J'ai mis beaucoup de temps à cataloguer Blue Spring Ride. Même après avoir fini la série, je ne sais pas si j'ai réussi à saisir le message de l'auteur. Je vous entends déjà me dire, non sans raison, qu'il n'y a pas tant à comprendre qu'à ressentir. Ne pas pouvoir la mettre dans des petites cases n'est pas un défaut, bien au contraire, mais là n'est pas mon souci. Quelque soit le genre, du drame à la comédie, ou le format, une série fleuve à une suggestion de sketchs des yonkamas, toute œuvre porte un sens, celui que lui donne son auteur. Ce n'est pas forcément un sens profond, c'est parfois la simple envie de divertir mais il y a toujours une envie sous-jacente. Or, Blue Spring Ride ne ménage pas mes habitudes.
J'ai d'abord cru à une comédie romantique. Ce n'en est pas complètement une. La série n'est pas dénuée d'humour mais cela reste traitée par de seules petites touches. Une romance dramatique alors? Pas vraiment, les passages tristes ne sont pas spécialement surlignés. De plus, pour réussir le pari de l'empathie, ce genre de série repose souvent sur le déséquilibre émotionnel: on alterne rapidement du rire au larme pour percer l'armure de scepticisme du spectateur et le faire fondre pour les personnages. Blue Spring Ride n'utilise pas ces artifices. Je ne sais pas quand j'ai compris le schmilblick mais mon point de vue a basculé passé les premières épisodes.
Mais une fois n'est pas coutume, faisons un interlude analytique du fond pour nous concentrer sur la forme et évoquer les qualités techniques. Le chara-design est assez classique mais efficace avec des visages expressifs. La série n'est pas forcément toujours très colorée, presque terne mais cela donne un relief presque naturaliste assez bien venu. Les décors sont sobres, parfois trop, mais fournissent un cadre rapidement identifiable. Je n'ai en revanche pas la moindre demi-mesure devant la musique que j'ai trouvée excellent de bout en bout. Les félicitations du jury vont au générique d'ouverture parfaitement bien choisie, que ce soit pour la mélodie, les paroles et la qualités de la réalisation qui colle totalement au thème. Je n'ai pas trouvé qui s'en est chargé mais c'est un bon.
Et c'est bien par cet emballage que j'ai réalisé (comme quoi ce n'était pas tant un interlude que ça, désolé de vous avoir volontairement trompé), Blue Spring Ride fait le pari risqué d'offrir une vraie tranche de vie du quotidien, d'où le titre de ma critique. Certes, on se focalise sur quelques scènes et j'aurai aimé avoir leurs dialoguistes pour préparer mes répliques dans ma vie de tous les jours mais on a presque l'impression d'un documentaire. Tout ce qui se passe est résolument crédible. C'est audacieux car parfois la vie c'est chiant et sans utiliser les outils classiques de la fiction, il est difficile de faire marcher l'attachement du spectateur.
Là où Gekkan Shôjo Nozaki-kun s'amuse à détourner les codes, Blue Spring Ride n'en utilise lui aucun. Et c'est encore plus déstabilisant car privé de repères on ne sait pas trop par quel astuce rentrer dans cette histoire. Mais la série réussit assez bien ce défi même si je ne vais pas tarder à vous démontrer que je ne suis pas la moitié d'un emmerdeur.
Au début, je reprochais à la série de ne pas assez souligner ses passages clés. Mais maintenant, que je comprends l'envie d'en faire au contraire pas tant une œuvre de fiction qu'un moment dans la vie de personnages terriblement réels, je trouve au contraire que Blue Spring Ride surligne trop l'humour ou les passages faits pour nous mettre la larme à l’œil. Le pari naturaliste est dévoyé devant cette concession et lui fait perdre de sa force. Pour autant, jamais avare de contradiction, je suis le premier à reconnaître que sans ces quelques artifices, j'aurai pu décrocher et rater le coche.
Blue Spring Ride n'appelle pas forcément une suite et ne vous harnache pas sur des montagnes russes dont on ressort lessivé. Vous ne vous pisserez pas dessus devant ces blagues. Pour autant, elle n'en est pas moins incontournable à tous les fans de séries romantiques qui feront la même expérience que ceux qui mangent les yeux bandés et doivent découvrir par leurs autres sens ce qu'ils ont devant eux.