Sorti courant 2015 au pays du soleil levant et début 2016 dans les salles obscures françaises, Le Garçon et la Bête ou Bakemono no Ko est le quatrième film du talentueux et respectable réalisateur Mamoru Hosoda.
Aspect graphique :
Du Hosoda tout simplement, la patte du studio Chizu n'a pas faiblit depuis Les Enfants Loups et reste flamboyante tout le long du film. Des décors dépaysants et engagés à nous en mettre pleins les mirettes tout en nous emportant dans un monde au delà de l'imaginaire.
Les couleurs ravissent chaque paysages, que ce soit les rues d'un Tokyo actuel (à travers le quartier de Shibuya) ou les champs et les villages d'un monde imaginaire abritant des anthropomorphes. D'ailleurs, les détails sont ultra soignés pour l'un comme pour l'autre (comme on a l'habitude avec notre cher réalisateur). Le contraste entre les deux mondes émerveillera les petits et les grands, le film entamant son récit à travers un jeu de silhouettes enflammées pour ensuite bondir vers le monde réel qui, bien que bénéficiant d'un design soigné, paraîtra fade et monotone puisqu'il véhicule l'image d'un train-train quotidien, d'une routine qui n'en termine pas. (En mettant de côté qu'il s'agit de Tokyo, une ville vivante pleine de circulation et d'illuminations). C'est la que toute la beauté du film va se retranscrire, dans sa capacité à émerveiller à nouveau à travers son esthétisme déjà somptueux en dévoilant le monde des bêtes : Imaginaire, merveilleux, incroyable, florissant.
Les personnages ne sont pas en reste puisqu'ils héritent d'une animation qui garde cette personnalité propre au studio du grand monsieur, on reconnait bien là de nombreux détails qu'on a pu apercevoir dans ses précédents films comme ces mouvements vifs des yeux, cette petite animation des cheveux au vent ainsi que cette gestuelle qui va des déambulations les plus dynamiques aux mimiques les plus tendres des personnages. Leur design est tout aussi pur et précis que celui des décors, c'est un vrai plaisir de voir les héros évoluer au fil de l'histoire.
Musiques :
La composition est confiée à Masakatsu Takagi, un artiste qui avait déjà fait ses preuves en travaillant avec Hosoda pour le magnifique Les Enfants Loups : Ame et Yuki. Les OST sont très bien utilisés, leur présence renforce l'immersion que ce soit en terme de rire ou d'émotions fortes. Cela dit, les morceaux ont moins d'impacts sur le long-métrage que ceux des Enfants Loups.
Et en parlant de musique, c'est avec amertume que j'ai découvert le générique de fin. En effet, c'est un groupe de Pop/Rock Japonais appelé Mr.Children qui interprète le morceau final. Dans l'animation Japonaise, le générique de fin est très important (de mon point de vue) il est censé provoquer certaines émotions qui accompagnent le spectateur dans cette " après-séance ". Que ce soit pour La Traversée du temps, Les Enfants Loups ou encore Summer Wars avec le sublime Bokura no natsu no yume dont je suis tombé amoureux, chaque fin de film de M.Hosoda avait su me combler ce vide d'après film et avait cette qualité à me faire remémorer tous les meilleurs moment du film en quelques minutes. Ici, Sarting Over (c'est ainsi qu'il se nomme) relève plus du générique de fin d'un long-métrage Naruto... je n'ai pas ressenti l'esprit du Garçon et la Bête à travers ce morceau, la musique reste agréable à écouter, mais un petit quelque chose fait que ce morceau ne colle pas avec un tel film, à moins que...
Histoire :
Effectivement, "à moins que..." et on va y revenir plus tard.
En attendant parlons du scénario qui possède beaucoup, beaucoup, mais beaucoup trop d'idées et d'opportunités scénaristique pour en faire un simple film ! C'est une qualité comme un énorme défaut. Ici M.Hosoda nous met en place plusieurs éléments qui représentent d'excellentes bases pour un film d'animation :
- Un monde imaginaire qui parle à tout le monde et avec des règles simples.
- Le sujet de l'adoption comme trame de fond à travers deux personnages parfaitement traités, Kyuta et Kumatetsu.
- Des personnages secondaires incarnant chacun un trait philosophique permettant de véhiculer des valeurs facilement et sans perturber l'histoire.
- Un aspect générale englobant avec finesse l'évolution d'un héros à travers de l'action et de l'humour. justement dosés.
