Avec plus de cinq millions de volumes vendus rien qu’au Japon et des nominations dans toutes les distinctions nationales et internationales parmi lesquelles le Grand Prix Tezuka 2018 qu’il a remporté, le manga Golden Kamui de Satoru Noda est ce que l’on appelle dans le jargon un succès. Et en général ce genre de succès ne reste pas longtemps sans avoir son adaptation anime ; ce qui arrange bien les mecs comme moi qui ne lisent pas de mangas car tourner les pages franchement c’est trop fatigant, alors qu’appuyer sur le bouton lecture de MPC-HC ça passe encore à peu près, c’est un effort tolérable.
En 1904 et 1905 eut lieu la Guerre Russo-Japonaise qui comme son nom l’indique opposa la Russie et le Japon pour le contrôle de la Corée et d’une partie de la Chine. A cette époque le Japon est encore une puissance émergente et se sent menacé par les Empires européens qui se développent en Asie. Cette guerre contre la Russie, qui débouchera sur la victoire inattendue des Japonais, eut d’importantes conséquences ; elle plaça le Japon sur l’échiquier géopolitique et donna un avant-goût de la boucherie que sera la Première Guerre Mondiale une décennie plus tard.
Parmi les soldats qui ont combattu, Saichi Sugimoto s’est illustré par sa férocité au combat ce qui lui a valu le surnom d’"Immortel". Une fois rentré au pays, il se retrouve à orpailler comme un clochard dans les ruisseaux d’Hokkaido, la grande île au nord du Japon où beaucoup de soldats comme lui se sont échoués après la fin du conflit. Il entend alors une rumeur au sujet d’une importante quantité d’or cachée quelque part dans la région, et dont la localisation serait cachée sous forme de code tatoué sur la peau des détenus évadés de la prison d’Abashiri. Sugimoto se met alors en quête du magot, et fait rapidement la connaissance de Asirpa, une gamine du coin. Elle aussi recherche le butin car l’or en question a été volé à son peuple autochtone de la région d’Hokkaïdo, les Aïnus…
Sugimoto et Asirpa vont ainsi s’engager dans une chasse au trésor à travers Hokkaïdo qui les mènera à affronter la vie sauvage et les environnements difficiles de la région, mais aussi diverses factions de militaires sécessionnistes et autres révolutionnaires déchus qui cherchent eux aussi à s’emparer du pactole pour motifs politiques. Mais surtout il va s’agir de découvrir les us et coutumes du peuple Aïnu, qui vit en harmonie avec la nature que le modernisme naissant du Japon met en péril.
La grande caractéristique de Golden Kamui en tant qu’histoire, c’est sa richesse. Cette série est autant une palpitante chasse au trésor remplie d’action et de combats qu’un documentaire sur la faune et la flore des localités septentrionales de l’archipel nippon au début du XXe siècle. On débute la série avec ce scénario à base de code à déchiffrer en collectant les tatouages des prisonniers évadés, mais la suite nous emmène sur des terrains très variés tels que la chasse au loup, la collecte des herbes, la pêche à la baleine, la taxidermie, le tiercé, les débuts de l’aviation, les armes à feu anciennes, j’en passe et des meilleures. Un vrai fourre-tout narratif qui plutôt que de rendre une écriture éparpillée, montre une volonté d’exhaustivité dans le traitement de son contexte. Le plus spécial étant bien évidemment ce qui concerne la culture Aïnu, ses coutumes, ses croyances, qui ont manifestement bénéficié d’un travail approfondi. L’auteur du manga s’est attaché les services d’un universitaire spécialiste de la langue Aïnu pour écrire son récit, et l’anime a été tout aussi rigoureux, ce qui est assez difficile étant donné que la langue Aïnu a pratiquement disparu et que seuls quelques historiens en détiennent encore la connaissance. Ainsi l’actrice qui double Asirpa s’est basée sur des enregistrements pour apprendre à prononcer les mots en Aïnu et les intégrer de manière fluide aux dialogues en japonais, par exemple.
Cette richesse constitue donc la grande qualité de Golden Kamui, mais c’est également son principal défaut. Beaucoup de personnages, beaucoup de factions, beaucoup d’intrigues, au bout d’un moment cela devient franchement touffu surtout quand la série n’hésite jamais à laisser son fil directeur de côté pour un énième aparté cuisine de survie en milieu hostile ou une séquence Rendez-Vous en Terre Inconnue à la rencontre des ethnies lointaines. Vers la fin on est pratiquement sur un nouveau personnage introduit par épisode, en plus des personnages principaux, et on ne sait jamais si les nouveaux venus vont disparaître deux épisodes plus loin ou s’ils sont là pour rester ce qui oblige le spectateur à rester attentif au moindre détail. Le manga original est prépublié dans le Jump et on ne s'étonne pas de reconnaître certaines caractéristiques de ces mangas hebdomadaires à long terme qui accumulent les nouveaux personnages pour conserver l’attention du lecteur là où une vraie bonne histoire sait tirer sa substance d’un noyau restreint mais essentiel de protagonistes.
Concernant la réalisation on retrouve ici le studio Geno, qui pour rappel a été créé il y a trois ans par Kôji Yamamoto – ancien producteur de la case Noitamina, afin de reprendre le travail du défunt studio Manglobe sur le film Genocidal Organ, d’où sa raison sociale. Il est plutôt ambitieux pour un studio aussi jeune de produire une adaptation telle que Golden Kamui, qui réclame un certain travail de recherche et qui est attendue au tournant par les fans d’un manga qui cartonne. Globalement c’est une réussite, le chara-design a une vraie patte et la palette de couleurs grisâtres rend bien l’époque du récit. En revanche l’anime a eu son lot de problèmes de production, avec cette affaire d’animaux en CG qui ont failli tuer la série dès les premiers épisodes, et une direction de l’animation inégale. Heureusement l’anime a bénéficié d’une saison d’écart entre la première et la seconde partie ce qui a permis au studio de rectifier le tir et de proposer une seconde moitié plus solide techniquement.
Malgré tout cela, faut-il conseiller Golden Kamui ? Oui, complètement, absolument. Cet anime a le potentiel de plaire à tous les types de spectateurs, même les filles, ce qui est assez exceptionnel. Pour ma part c’est principalement l’époque (début du XXe siècle) qui me fascine, ainsi que cette histoire de chasse au trésor qui rappelle les bons vieux films de western façon TGTBTU. Si vous recherchez une série bien foutue avec de l’action, de l’humour, des combats, de l’aventure, du drame, de la romance, des trahisons, de l’Histoire, de la culture, de la découverte, de la cuisine, de la violence, de l’intrigue, des secrets, des révélations, de la chasse, de la pêche, de la nature et des traditions, c’est ici que ça se passe.