamen Rider tout court, la dernière en date vient tout juste de commencer sa diffusion et porte le nom de Kamen Rider Drive. Elle s’inspire beaucoup des séries policières actuelles. Tout comme les sentaïs, chaque mouture est l’occasion d’aborder un thème différent. L’avant dernière, Kamen Rider Gaim, écrite par ailleurs par Gen UROBUCHI, avait comme sujets le break dance et les fruits. Autant dire que je me suis effondré de rire devant le premier épisode. J’ai même failli mourir lors de la scène de transformation.
L’histoire varie selon les séries, mais la première nous conte les aventures de Hongo, jeune homme kidnappé par l’organisation terroriste Shocker qui souhaite dominer le monde (comme c’est original). Pour recruter des membres, ils enlèvent des civils, les transforment en mutants cyborgs puis leur font subir un lavage de cerveau pour s’assurer de leur contrôle. C’est d’un joyeux. Heureusement pour Hongo, il n’a pas subit le dernier lavage, qui altère la raison et la conscience morale, et a réussi à s’échapper. Il se battra dorénavant contre Shocker afin de protéger les innocents. La franchise s’est par la suite émancipée du matériel de base pour nous donner des œuvres plus légères, et a subi le même traitement que pour le Super Sentaï. Autrement dit on a ajouté de quoi plaire à un public plus large (ce qui explique la présence de beaux gosses en tant que héros pour les demoiselles) et roulez jeunesse ! Mais il y a des motos dans le show. Et ça, ça pardonne tout.
Le Kyodai – Atteindre les sommets
Cette catégorie est assez proche de celle des Kaiju, dans le sens où elle met aussi en scène des entités gigantesques. Sauf que là, il n’y a pas que le monstre qui est titanesque : le héros est aussi de la partie. En plus de se transformer, ce dernier subit une croissance accélérée qui ferait pâlir de jalousie n’importe quelle personne suivant un traitement à base d’hormone de croissance. La durée de cette croissance est limitée dans le temps, ce qui permet d’obtenir un petit suspens au sein de l’épisode : le héros va-t-il vaincre le monstre avant la fin du temps alloué ? La franchise la plus connue, dont le nom a traversé les frontières, est bien évidemment Ultraman. La licence date tout de même de 1966 et continue encore aujourd’hui d’offrir régulièrement des séries ou des films. Ultraman met en scène un extra-terrestre, un Ultra, capable de prendre forme humaine. Il ne peut reprendre sa forme originelle, celle d’un géant rouge et argenté aux yeux jaunes, que trois minutes sur Terre pour vaincre le monstre de la semaine. Tout cela à grand renfort de rayons lasers tirés dans des positions devenues cultes, les mains croisées. Possédant une aura mythique au pays du soleil levant, il s’agit d’une des seules franchises qui n’est pas détenue par Toei. En autres licences, nous avons Megaloman (hahaha), Mirrorman ou bien Red Baron.
Autres productions – La diversité est source de richesse
Au delà de toutes ces séries avec des héros transformables se trouve tout un autre pan du tokusatsu : les séries faisant constamment appel aux effets spéciaux pour faire vivre leur univers. Ainsi, le futur film live de Patlabor, prévu pour 2015 et dirigé par Mamoru OSHII, entre dans cette catégorie pour son emploi des effets spéciaux sur les robots. Une autre série atypique est K-Tai Sousakan 7, dirigée par le célèbre Takashi MIIKE. Les principales attractions de ce drama de qualité sont les téléphones portables, auxquels le réalisateur a donné vie via des effets spéciaux fort réussis. A cela s’ajoute les séries parodiques, qui tournent en dérision les fameux codes du tokusatsu. Les deux saisons officiellement non officielles de Hikônin Sentai Akibaranger (traduisible en L’escadron non-officiel Akibaranger, rien que leur nom et statut c’est du n’importe quoi) sont blindées de références très pointues au Super Sentaï, très drôles et ne s’adressent clairement pas à des enfants. Rien que l’univers, ancré dans la culture otaku que vous connaissez bien, serait difficile d’accès pour eux. Puis bon, la méchante est jouée par une ex-actrice porno. Quand même. Du haut de gamme. Je vous explique pas toutes les choses que j’ai apprises sur l’industrie du porno au Japon en consultant sa bio. Une idée pour un futur article ?
Les mecs en charge de la production sont aussi des rigolos puisqu’ils sont allés faire croire qu’un film allait sortir, allant jusqu’à imprimer des faux posters et des faux billets. Des grands malades. Je les admire. En plus modeste, il y a aussi Kanpai Senshi After V, qui repose sur un principe assez débile : les membres d’une équipe sentaï sont des employés d’une organisation (la mairie en l’occurrence) et comme tous les employés, ils vont boire l’apéro après le boulot (qui consiste à combattre des monstres et tenter de bouger le robot géant). C’est donc leurs discussions à table (comme pourquoi les méchants n’attaquent QUE le Japon ?) ou au karaoké que nous suivons. Et ce en même temps que les grands méchants qui rencontrent des problèmes financiers pour maintenir leur entreprise maléfique à flot. Le budget est extrêmement réduit, mais les acteurs et les dialogues sont excellents. Ces productions représentent une minorité au sein du tokusatsu, mais ne pas les évoquer signifierait passer au dessus de la définition même du genre.
En France – Transformatiooooonn !!!