Le problème va venir de tout ce qui englobe ces principales grandes qualités du film. Premièrement Kyuta grandit beaucoup trop vite à l'écran. Dans les Enfants Loups, Ame et Yuki, les enfants donnent l'impression de grandir sans qu'on ne s'en rende compte, l'ellipse est bien faite, le spectateur n'est pas perturbé tout de suite et c'est sur le final avec brio qu'on se remémorera ces petites bouilles d'amour avant qu'ils ne commencent à mûrir. Ici, Kyuta va grandir à travers un fondu sous un arbre qui se métamorphose au fil des saisons. Et heureusement que la qualité graphique du film donne de la beauté à cette scène, car elle reste peu originale... et c'est à partir de la que le scénario se corse un peu.
On comprend vite à travers le nouveau Kyuta que beaucoup d'idées se sont bousculées dans la tête du réalisateur, le personnage commence à être perturbé et décide de retourner dans le monde des hommes, et la tout se mélange. Il va rencontrer une fille de son âge, commencer à reprendre contact avec son père, douter de lui même, se demander s'il doit rester à Tokyo ou non... Viens en plus se mêler à tout ça les perturbations dans le royaume des bêtes, où Ichirohiko commence à se développer et représente petit à petit la menace du héros.
Ces éléments ne sont pas mauvais, puisque Kyuta reste un adolescent et le fait qu'il soit perturbé sans savoir où aller ni quoi faire est parfaitement logique, mais ces éléments sont en revanche traités trop rapidement. Plus le film avance plus on se dit que cette trame ressemble étrangement à une série d'animation Japonaise du genre Nekketsu, comme-ci un calque avait été apposé à un film de M.Hosoda...
Et c'est fortement dommage, puisque le "méchant" du film (Ichirohiko) possède un traitement des plus navrant s'inspirant des grands méchants de mangas et autre anime populaires. Non pas que ces derniers ne soient que mauvais, mais parce qu'un tel traitement ne convient pas à ce format, de plus que le personnage n'a pas le temps de se développer correctement. Dans la dernière grande partie du film des idées surgissent avec panache et nous sont balancées sans trop d'explication. Ichirohiko développe des pouvoirs visuellement épatants à l'écran certes, mais qui sentent le cliché de la baston japonaise.
Le développement de ce personnage sombre qu'est Ichirohiko a tout simplement été bâclé, non pas faute d'idées, mais de temps. Voilà pourquoi je parlais plus tôt d'un problème de format. Hosoda avait une base solide pour faire un film complet avec des valeurs et un traitement de ses personnages exemplaire. Mais à partir du moment où le film pousse trop loin les idées de réincarnation, de la haine des humains, de la faille entre les deux mondes... tout commence à dégringoler.
Voila donc pourquoi le générique de fin colle peut-être bien avec le film, du moins avec cet aspect.
On se retrouve en plus avec Kaede, ce personnage féminin qui ne sert à rien si ce n'est qu'à développer un peu plus les relations de Kyuta, avec du recul, elle ne fait office que d'une présence féminine... C'est assez frustrant après avoir découvert Hana dans les Enfants Loups, un personnage féminin bien traité et impliqué. Kaede reste un personnage secondaire, mais tout de même, elle apparaît comme très importante auprès du héros, et au final, c'est à peine si on retiendra son nom.
Si Le Garçon et la Bête avait pus être une courte série d'animation, qui sait, peut-être que tous ces éléments auraient eu l'effet escompté. En effet, le royaume des bêtes a tout pour offrir un contenu riche et une histoire en parallèle avec le monde des hommes qui saurait ramener aux origines du héros. D'ailleurs, le passage du films où nos héros vont à la rencontre des différents seigneurs confirme cela. On nous montre différentes régions de ce gigantesque royaume imaginaire en seulement quelques minutes, ça fuse, les idées sont bonnes, c'est beau, mais beaucoup trop rapide, si bien qu'une certaine maladresse fini par se forger de minutes en minutes.
Pour conclure, malgré une flopée de petits éléments qui viennent former une belle boule de défaut, Le Garçon et la Bête reste un excellent film bénéficiant de la réalisation d'un excellent réalisateur au talent incontesté. La relation entre Kyuta et Kumatetsu nous rappel à quel point M.Hosoda sait raconter ce genre de récit mettant en scène des relations sincères, solides et pleines d'émotions. On regrettera un grand nombre d'idées mal exploitées en raison du format, mais on restera charmé par son univers, ses personnages et ses décors flamboyants.