Nujabes : Rest In Beats

Né le 7 février 1974 à Tokyo et aujourd’hui considéré comme le père du Lo-Fi hip-hop, Seba Jun ou Nujabes était un gérant de magasin de disque plutôt discret, à l’image de sa personnalité, sa musique était restée longtemps confidentielle. Etant disquaire et ayant accès à beaucoup de musique (dans une époque où tout ne se trouvait pas en deux clics), ses influences étaient très variées, on y retrouve parfois de la bossa nova brésilienne en passant par du jazz abstrait, sans oublier le hip hop. Malgré une reconnaissance générale assez tardive due à sa collaboration dans la bande originale du classique de l’animation qu’est Samurai Champloo, sa musique est toujours restée plus ou moins sous les radars.

En 1998 Nujabes lance son propre label de hip-hop, Hydeout Productions. Il commence par signer l’artiste Funky DL, d’autres artistes suivront. Nujabes trouve petit à petit son identité musicale au travers de ses collaborations. Le 23 août 2003, Nujabes sort son premier album : metaphorical music. L’album est bien réceptionné dans les milieux d’initiés. La piste Lady Brown est mon morceau préféré de l’album, l’écouter c’est comme être sur un petit nuage, sans même avoir besoin d’acheter un Kinder.

L’album comprend une flopée de musiciens. Assez étonnamment, tous les artistes qui ont collaboré avec lui dans le premier album seront également tous présents dans le deuxième album de Nujabes, tous sans exception, ce qui en dit long sur la manière dont il gérait ses collaborations. On a les rappeurs du groupe CYNE et l’artiste Uyama Hiroto ami de Nujabes, clarinettiste à ses heures perdues et lui aussi producteur de musique hip hop. Ainsi que l’artiste Substantial et Five Deez. Pour finir, Shing02 qui est un collaborateur et ami de longue date avec qui Nujabes a produit la plupart de ses morceaux. À noter que tous ces artistes ne sont pas du tout connus.

La consécration arrive en 2004 quand Nujabes et le duo de DJ Force of the Nature acceptent de collaborer avec Watanabe qui été un fan des artistes et leur a naturellement proposé de collaborer avec lui sur Samurai Champloo. Il n’est pas exagéré de dire que Samurai champloo ne serait pas la même œuvre sans sa musique. Parfaitement ancré dans l’ambiance hip hop de la série, Nujabes ne fait pas que sublimer Samurai champloo, il le définit. Le réalisateur Shin’ichirō Watanabe a lui-même dit que le nom de Nujabes était le premier à lui venir à l’esprit quand il pensait à la musique de sa future œuvre. Nujabes signe l’opening, Battlecry, avec Shing02. L’ending est le résultat d’une collaboration entre Nujabes et l’artiste Minmi. Le morceau rencontre un très gros succès. Minmi et Nujabes ont également créé le « Who’s Theme », un incontournable de la BO de samurai champloo, morceau à la fois très atmosphérique et nostalgique.

Le 11 novembre 2005 sort Modal Soul, l’album ouvre avec « Feather » chanté par le groupe CYNE. C’est le plus gros succès de l’album et un des plus gros succès de Nujabes tout court. On n’en est pas encore à passer à la radio, mais le morceau a fait le tour du monde, fait assez rare pour des artistes underground. L’album comporte d’autres excellents morceaux comme Luv sic pt 3, Reflexion Eternal, World’s End Rhapsody. L’album se termine par Horizon, tout y est, la nostalgie maladive caractéristique de l’artiste le beat saccadé irrésistible, un morceau planant qui donne l’impression que plus rien n’a d’importance.

Même de nos jours, son influence sur la musique lofi est constatable de partout. On ne compte plus les références à sa musique dans les lyrics de rappeurs relativement connus, Sahbabii, Joey Bada$$ ou Jaden lui ont tous rendu hommage. Je parle d’hommage, parce que pour ceux qui n’étaient pas au courant, à l’heure où j’écris ces lignes, cela fait 13 ans que Nujabes nous a quitté, le 26 février 2010, dans un accident de voiture qui l’a emporté à l’âge de 36 ans.

Le 3 décembre 2011 sort Spiritual State. Il s’agit du dernier album de l’artiste et surtout d’un album posthume. L’album était incomplet, son ami Uyama Hiroto l’a terminé pour lui. Il compile les morceaux que Nujabes n’a pas eu le temps de sortir de son vivant. Les morceaux Prayer, Spiral et Far Fowls sont parmi mes préférés de l’album.

Avec Shing02, Nujabes a créé les « Luv(sic) » une série musicale en six parties qui commence en 2000 et s’étalera sur dix années de production. Le thème parle essentiellement d’amour. La dernière partie Luv(sic) partie 6 a une histoire particulièrement émouvante : le morceau a été découvert après le décès de Nujabes, sur son portable. A la base, c’est un sample qui s’appelait « The Grand Finale ». Shing02 l’a récupéré et a sorti Luv sic pt 6 en 2013, il s’agit d’un dernier hommage à son ami décédé. Les lyrics, qui parlent du fait d’aller au paradis après avoir connu le bonheur et l’amour, s’accordent parfaitement avec les sonorités « angéliques » de l’instru’ de Nujabes. C’est presque trop beau pour être vrai que ce soit l’ultime cadeau post-mortem de l’artiste.

Le petit mot de GTZ :

Un article sur Nujabes est un manque enfin rempli pour notre communauté. Artiste ayant marqué sur une seule série et pas n’importe laquelle l’animation japonaise et ayant en particulier promu la touche hip hop à la japanime. Peut-être grâce à lui et Watanabe nous nous sommes retrouvés avec plus de titres influencés par le hip hop dans notre média préféré, à commencer par Afro Samouraï sorti quelques années plus tard. Je me permets de compléter les dires de Sarthasiris en vous parlant d’un dernier album sorti 9 ans après sa mort, le bien nommé Tribute to Jun (Nujabes Tribute).

Pourquoi vous le citer en particulier ? Cet album sorti en 2019 témoigne de ce qu’à laissé derrière lui l’artiste ici traité : des héritiers dans cette mouvance que Nujabes a nourri, le Lo-Fi Hip Hop.

Pour n’en citer que quelques-uns si cela vous intéresse, en plus de l’album précédent, je vous conseillerai de tendre l’oreille vers un DJ Ezasscul, un Hai Le et un Ta-Ku.

Bonne écoute.

Merci à GTZ. Pour conclure, Nujabes c’est un tas de choses, un producteur qui mélange les genres avec simplicité, à la fois mélancolique et touchant. Certains de ses morceaux sont des bangers absolus, comme Feather ou Luv sic pt3, sans oublier l’incontournable Aurorian Dance. Luv sic pt6 est une conclusion parfaite pour la carrière d’un grand musicien dont je souhaitais rendre moi-même un petit hommage ici.

Rest in beats.