Rainbow – Always look on the dark side of life
Dans la catégorie « Séries dont le titre ne reflète pas vraiment le contenu », Rainbow est un concurrent sérieux. Je vous arrête si vous pensez voir une sorte de remake de Laura Ingalls sous la pluie et les petits lapins qui dansent avec des lutins. Japon, 1955, 7 jeunes adolescents de 15 à 17 ans se retrouvent compagnons de cellule en maison de correction. Nouveaux venus en ces lieux, ils retrouvent le huitième habitant de ces quelques mètres carrés, Anchan, qui va leur servir de mentor dans cet univers carcéral très dur, particulièrement quand un gardien sadique vous a pris en mouche. Cette production Madhouse est une adaptation d’un seinen écrit par George ABE et dessiné par Masasumi KAKIZAKI. Précision importante : je n’ai pas lu le manga. Cependant, j’estime qu’une œuvre peut et même doit être capable d’exister en dehors de son support original, ou à tout le moins se suffire à elle-même. Et c’est là que le bât blesse à mes yeux ou du moins je suppose. Je ne sais pas si ça tient à la réalisation, très réussie mais peut-être trop marquée, ou bien à des ellipses narratives mal négociées qui gommeraient les nuances mais Rainbow la série est bien trop caricaturale, manichéenne même, en tout cas sur ces premiers épisodes.
Or je ne retrouve pas ce défaut cité par les lecteurs du manga. C’est dommage mais tel que les choses nous sont présentées dans la série on en retire vraiment l’impression de délinquants, non par moralité déviante mais par la force des choses (pour se nourrir, défendre sa famille, etc.), pas vraiment criminels, contre le gardien violent et le docteur pervers aux tendances homosexuelles plus ou moins refoulées. Mouais. Cette bipolarité de la présentation des évènements est d’autant plus surprenante que c’est l’expérimenté Hideo TAKAYASHIKI (Akagi, Kaiji) qui est aux manettes pour l’adaptation du scénario. Preuve si besoin était que chacun peut passer au travers et signer une contre-performance. Celui qui était à mes yeux l’atout numéro 1 de la série la plombe un peu ici, dommage.
Le pathos vire même parfois à l’exagération inutile avec le passé de Maeda par exemple. On apprend lors du deuxième épisode qu’il a perdu sa famille dont sa jeune sœur dans un bombardement allié sur des zones urbaines. Jusque là, l’empathie marchait à fond, je croyais me retrouver en plein Tombeau des Lucioles et puis paf. Ce ne sont pas n’importe quelle bombe qu’ils ont subi : c’est carrément LA bombe, l’arme atomique. Entendons-nous bien, je ne suis pas un révisionniste et je ne nie pas le traumatisme qu’a eu la bombe pour les japonais et j’ose espérer pour toute l’humanité. Mais justement, la ficelle est trop grosse : était-il bien nécessaire d’en appeler à ce traumatisme collectif pour faire vibrer notre corde émotionnelle ? Je persiste à penser qu’un bombardement anonyme aurait été bien plus pertinent : le spectateur aurait moins eu l’impression de se faire manipuler et cela aurait résonné en écho avec les images d’actualité qu’on continue malheureusement de voir.
C’est d’autant plus dommage que la scène est bien amenée sans qu’on puisse s’attendre à cette révélation. La réalisation souffle elle-même le chaud et le froid : si le cœur des intrigues pue à chaque fois le cliché, les scènes sont amenées subtilement et il n’y aurait cette acclimatation aux violons trop forts que l’on pourrait rester surpris. Je languedeputise mais les graphismes sont un des points forts de la série. Ce n’est pas surprenant lorsque l’on voit que c’est Tomoyuki SHIMIZU, qui s’est déjà fait remarquer à l’automne dernier sur le segment Ningen Shikaku de Aoi Bungaku Series, qui se charge de la direction artistique. De même, le chara-designer et directeur de l’animation Ai KIKUCHI et le réalisateur Hiroshi KOJINA, qui ont par exemple travaillé sur Majin Tantei Nôgami Neuro, ne sont pas ici en terre étrangère. Le résultat est à la hauteur des attentes : si l’animation est globalement inexistante et les décors somme toutes uniformes dans les teintes gris-brunâtres quoique bien travaillés, c’est surtout le travail sur les jeux de lumières – à mettre au crédit de Yukihiro MASUMOTO (Summer Wars) – et le chara-design réaliste et « viril » (plaisir des yeux mesdemoiselles ?) que je retiens. À ce propos, j’ai été surpris de lire certains qui jugent les adolescents trop adultes. J’ai envie de leur répondre de sortir voir des gens parce ce n’est pas parce que certains animes ont pris l’habitude de montrer des lycéennes avec un physique d’élèves de primaires que c’est devenu la norme.
La bande-son sauve aussi bien l’ambiance avec notamment un opening particulièrement énergique – quoiqu’un peu anachronique – qui sonne à mes oreilles comme le meilleur de cette rentrée printanière.
En résumé, je ne dirais pas que je n’aime pas Rainbow : il me laisse plutôt une sensation de se chercher, peut-être même de vouloir trop bien faire et, forçant un peu trop le trait, de raturer une copie pourtant prometteuse. Cela reste ma plus grosse déception de la saison, Madhouse ne peut pas gagner à tous les coups.
13 commentaires
A t-on une idée précise du nombre d'épisodes ? Car il y'a moyen d'en faire une vingtaine vu l'effectif produit en volumes du manga.
A propos de la soeur perdue dans à cause de la bombe atomique, je crois me rappeler que la scène est vite expédiée dans l'anime : les familles ayant perdu un membre à cause de ces bombes étaient nombreuses, rien d'exagéré (je dirais même que la fiction passe son temps à édulcorer une réalité souvent au-delà du vraisemblable dans l'horreur) C'était pourtant pas les exemples qui manquaient au vu de la mise en scène, de la musique et des larmes versées.
C'est dommage parce que même l'opening est alléchant et après pendant les 20 minutes qui suivent c'est du flop.
Je finirais la série quand même, histoire de voir, mais la première impression n'est pas au top.
*Retourne lire des mangas*
Quant à la bipolarité du monde carcéral, peu d'œuvres ont réussi à s'en affranchir (la série Oz ou le récent "Un Prophète") et rarement sans devenir encore plus dérangeant. Je pense surtout à Oz.
Y a quelque chose de Sleepers et du Tombeau des Lucioles là-dedans, deux films que j'ai appréciés. Et puis voir les jap' remettre un peu en cause leur passé proche, c'est toujours bon à prendre, surtout cette époque très trouble qui a suivi la guerre...
En espérant que ça vire pas à la Zipang si j'en crois la critique qu'en a faite Aflo à l'époque...Si Plouf pouvait infirmer mes craintes, je serais soulagé...
Et je ne vois pas en quoi ça aurait posé un problème de voir en Rainbow une série dérangeante si elle s'en était donné les moyens, bien au contraire.
Quoiqu'il en soit, non, je ne vois pas de dérive ultra-nationaliste dans Rainbow. Il a suffisamment de défaut pour ne pas en plus avoir celui-là. De plus, on se situe 10 ans après la guerre.
Sauf erreur de ma part, il y aurait au total 13 ÉPISODES de 25 MINS.
p-e qu'a ce moment vous comprendriez beaucoup choses qui je pense ne vous a jamais traverser l'esprit.