Tiger & Bunny – Rien à voir avec les Looney Tunes, quoique…
Après une année 2010 où il a été plutôt absent de la petite lucarne, hors OAV à dépoussiérer avec brio ces trésors de guerre de la vieille époque, Sunrise revient à la télé avec un projet original. La culture pop américaine est décidément à la mode puisqu’après Panty & Stocking With Garterbelt ou surtout Heroman sous le patronage de Stan LEE et les adaptations des icônes Marvel, voilà un nouveau projet qui puise son inspiration dans les comics et les bonhommes en collant. Une particularité quand même distingue Tiger & Bunny : la pub.
Sunrise n’en est pas à son coup d’essai pour le placement produit mais là les Maurices ont poussé les bouchons vraiment loin. Les super héros abordent sur leurs costumes des logos de différentes marques. Et Sunrise vend à des vraies marques (Pepsi, etc.) ces emplacements. Si je ne sais si ça permet effectivement de les financer, il y a là à tout le moins un prolongement logique de culture animesque et de son rapport au merchandising. Souci du détail ou auto-dérision ? Sunrise a su inclure dans le scénario cet aspect commercial. Dans l’univers de Tiger & Bunny, les super héros sont sponsorisés par de grandes compagnies. Leurs interventions héroïques sont filmées, retransmises à la télé et ils reçoivent des points dans une sorte de championnat annuel. Ça parait ridicule vu de l’extérieur, ça l’est aussi de l’intérieur mais intelligemment l’auteur Masafumi NISHIDA joue de la dérision. Blague à part, je dirai même que ce monde de strass et de paillettes est cohérent.
Oui, cohérent, n’ouvrez pas de yeux ronds comme ça et laissez-moi m’expliquer. Dans les comics, le pouvoir commun de tous les super-héros doit être de faire pousser du pognon. Aussi blindé de tunes que peuvent être un Tony Stark ou un Bruce Wayne, ils seraient rapidement sur la paille à se payer tous leurs super-gadgets. Là au moins, les supermecs et wondernanas de Sunrise sont financés. Des cartes sont vendues à leur effigie, ils tournent dans des spots de pubs, etc. Une mise en abyme classique mais plutôt bien vue. On y voit d’ailleurs le vieux de la vieille Tiger, comme le gosse en nous, être dépassé par toute ça et qui contraste avec ce jeune loup de Bunny qui lui, sait parfaitement se servir des médias pour parvenir à ses fins qui semblent encore bien mystérieuses.
Outre cette ambiance de comics, la série repose sur une astuce bien rodée : le duo forcé façon vieux couple d’un vieux au bord de la retraite forcément divorcé et d’un petit jeune qui débarque dans le métier. Inversion des rôles amusante : c’est le vieux qui est excité comme un gamin et le jeune qui est désabusé. Même si l’histoire tourne principalement autour de ce drôle de couple, les autres super héros valent également le détour. De la jeunette un peu naïve qui joue de son sex appeal au héros adulé de tous mais un peu creux en passant par la vieille tante et Waldo/Charlie, il y a là une belle équipe de bras cassés. Mais ne regardez pas trop de haut cet un assemblage pour le moins hétéroclite, les personnages sont le vrai atout de la série. Chose impensable à la seule lecture du synopsis, ce ne sont pas des stéréotypes sur pattes ou rollers. Ce ne sont pas des personnes mais bel et bien des individus. Ils sont vivants. Ce n’est pas quelque chose de facile à construire surtout avec le poids de cet univers artificiel – à moins que justement ça joue par contraste – et c’est quelque chose de trop rare.
Alors certes l’emballage technique et artistique est assez inégal. Le chara-design original serait signé du célèbre mangaka Masakazu KATSURA (Video Girl Aï, I »s, Zetman). J’avoue que je crois plus à une légende urbaine quand je vois la transformation opérée sur le travail final fournis par Kenji HAYAMA (Kuragehime, The Book of Bantorra) et Masaki YAMADA (Appleseed). Le résultat n’est pas forcément désagréable mais un peu étrange et anguleux. Le réalisateur de Karas reste fidèle à ses habitudes de la 3D. J’en suis toujours aussi peu fan mais il en faut pour tous les goûts. Par ailleurs le côté plastique des costumes des super héros et ce look&feel plutôt moderne de la série s’inscrivent plutôt bien dans l’ambiance de merchandising permanent. Les villes à l’américaine et certains passages qui puisent leur référence dans les comics de la grande époque (Tiger joue à Spiderman) sauvent un peu la mise mais on est en droit d’en attendre beaucoup plus de Sunrise. L’animation est certes de bonne facture mais manque à la fois de fluidité et d’enthousiasme.
Tiger & Bunny souffle le chaud et le froid. Chaleur des personnages, froideur de son univers, alors qu’un fil rouge se dessine et qui risque bien de briser cet équilibre délicat. A trop se prendre au sérieux, Tiger & Bunny pourrait bien vider de son sens et réduire à un simple exercice de style touts ce travail sur le second degré et les personnages. Un Basquash s’y est planté dans les grandes largeurs, un Heroman s’en est plutôt bien tiré, il est prématuré de prédire quelle orientation la dernière production de Sunrise et va prendre et surtout si elle va s’avérer concluante. De 12 épisodes d’abord annoncés, la série pourrait en compter le double. Si cette bonne nouvelle se confirme, l’équipe n’aura plus l’excuse d’un format trop court mais sauront-ils tenir la distance ?
En définitive, Tiger&Bunny s’annonce comme un divertissement de qualité. Il n’a pas forcément ambition à devenir un incontournable mais le souci de détail et une richesse qu’on ne soupçonnerait pas de prime abord lui permettent de se placer dans le haut du panier cette saison. Paradoxalement iconoclaste, il dépoussière pas mal le genre des types en collant et la petite touche japonaise qui jure un peu parfois surligne de façon surprenante et avec justesse l’esprit comics plus sûrement que les dernières adaptations Marvel/Madhouse : ça c’est la classe américaine.
7 commentaires
... je pense qu'il est préférable pour les personnes intéressées par cette animé de se faire son propre avis plutôt que de ce fier à une critique peu objective.
@Ergo, une critique est toujours subjective et je n'ai certainement pas la prétention de donner le "La" en matière de goût. ;)
Mais le "un Heroman s'en est plutôt bien tiré" m'a laissé un vieux rictus sur les lèvres lorsque dans mon esprit j'ai comparé le travail de stan lee (dans l'univers du manga) et de sunrise.
En revanche, fan également du trait de Katsura, je n'arrive pas à retrouver ici sa griffe, même de loin derrière un arbre enterré 6 pieds sous terre.