Un jour à « la Japan »

10h20 – Nous sommes encore loin de Villepinte, mais le coup d’envoi de Japan Expo est déjà lancé pour nous. Suivre des yeux l’approche du RER B, repérer depuis le quai les places libres, et observer du coin de l’œil les passagers en cosplay fait autant partie du sport que l’exploration des halls du Parc des Expositions. Quarante minutes de train plus tard, c’est le début des dédales de grillages et des files d’attente. La chaleur se fait déjà sentir mais malheur à celui qui entamerait trop vite ses réserves hydrauliques. La Japan n’est pas un sprint, c’est une course de fond.

11h10 – Cette fois, c’est parti. Le temps d’attraper un plan et de programmer en urgence un planning pour la journée et nous voilà partis pour jouer des coudes et tenter de nous repérer dans ce labyrinthe bondé et surchauffé. L’absence de la Comic-Con a semble-t-il permis une meilleure disposition des stands avec des couloirs plus larges et une circulation plus fluide, même si l’affluence du samedi reste particulièrement importante.

11h25 – Le couloir de la mort qui relie les deux halls principaux est toujours d’actualité. Ce passage unique et nécessaire pour accéder à l’intégralité de la convention est évidemment congestionné, d’autant que certains des plus gros exposants y tenaient leurs évènements, notamment Bandai et Toei avec des quiz One Piece et des cosplays Power Rangers.

11h40 – Nous constatons avec bonheur que la secte Evangelion-ique s’est vue accorder un traitement de faveur. Dans une petite chapelle stratégiquement placée entre les restos et la grande scène, une mini-expo consacrée au vingtième anniversaire de la franchise permet aux fidèles de pratiquer leur culte. Sont disposés des copies de storyboards, de layouts originaux, des concept-arts de la série de 95 ainsi que divers produits dérivés collectors. Après nous être recueillis devant ces reliques sacrées, nous reprenons notre route.

11h55 – Le Youtubeur Bruce Benamran, de la chaîne e-penser, prend le micro de la grande scène Yuzu pour une conférence de 45 minutes. J’aime beaucoup de ce que fait ce gars mais difficile de se passionner pour ce stand-up improvisé, entre anecdotes vaguement intéressantes et auto-promo. J’en profite pour sortir ma 3DS et constater que j’ai déjà fait le plein de rencontres Streetpass…

12h50 – Comme toujours, le(s) stand(s) Dybex impressionnent tant par la quantité de produits proposés que par les tarifs affichés particulièrement attractifs. Autour de nous les gens font leur shopping en famille, certains s’avancent vers la caisse avec une pile de coffrets sous le bras. Si le choix en matière de séries récentes s’avère honorable, ce sont surtout les titres vintages, notamment ceux proposés en version Blu-Ray, qui mettent notre volonté à rude épreuve.

13h00 – Parmi les invités anime passés un peu sous le radar, on pouvait compter M. Shichiro Kobayashi. Agé de 82 ans, le bonhomme est connu notamment pour son rôle de directeur artistique sur pas mal d’animes vintage et cultes : Rémi sans famille, Utena, Berserk, etc. Quelques-uns de ses travaux étaient exposés dans un petit local, accompagnés de notes sur certaines techniques propres à l’époque (par exemple le fait de dessiner les décors sur plusieurs feuilles de celluoid et de les faire glisser pour donner l’illusion du mouvement). Aujourd’hui Kobayashi ne bosse plus sur des décors et des designs ; il donne de grands coups de pinceau sur des toiles et appelle ça de l’abstrait.

13h15 – La plus longue queue du salon n’est pas pour un invité ou une dédicace mais pour le stand de cuisine japonaise dont l’odeur est aussi alléchante que les prix indécents. Un peu plus haut, démonstrations de tir à l’arc traditionnel (kyûdô) et d’escrime japonaise (kendô). On en arrive à l’inévitable scène cosplay, l’occasion de quelques photos et de constater que les déguisements les plus rigolos ne sont pas forcément les plus élaborés.

