Monsieur et Madame Serrarien ont une fille …

Dans les animes, il y a des héros grande gueule et des héroïnes téméraires, il y a des seconds couteaux dévoués et des amies timides et réservées, il y a des méchants patibulaires et des méchants pathétiques, et puis il y a des personnages qui ne servent à rien.

De même que les Shadoks distinguaient deux types de casseroles, celles qui ont le manche à gauche et celles qui ont le manche à droite, on peut distinguer deux types de personnages qui ne servent à rien. Les premiers n’apparaissent que quelques minutes, servent à meubler un coin de l’écran et finalement on les remarque autant que la tapisserie à fleurs du voisin qui nous a invités à dîner. Sur le moment, on se dit qu’il a vraiment mauvais goût et puis, en rentrant chez soi, on ne pense plus qu’à la digestion et on a complètement oublié ce détail. Les seconds, eux, sont plus vicieux : on les voit tout au long des épisodes mais ils arrivent toujours à se débrouiller pour ne surtout rien faire. Ce sont ceux-là qui nous intéressent. Ou plutôt non, qui nous inintéressent, mais on va quand même s’y intéresser un peu.

N’en déplaise aux féministes, aux suffragettes et aux membres du comité contre les discrimations au travail, il s’agit presque toujours de filles (ou du moins je n’arrive pas à me rappeler d’un seul exemple de mâle appartenant à cette catégorie). La Miss « Sert-à-rien » de catégorie 2 donc, c’est l’élite du poil dans la main, la potiche d’entre les potiches, l’andouillette labellisée 5A, quelque part entre celles qui présentent les produits au Juste Prix et Miss Vallée Inhabitée 1970.

Nos invitées du jour se reconnaissent à quelques critères bien précis, gages de leurs hautes qualifications en fainéantise. Tout d’abord, elles parlent peu et toujours pour ne rien dire. Un excellent exemple en est Chelsea, l' »aide » (avec beaucoup de guillemets) de l’inspectrice Angelica dans Coyote Ragtime Show. 3/4 de ses dialogues (je sous-estime peut-être) se résument à un prénom suivi d’un suffixe de politesse : « Angelica-san ». Joie, appréhension, question, l’intonation change (et l’allongement des « a » de « Angelica-san » avec), mais même avec toutes les intonations du monde, un bêlement de mouton reste un bêlement de mouton et finit par casser les oreilles. Deuxième caractéristique, leur physique n’a rien de particulier. Ni mieux ni moins bien dessinées que les autres, sans vêtements décolletés ni pose suggestive, elles ne servent même pas à apporter du fan service. Petite exception : Sakura dans Fate/stay Night (on pourrait presque faire une thèse sur le nombre de personnes prénommées Sakura dans les animes mais c’est une autre histoire). Pendant une scène, on la voit habillée dans une tenue de cuir moulante qui n’a visiblement d’autre but que de susciter une once d’intérêt chez les amateurs. C’est d’ailleurs un personnage particulièrement frustrant car on nous fait comprendre rapidement qu’elle a un rôle à jouer, mais elle reste complètement passive d’un bout à l’autre et cantonnée au rôle de poterie Ming sur le buffet du salon. L’exemple typique du personnage vidé de sa substance dès le départ parce que les scénaristes n’ont pas su l’intégrer à l’histoire.

Cependant, leur principale fonction se résume à leur action. C’est bien simple, celle-ci est nulle, rien, nada, netchevo, nanimo, le néant, un gouffre. Leur personnalité correspond à la définition d’un trou : une absence entourée de présence (i.e. la présence des autres personnes de l’histoire). Faut avouer, proposer quelqu’un que l’on verra quasiment à tous les épisodes (non, il ne mourra pas en cours de route, le trou noir est immortel) alors qu’il ne fait STRICTEMENT rien relève de l’exploit. Ainsi, la Miss Sert à Rien n’apporte aucun indice ou réflexion à l’enquête, ne combat aucun méchant, ne montre aucune piste, n’apporte aucune aide à quiconque, ne s’interpose pas pour protéger un autre d’un mauvais coup ou d’une balle perdue, ne se sacrifie pas en se faisant dézinguer par le méchant qui montre ainsi au spectateur qu’il ne rigole pas et n’est même pas fichue de conduire la voiture du héros ! Et pourtant on se la colletine pendant 26 épisodes. Stekkin, Sert à Rien de premier choix tout droit sortie de Pumpkin Scissors, fait deux choses : elle sert quelquefois le thé (élément crucial pour le développement de l’intrigue) et joue avec le chien (qui, lui, bosse quand il ne joue pas avec elle). Si au moins ces Miss étaient dans la position de la pauvre victime que le héros doit secourir mais non, là aussi, ce sont d’autres qui s’en chargent. Même le méchant n’accorde aucun intérêt à ce genre de personnage et sait que personne ne bougera le petit doigt pour la sauver s’il la kidnappe ; méchant mais pas fou. Pour ne pas être trop médisant, on notera malgré tout que Winia se fait enlever dans Scrapped Princess (avant d’être victime du syndrôme de Stockholm d’ailleurs), ça doit être la seule fois où elle fait parler d’elle.

D’où la question existentielle : mais pourquoi sont-elles là ? Plusieurs possibilités : les scénaristes ont sous-utilisé un personnage qui a davantage d’intérêt dans le manga original, un dessinateur s’ennuyait, une seiyuu était obligée de pointer au chômage sans ça, il manquait un bibelot pour aller avec la tapisserie. Mystère.