Palmarès Angoulême 2010 : côté mangas, c’est mort pour cette année
Le week-end dernier, le festival international de la bande dessinée d’Angoulême faisait son come-back. L’occasion de revenir sur les trois mangas sélectionnés cette année pour la compétition officielle : Je ne Suis pas Mort (Hiroshi MOTOMIYA), Le Vagabond de Tokyo (Takashi FUKUTANI) et Ikigami, Préavis de Mort (Mase MOTORO). Le lien entre ces trois mangas : le rapport à la mort et à la vie, qu’elle soit pénible et ingrate ou au contraire ludique et complaisante.
Les trois mangas de la sélection officielle
Je ne Suis pas Mort
La vie va redonner une deuxième chance à Kenzô Okada, ce dernier échouant lamentablement sa tentative de suicide, suite logique d’une vie jalonnée d’échecs. Se servant de cet ultime revers, Kenzô va se reprendre en main, mais d’une manière quelque peu originale. En effet, sa nouvelle vie commencera dans un tout nouveau lieu avec de tout nouveaux voisins : la forêt où il a tenté de se donner la mort, entouré par les sangliers environnants. Jusqu’à ce qu’une autre âme en peine vienne se suicider à quelques arbres de là…
Je ne Suis pas Mort dresse un portrait de la civilisation teinté d’espérance mais aussi de désillusion. Il tend à être réaliste et y parvient sans réel effort. Le manga n’est pas pour autant synonyme d’utopie poussant tous les hommes à vivre dans les bois en reclus. Il exprime simplement une volonté de prendre du recul vis-à-vis des évolutions diverses de la société, pouvant mener à la perte certains de ses éléments.
Le Vagabond de Tokyo
On y suit les tribulations d’un Tokyoïte déprimé mais ne perdant pas le nord, à la recherche d’un emploi, d’une femme et d’une vie convenable. Les amis de Yoshio Hori sont tous soit dépravés, soit instables socialement. Les rares connaissances normales qu’il peut avoir ne voient pas ces relations d’une façon réciproque. Il bifurque donc entre ses petits boulots et sa voisine de palier qu’il drague sempiternellement. Nulle question d’atmosphère macabre ou dépressive ici, simplement une lutte permanente en faveur de la vie.
Le Vagabond de Tokyo est sans conteste un manga sortant des sentiers battus. Celui-ci peut être qualifié de tout, sauf d’être dépourvu d’originalité. N’hésitant pas à mettre les pieds dans le plat en parlant d’homosexualité et d’échangisme, le manga n’est qu’un reflet d’un pan de la société, le tout traité de manière pour le moins humoristique. Véritable pavé de presque 400 pages, le Vagabond de Tokyo nous offre un large panel de la société tokyoïte, parfois originale, parfois clichée, mais jamais accablante ni assommante.
Ikigami – Préavis de Mort
Dans un futur proche, tous les enfants japonais reçoivent un vaccin obligatoire lorsqu’ils entrent à l’école. Dans 0,1% des vaccins se trouve une nano-capsule indétectable qui vient se fixer au niveau du coeur. Chaque personne porteuse de cette capsule mourra à une heure et un jour déterminé à l’avance, entre ses 18 et ses 24 ans. Tous les Japonais de moins de 24 ans vivent donc dans le doute, ce qui est sensé leur faire prendre conscience de « la valeur de la vie ». 24 heures avant leur mort programmée, les « condamnés » reçoivent de la main d’un fonctionnaire de l’Etat un « préavis de mort » (Ikigami).
Vous l’avez compris, le héros de l’histoire est l’un de ces fameux fonctionnaires. Forcément, il va remettre en cause le bien-fondé de cette étrange « loi de prospérité nationale ». Si le postulat de départ du manga s’avère surprenant, pour ne pas dire tiré par les cheveux, il a le mérite d’interpeller le lecteur dès les premières pages. Quel sens donner à cette funestre loterie ? Que faire des dernières 24 heures de son existence ? Comment cautionner une injustice pareille ? Le thriller est en marche…
Cette année, c’est chou blanc !
En plus des trois mangas sélectionnés en compétition officielle, quelques oeuvres japonaises concouraient dans d’autres catégories. C’était notamment le cas d’Astro Boy Anthologie volume 2 (Osamu TEZUKA) et de Fairy Tail volume 9 (Hiro MASHIMA) en « jeunesse » ainsi que de Cyborg 009 en « patrimoine ». Finalement, aucun manga n’aura raflé le moindre prix. Peut-être l’année prochaine…
Les lauréats de cette année sont donc : Riad SATTOUF (prix du meilleur album avec Pascal Brutal volume 3), Michel RABAGLIATI (prix Fnac-SNCF avec Paul à Québec), Joe DALY (prix spécial du jury avec Dungeon Quest volume 1), Alain DODIER (prix de la série avec Jérôme K. Jérôme Bloche volume 21), Mathieu BONHOMME et Gwen DE BONNEVAL (prix intergénération avec L’Esprit Perdu), David PRUDHOMME (prix regards sur le monde avec Rébétiko), Jens HARDER (prix de l’audace avec Alpha… Directions), Camille JOURDY (prix révélation avec Rosalie Blum volume 3), Carlos GIMENEZ (prix du patrimoine avec Paracuellos), Julien NEEL (prix jeunesse avec Lou volume 5). Le troisième volume de Special Comics (chinois) a remporté le prix de la bande dessinée alternative.
Par le passé, certains auteurs japonais avaient tout de même réussi à se distinguer. On pense au Quartier lointain de Jirô TANIGUCHI (prix du meilleur scénario en 2003) ou à Monster de Naoki URASAWA (prix de la meilleure série en 2004). Plus récemment, Shigeru MIZUKI a aussi été récompensé pour NonNonBâ (prix du meilleur album en 2007) et Opération Mort (prix essentiel patrimoine en 2009).
edit : Le Messie, premier volume de La Bible en Manga, a tout de même raflé le prix de la BD chrétienne francophone, une récompense « à part » décernée au festival d’Angoulême par des personnalités religieuses.
Article rédigé par Sacrilège et El Nounourso
7 commentaires
Après, reste à savoir si le manga a toujours accolé à lui cette image de "vilain petit canard" qu'il me semble avoir pour la BD en France.
Ashita no Joe est arrivé trop tard pour le festival 2009 mais je lui espère le prix du patrimoine en 2010.
@ Aflo : La proportion de mangas reste encore très faible alors le manque de récompenses n'est pas vraiment étonnant ! Après "vilain petit canard" je ne sais pas. En tout cas Angoulême est aussi là pour montrer qu'il existe une véritable diversité dans le monde du manga...
Ensuite dans le vol 4 on apprend que c'est pas la diet qui a voté la loi sur la prospérité nationale, mais que "le vainqueur de la Grandes Guerre" ont imposés au Japon, bref u tribut de guerre. En gros la future révolte du héros contre la loi n'est pas une révolte contre le Japon, mais au contraire une volonté de le libérer.
Nul doute à mes yeux que Motoro fait partit de ceux qui veulent faire du Japon un Utsukushii Kuni.
M'enfin dès les premières pages on se doute que l'auteur va très vite remettre en question cette loi en faisant douter son héros.
Le fait que la loi soit imposée par d'autres pays après la guerre ne change pas grand-chose au fait qu'elle reste aberrante... si ?