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Piano Forest – Une note de poésie

Publié le 17/07/2009 par dans Anime - 6 commentaires

Piano Forest est le premier long métrage de Masayuki KOJIMA. Loin d’être un nouveau venu dans le monde de l’animation, il s’est déjà fait remarquer au storyboard de Gunsliger Girl et de Trinity Blood et surtout au poste de réalisateur sur la série Monster. Aussi quand cette adaptation d’une œuvre de Makoto ISSHIKI, l’auteur de Hanada Shonen-shi, passe dans un petit cinéma de quartier à côté de chez moi, je ne peux décemment rater cette occasion. Kaze a en effet ici eu le courage de sortir dans quelques salles ce film pour enfants. On apprécie qu’ils n’aient pas essayé de faire de la publicité mensongère en surfant sur la vague Miyazaki. On aime encore plus la qualité du doublage en français, que ce soit pour le courage d’une adaptation osée ou encore des comédiens convaincus de leur rôle. Ce film mérite bien ce traitement de faveur.

Shuuhei Amamiya est le fils d’un grand pianiste de réputation internationale. Il marche sur les traces de son père et apprend le piano depuis l’âge de 4 ans. Mais pour lui ce n’est pas un plaisir, bien au contraire, il voit le piano comme son ennemi. Pour s’occuper de sa grand-mère malade, lui et sa mère quittent Tokyo pour se rendre dans un petit village. Amamiya va cependant faire une rencontre peu banale : Ichinose Kai (j’entendais Kyle dans la salle mais je suis un peu sourd) est un jeune garçon pauvre un brin malingre. Mais il a un secret : il connaît l’emplacement d’un piano abandonné dans la forêt. Personne n’arrive à jouer de cet instrument, y compris un prodige comme Amamiya. Mais Kai lui peut en tirer des mélodies somptueuses.

Crevons l’abcès tout de suite. Je n’ai pas vu ce travers dans la revue de presse généraliste ou culturelle (c’est bien, les choses évoluent) mais certains spectateurs iront peut-être voir ce film en attendant un ton « miyazakien », la popularité de l’animateur japonais étant telle qu’il fait encore office de label. Donc il vaut mieux mettre en garde tout de suite : Piano Forest est un film d’animation japonais pour enfants. Et c’est bien là le seul point commun avec la production cinématographique du réalisateur phare du studio Ghibli. Les choix graphiques sont différents. L’ambiance sonore et musicale est aux antipodes. Et si cela ne suffisait pas à faire la distinction, les thématiques abordées ne sont pas du même ressort. Ici, point de rapport syncrétique avec la nature. Vous ne trouverez pas non plus la moindre référence folklorique ou fantastique. Mais Piano Fiorest fait valoir d’autres qualités.

Le spectateur peu attentif hausse un sourcil devant une histoire au ton shônen bien marqué. L’opposition de deux jeunes rivaux autour d’un enjeu ici musical. Le riche et le pauvre. Le travailleur besogneux et rigoureux et le fantasque génie excentrique. Celui pour qui le piano est le pire ennemi et celui pour qui il est le meilleur et seul ami. La réalisation graphique surligne ce trait déjà bien caricatural. Plutôt simples, voire simplistes, les décors, dans une palette de couleurs assez sobre, relèvent le contraste des deux personnages. Amamiya vit dans des cadres très rectilignes, très ordonnés et lumineux tandis que Kai, entre sa « maison » et la forêt qui n’a rien d’un jardin à la française, évolue dans des décors aussi sombres que chaotiques. Il y a cependant un bel inversement de symboles puisque Amamiya est plutôt associé à des couleurs chaudes (le jaune, l’orange) et Kai à des couleurs froides (le vert).

Mais très vite, le discours est plus subtil. Rapidement en effet, Masayuki KOJIMA propose une analyse plus introspective. La rivalité n’est pas tournée entre les deux jeunes garçons mais envers eux-mêmes. Amamiya arrivera-t-il à apprécier le piano ? Kai parviendra-t-il à supporter la pression ? En fait, Amamiya qui en vient à jalouser Kai de son talent et de son amour du piano a d’abord du mal à identifier son ressentiment puis s’en veut de cette froideur envers celui qui est probablement son premier ami. C’est bien dans cette lecture novatrice d’un schéma qui pourtant pose a priori des bases très classiques que se révèle toute la qualité de cet apologue.

