The Witcher : Le Cauchemar du Loup — Jette un anime au sorceleur

Après sa naissance en romans, son adaptation en jeux vidéo et sa récente transposition à la télévision, la licence The Witcher se décline désormais en animation avec ce long-métrage intitulé Le Cauchemar du Loup, disponible sur Netflix depuis le 23 août dernier. Un film qui se place évidemment dans les pas de la série également produite par le service de distribution américain pour faire patienter le public jusqu’à la prochaine saison.

Si ce film reprend la direction artistique de la série, l’intrigue en est relativement éloignée. En effet le récit s’intéresse à Vesemir, le mentor de Geralt de Riv ; un personnage qui n’apparait pas dans la première saison de la série mais que ceux qui ont joué aux jeux de CDProjekt connaissent bien. Vesemir est donc un sorceleur, un chasseur de monstres dont le corps a été modifié pour augmenter ses capacités physiques et lui permettre d’utiliser la magie entre autres. Les sorceleurs jouissent d’une espérance de vie plus longue que les humains ordinaires, mais c’est une existence de souffrance ; ostracisés par leurs pairs, les sorceleurs parcourent la contrée pour débarrasser le monde des bêtes les plus dangereuses contre une maigre récompense. Une vie de vagabondage, d’aventure et de danger, qu’ils nomment eux-mêmes « La Voie ».

La plupart des sorceleurs n’ont pas choisi leur destin, mais Vesemir est un cas différent. Fils d’un paysan au service d’une famille bourgeoise, il ne s’imagine pas imiter son père et consacrer sa vie à récurer les chiottes des riches. Sa rencontre avec Deglam, un sorceleur vétéran, lui donne l’étincelle. Vesemir décide lui-même de rejoindre Kaer Mohren, la forteresse des sorceleurs du Nord, pour suivre leur formation et s’engager sur la Voie.

Bien des années plus tard, Vesemir est un des meilleurs sorceleurs de l’école du Loup, mais sa carrière et sa vie vont prendre un brusque tournant. Alors que de nouvelles espèces de monstres puissants sèment la terreur en Kaedwen, une magicienne, Tetra Gilcrest, accuse publiquement les sorceleurs de mettre en scène des attaques de monstres pour terroriser la population. Vesemir est convoqué par le royaume pour enquêter sur la question et laver le nom de sa confrérie. Ce qu’il va découvrir va ébranler ses convictions…

Long de 80 minutes à peine, Le Cauchemar du Loup est un film dense qui jongle entre le récit initiatique de Vesemir et celui de la chute de l’école du Loup qui débouchera sur l’histoire de Geralt que nous connaissons déjà. Bien menée et intéressante à suivre, cette histoire fait honneur à l’univers riche et complexe imaginé par Andrej Sapkowski. L’écriture se rapproche cependant plus du travail de CDProjekt dans les jeux vidéo que de la série télé qui adaptait les nouvelles originales, ce qui nous convient d’ailleurs ; l’aspect concret et détaillé des jeux étant plus passionnant que le côté symboliste et mystique des romans et de la série qui les adapte. Toutefois le film semble s’adresser aux fans de la licence d’abord et avant tout, les enjeux autour de l’école du Loup et des sorceleurs sont les points les plus importants du film et ceux qui n’ont pas de familiarité avec l’univers risquent de passer à côté.

Le film est produit en Corée par le studio Mir, lequel a été fondé il y a une dizaine d’années par un certain Jae-Myung Yu qui fut directeur de l’animation sur la série Avatar The Last Airbender. Lorsqu’il a décidé de créer son propre studio, Jae-Myung a utilisé ses bonnes relations avec les producteurs de Nickelodeon pour décrocher le contrat qui lui a permis de produire la série The Legend of Korra, lançant ainsi son entreprise avec un projet inhabituellement large pour un studio tout juste établi. Depuis le studio Mir enchaîne les productions animées pour des clients aussi importants que Netflix (DOTA Dragon’s Blood) ou Warner Bros (Mortal Kombat Battle of the Realms). Des projets essentiellement destinés au public américain, le studio Mir n’étant que très peu connu chez lui en Corée alors qu’il s’agit du studio le plus en vue du pays à l’international.

En effet, le film jouit d’un haut niveau de production aussi bien en matière de mise en scène que d’animation proprement dite ; l’effort est visible à l’écran, les images de synthèse discrètes pour laisser la place aux animateurs 2D qui fournissent là un travail de grande qualité. D’ailleurs en regardant les crédits on remarque que la production n’a été que peu sous-traitée et les animateurs sont essentiellement coréens, comme quoi le Japon n’est plus aussi incontournable qu’autrefois.

Le Cauchemar du Loup n’est censé être qu’un bouche-trou entre les deux saisons de la série Netflix, mais en termes d’écriture comme d’action ce film d’animation – dont le budget total est probablement inférieur au coût d’une minute de Henry Cavill à l’écran – se hausse largement au niveau des meilleurs morceaux de l’univers étendu The Witcher. A recommander aussi bien aux fans de la licence qu’à ceux qui veulent voir un exemple de la montée en puissance inéluctable de la Corée dans le marché mondial de l’animation.

Deluxe