Il y a quelque chose de la poésie cruelle et cynique dans Cat Soup ; cet onirisme malsain que l'on retrouvait chez Baudelaire mais avec le caractère incongru et fantasque de Boris Vian. Ce court est un hommage à feu la mangaka Nekojiru qui avait mis fin à ses jours deux ans et demi auparavant. Son œuvre se démarquait par un cynisme, une provocation qui n'admettait pas de limites mais toujours portée par un lyrisme sous-jacent et une dimension enfantine.
Le présent court est ainsi un hommage à la production de cette artiste et fait référence tout particulièrement à son œuvre majeure Nekojiru Udon qui relatait les aventures de Nyato et Nyata, la dernière emportée par la mort et son frère mettant à feu et à sang le monde entier pour la sauver. La trilogie a d'ailleurs été éditée au milieu des années 2000 chez Imho avec l'ensemble de ses autres travaux et je ne peux que vous encourager à aller y jeter un œil si le cœur vous en dit.
Cat Soup aurait pu se contenter d'être un de ces hommages poussiéreux, qui fait des manières et se veut le souvenir passé d'un artiste. Ce n'est pas le cas et c'est tout ce qui fait l'intérêt particulier du court. En effet, il possède la spécificité de ne pas se substituer, de ne pas résumer non plus ce qui était l'univers de Nejokiru mais plutôt d'en proposer une continuation, un prolongement inspiré de ce qui faisait l'idiosyncrasie de ces mangas, un peu de la même manière que le compagnon de Nekojiru a voulu poursuivre le travail de sa femme décédée sans pour autant se prêter ni à une réécriture, ni à un recyclage.
Il y a la volonté constante, qui traverse la demi-heure que dure le court, de pousser l'expérience du manga au-delà d'elle-même. Se superposent ainsi aux images tous les thèmes qui ont fait la puissance de Nekojiru : la violence et cette méchanceté inhérente à l'univers et au monde bien sûr, mais également les grandes réflexions métaphysiques sur les choses du monde, sur la religion, le bien et le mal, sur l'organisation de la réalité, la cruauté de l'humain et de la société tout en opposant ces thèmes au dessin mignon, enfantin et plaisant de ces deux adorables petits chats.
Ce court est finalement la vision d'un enfant. C'est un enfant qui perçoit la terrible vérité du monde et qui la dit avec ses mots d'enfant. Il y a ces airs de contes, de mythes qui portent le subjectif vers le général, qui font de ce qui faisait la particularité de Nekojiru un récit universel, une vision globale qui explose au travers de l'animation audacieuse, du rythme déchaîné des événements, des scènes incongrues, de toutes ces formes finalement qui se déchaînent dans un spectacle gargantuesque.
Car il y a toujours cette idée de spectacle. De toute chose faite spectacle. De l'horreur faite spectacle. De l'immonde fait spectacle. Alors, à son tour, c'est l'horreur de l'horreur et l'immonde de l'immonde qui se font spectacle, et on aime.