Conte n’appartenant ni au merveilleux ni au fantastique, si l’intelligence de sa morale (encore que la fin ouvre nombre d’interprétations possibles) n’est plus à prouver, il manque peut-être à Piano Forest du charme. Peut-être que vouloir rester sur le fil du rasoir pour dénoncer le manichéisme facile a lié la réalisation mais il est dommage qu’il ne ressorte pas de ce film plus de poésie. Heureusement l’humour décapant (la pianiste des petits coins) et la beauté d’une bande sonore qui repose sur les plus enjoués des grands canons de la musique classique parviennent à maintenir à flot le film mais je ne peux m’empêcher de regretter un coche en partie manqué.

Peut-être pas un chef-d’œuvre comme peuvent l’être des œuvres signées MIYAZAKI, KON ou TAKAHATA, Piano Forest reste un coup de maître, signe d’une maîtrise de bout-en-bout de son sujet par Masayuki KOJIMA. J’attends avec impatience son prochain long métrage ; il s’en fallait de très peu.

6 commentaires

1 le gritche le 17/07/2009
Vu à Montpellier, suivi d'un commentaire du directeur du Conservatoire de la ville (je crois) qui a fait une très bonne analyse du film par rapport à l'apprentissage de la musique, la discipline nécessaire ou non qui entoure cet apprentissage (polémique) et la très forte compétition pour faire carrière au japon en temps que musicien. On sent l'homme cultivé avec une bonne ouverture d'esprit. Le public a été amené à réagir...

Un film que je conseille: Amamiya va évoluer au cours du film, il y a de belles scènes et un bon humour pour adoucir le ton un peu dramatique. La voix trop féminine de Kai m'a énervé, comme d'habitude avec le doublage de voix enfantines, et j'ai vu des gens mal à l'aise dans la salle - des néophytes - se demandant quel était bien le sexe du personnage.
Il me manquait que ça pour savoir si j'allais le voir ou pas.
3 topachook le 19/07/2009
Un film de l'auteur de Hanada Shonen-Shi ça doit être forcément sympa ... merci pour le bel aperçu Aflo, Sirius dans son blog m'avait déjà mis l'eau à la bouche, là ça devient carrèment urgent de le voir.
4 Afloplouf le 20/07/2009
Je ne savais pas la compétition si rude pour les musiciens japonais. Enfin, ça ne me surprend pas des japonais de s'écorcher vifs...

Pour ma part, je n'ai pas trouvé la voix de Kai très féminine. Certes il a graphiquement un vague ressemblance avec Ed (cf Cowboy Bebop) mais je trouve que ça s'arrête là. On parle après tout d'élèves de primaires. Il me semble cohérent de ne pas avoir une voix muée.

Et merci Valmy et Topachook, vous ne pouviez me faire meilleurs compliments que dire que l'article vous donne envie d'aller voir ce film. :)
5 dareen le 26/07/2009
Une bonne critique qui j'espère aussi donnera bien envie aux curieux de se pencher sur ce petit film qui, malgré ses défauts, nous laisse une bonne impression en l'envie de se replonger dans l'univers du classique.

Personnellement je vous conseil de vous jeter sur l'OST qui en version album est encore plus belle à écouter que pendant le film.

[…] J’étais allé voir au cinéma la première adaptation du manga de Makoto ISSHIKI (Hanada Shonen-shi) en 2009 –  ça ne me rajeunit pas – et j’étais sorti de la salle obscure conquis. Le récit est construit par la réunion improbable de deux gamins : Kai est le fils d’une prostituée et Shuhei a grandi dans une famille de pianistes réputés. Mais le piano les a réunis. Leur parcours ne pourrait être plus éloignét entre l’apprentissage en autodidacte de Kai sur un piano abandonné dans les bois (bravo la COP21) et celui de Shuhei qui a bien sûr suivi des cours assez rigoureux avec des professeurs exigeants. Leur relation à la musique est donc bien différente. […]

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