13h35 – J’ai l’habitude de passer rapidement devant les stands liés à la culture japonaise mais Down attire mon attention vers le stand d’Aeon, une chaîne de grande distribution nippone. Leurs murs étaient remplis de produits alimentaires japonais introuvables en France, certains visiblement délicieux (des kitsune udon instantanés), d’autres tout simplement curieux (les Kit Kat au thé vert, notamment).

14h00 – Après un nouveau passage par le couloir de la mort, nous pénétrons dans l’espace jeu vidéo, toujours aussi actif. Comme à l’accoutumée, Nintendo se taille la part du lion avec un espace énorme où un grand nombre de jeux étaient proposés à l’essai ; certains d’entre eux à peine dévoilés à l’E3 sont déjà jouables sur place. Nous nous faufilons entre le tournoi de Smash Bros et les compétitions Mario Kart pour continuer sur le hall 6.

15h05 – Séance de lèche-vitrine auprès des nombreux vendeurs de goodies installés entre le JV et les doujinshis. Figurines, vêtements et accessoires, c’est la grande foire du merchandising otaku où les stocks sont limités et où les transactions s’opèrent en liquide uniquement. Pour sauver l’honneur, nous nous sommes arrêtés à ce magasin de maquettes dont les étagères débordaient de robots, ainsi qu’à cette échoppe spécialisée dans l’import culturel proposant de consulter (voire d’acheter pour les plus fortunés) des artbooks remplis de documents de travail et de layouts.

16h15 – Il aura fallu attendre la fin de la convention pour arriver à l’évènement qui nous aura poussés à nous y déplacer. Le légendaire chara-designer Yoshiyuki Sadamoto n’en était pas à sa première venue à la Japan Expo, mais son prestige aura quand même poussé le staff de la convention à le proclamer invité d’honneur de l’année. D’où notre perplexité de voir la rencontre se tenir à l’espace « Kuri », constitué d’une estrade située en plein dans le bruyant hall 6, là où des youtubeurs ont eu droit à la scène principale.

N’ayant rien de tangible à présenter au public (son manga Evangelion est terminé et la communication autour du dernier Rebuild est verrouillée), M. Sadamoto a choisi de consacrer l’entièreté de la conférence à répondre aux questions de l’auditoire. Une méthode dont l’intérêt dépend de la qualité des questions posées et de la franchise de l’invité. Heureusement, le public est principalement composé de fans très au fait du sujet, qui n’ont aucun mal à suivre M. Sadamoto sur des sujets pointus liés essentiellement à Evangelion aux et aux choix artistiques propres à cette série. M. Sadamoto lui-même s’efforce de répondre au mieux à toutes les questions, dont certaines remontent jusqu’à ses débuts dans le milieu avec les courts-métrages Daicon III et IV qui ont préfiguré la création du studio Gainax. Il nous fait également part de son opinion sur l’animation numérique comparée aux cellulos, de son incapacité à dessiner de l’érotisme et de sa passion pour les Citroën.

Au départ timide, le public finit par s’enhardir et les questions fusent, si bien que pas mal de déçus repartent sans avoir pu contribuer à la discussion. De notre côté c’est plutôt la satisfaction qui prime, celle d’avoir eu en face de nous un des plus talentueux artistes de l’Âge d’Or, qui a d’ailleurs promis de revenir la prochaine fois avec une nouvelle œuvre sous le bras.

18h00 – La convention se termine avec une heure d’avance par rapport au programme des années précédentes. Alors que la foule se dirige vers la sortie, j’ai juste le temps de ramasser des prospectus et d’aller encourager notre cher Président Seb Ruchet. Après tout, c’est un peu grâce à lui que je suis là.

L’entrée de la gare est évidemment encombrée par la foule de ceux qui n’ont pas songé à l’avance à s’équiper de titres de transport. Après avoir indiqué la direction à prendre à une jeune fille zombie masquée et tachée de sang, nous décidons d’utiliser la fameuse astuce qui nous assure de disposer de place assises pour le trajet du retour. Nous ne pouvons pas nous permettre de dépenser plus d’énergie ; dès le retour sur Paris c’est une autre IRL qui nous attend et qui durera jusqu’au cœur de la nuit…

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