Les premières séries à arriver en France peuvent remercier la diffusion en 1978 de Goldorak, ce fameux anime qui nous fait suivre les aventures du prince Actarus au sein de son robot géant, le Goldorak, et qui rencontra un grand succès. Le manga original est par ailleurs fortement influencé par les codes du tokusatsu. Suite à cela, les chaînes françaises vont diffuser de plus en plus de programmes japonais, parmi lesquels nous retrouvons des dramas tokusatsu. Les premières sont San Ku Kaï et Spectreman, mais c’est suite à la diffusion de X-Or sur la 2 en 1983, puis de Bioman sur Canal+ en 1985, que le genre va se démocratiser, jusqu’à rencontrer un certain succès. Les CDs et cassettes audio (pan, 15 ans dans les dents) des génériques chantés par Bernard MINET se vendent comme des petits pains, de nouvelles séries comme Maskman et Liveman, renommées Bioman 2 et 3 pour garder les téléspectateurs fidèles au poste, sont diffusées à la suite de Bioman premier du nom. Mais au début des années 1990, la mode s’essouffle et le genre perd peu à peu de sa notoriété. Il va jusqu’à se retrouver comme porte-étendard de la violence véhiculée par les séries japonaises et est dénoncé par les organisations « bien-pensantes » françaises. La diffusion devient alors anarchique, et les Turboranger, Flashman, Jetman, et Fiveman arrivent difficilement à leur terme. Sentaï est un mot alors associé à kistch qui provoque des rires moqueurs. Il faut attendre les Power Rangers ou autres Beetleborgs pour revoir un semblant de tokusatsu sur les écrans français.
Pour autant, le genre a marqué les esprits. Outre les nombreuses parodies du genre, la plus célèbre étant sans nul doute celle des Inconnus, nommée Biouman, des fans vont créer une série hommage ancrée dans la culture française. C’est ainsi que Shin Kenjushi France Five naît, dans la douleur il faut bien l’avouer. L’œuvre comporte six épisodes, dont les sorties se sont étalées de 2000 à 2013… Visibles gratuitement sur Internet, les épisodes rencontrent un succès notable chez les amateurs de courts métrages, mais aussi, chose plus étonnante, au Japon où les fans de sentaï reconnaissent le soin apporté à la production, et surtout le respect des codes du genre (ce que n’avaient pas fait les Power Rangers). Ils s’organisent alors pour faire connaître la série au plus grand nombre en organisant des diffusions publiques, en éditant des cassettes vidéo, un fanzine… Le chanteur Akira KUSHIDA, connu pour les génériques de X-Or et bon nombre d’autres œuvres tokusatsu, se propose même de leur écrire et interpréter un générique digne de ce nom ! Elle reste néanmoins une production amateur, certes soignée, mais avec son lot de défauts (le premier épisode fait d’ailleurs un peu mal aux yeux, que ce soit au niveau des costumes ou des acteurs). Néanmoins elle reste agréable à regarder et est un franc moment de rigolade grâce aux références typiquement françaises (le robot géant d’Artagnan, les noms des héros tels que Yellow Baguette ou Black Beaujolais, les titres des épisodes…).
Conclusion – Toutes les histoires ont une fin
Il est compréhensible que l’on considère ces œuvres comme kitsch. Moi-même en les regardant je ne peux m’empêcher de trouver des éléments ou des passages tout simplement ridicules, qui sont la source de sérieux fou rires. Tout comme les dramas, ces séries respectent des codes très particuliers issus d’une longue tradition audiovisuelle japonaise, très loin de notre culture occidentale. Avec sa mise en scène qui est souvent dans la démesure, avec des effets spéciaux que l’on considère d’un autre temps, du sur-jeu, des situations nanaresques frôlant le n’importe quoi et des dialogues où la subtilité est parfois absente, il peut être difficile de rentrer dans cet univers. Surtout qu’en plus elles s’adressent à un public jeune. Pour autant, il serait dommage de ne pas tenter l’expérience. Une fois le cap de la découverte passé et les préjugés laissés de côté, on peut trouver des séries qui valent vraiment le coup d’être vues et un univers incroyablement riche dont aucune autre culture ne peut se vanter. Il est vrai que le genre a tendance à perdre de sa richesse avec un très faible taux de renouvellement des franchises (la dernière en date est… GARO, qui remonte à 2006) et des nouvelles séries qui ont du mal à faire le poids face aux cadors de cette industrie que sont le Super Sentaï et Kamen Rider. Mais l’histoire du tokusatsu est riche, et renferme des œuvres qui ont marqué leur époque et le cinéma mondial. Ce serait un crime de ne pas les découvrir. Oublions l’espace d’un instant que nous sommes adultes, sérieux et occidentaux pour savourer ce qui nous est offert.
Références :
http://powerrangers.wikia.com/wiki/RangerWiki
http://tokusatsu.wikia.com/wiki/Main_Page
http://en.wikipedia.org
http://www.toku-onna.fr
Animeland 176, 195 et le Hors série 20
6 commentaires
Très sympa et instructif comme article ! Bravo !
B)
Je pensais savoir pas mal de choses sur le tokusatsu, j’en ai appris plus encore. Super dossier!
Merci beaucoup les gars, ravie que ça vous ait plu ! :)
Ça donne envie de regarder, autant pour le côté hilarant de certaines parties que pour le côté immersion en culture japonaise… J’ai déjà regardé un épisode des France Five, c’est sublime, dans tous les sens du terme !!
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