Quelques mots sur le manga
Tout a commencé en mars 1998 dans le Weekly Shônen Jump et continue aujourd’hui avec 32 tomes édités jusqu’à présent. Hunter X Hunter est scénarisé et dessiné par Yoshihiro Togashi, le papa de Yu Yu Hakusho. Le trait de Togashi est fluctuant – certaines mauvaises langues diront de beau à moche, moi je dis que, même avec des traits parfois trop simplistes, il exprime toujours beaucoup de choses – et il va jusqu’à mélanger les styles, c’est-à-dire que tantôt un personnage aura plutôt le chara-design anguleux et effilé habituel, tantôt il aura une apparence plus réaliste et détaillée. On trouve également beaucoup de clins d’œil à d’autres œuvres, auteurs ou styles, parfois clairement mis en avant, parfois juste dans un détail comme l’expression d’un sentiment de peur dans une petite case. Parce qu'en plus, monsieur est un féru de récits paranormaux et horrifiques, ce qui se ressent assez bien, surtout dans certains moments, et je dois dire que j'adore ça. Quant à la narration de Togashi, elle est saccadée avec des transitions brusques entre les scènes (parfois à très bon escient, parfois non) mais étalée et précise. En effet, chaque arc se met en place lentement (sans parler de la parution sporadique des chapitres et des multiples pauses à durée indéterminée de l’auteur), posément, de façon à repartir sur des bases solides, sans oublier de faire quelques liens avec les événements précédents tout en ayant son identité propre. Bref, Hunter X Hunter c’est bien et Togashi est un génie. Un troll sadique, mais un génie quand même.
Hunter X Hunter a eu droit à une première adaptation animée en 1999. Je ne me lancerais pas dans un discours comparatif inutile sur l’ancien anime par rapport à celui-ci. Tout simplement parce que ça n’a pas de sens. J’ai vu les deux séries, je les aime toutes les deux pour leurs qualités et leurs différences. Il y a assez de place dans mon cœur pour le manga et ses deux adaptations. La seule différence notable est que cet anime diffusé depuis 2011 est beaucoup plus fidèle au manga que son prédécesseur, jusqu’à reproduire certaines planches, scènes, à l’identique, et va plus loin que l’arc Greed Island. Nous avons donc droit à l’adaptation inédite de l’arc des Chimera Ants, cet arc tellement décrié à ses débuts (et injustement toujours maintenant) et pourtant sublime. C’est en quelque sorte l’apothéose de la série jusqu’à présent. L’auteur confirme très bien cette sensation dans le manga, car l’arc qui suit instaure une sorte de nouveau départ.
La particularité d’Hunter X Hunter, c’est la place du texte par rapport à l’action. Les interactions, les dialogues explicatifs, les réflexions personnelles et, pour l’arc en cours, le dispositif narratif externe sont d’une importance extrême. C’est le sel de cette série. Cela laisse peu de place à l’interprétation personnelle du spectateur et ce n’est pas vraiment un mal : les intentions et diverses actions des personnages sont ainsi bien ciblées et il n’y a pas de place pour le doute, ce qui permet de justifier et de rendre crédible l’évolution des protagonistes et l’avancement de l’histoire. Le lecteur/spectateur pénètre au cœur du mécanisme réflexif qui fait avancer l'action et suit avec délectation les stratégies mises en place et les aventures qui lui sont contées. De cette façon, la cohérence interne des personnages est privilégiée par rapport à leurs exploits guerriers. Nous n’avons pas en face de nous des trublions prêts à se jeter corps et âme dans la bataille en hurlant. Au contraire, les plus impétueux se font remonter les bretelles voire le regrettent amèrement ; agir avant de réfléchir n’est jamais une bonne idée. Cependant, agir sans discernement est à distinguer de l’instinct, car une grande part est donnée à celui-ci. Rien qu’en observant Gon, le héros, on se rend compte de la valeur de l’instinct animal, de l’intuition.
Couplée à cette importance des mots et de la réflexion, l’efficacité de la mise en scène est également à pointer du doigt. Elle est soignée et contient bien souvent une grande part de symbolisme, pour une densité émotionnelle très forte lors de scènes importantes, qu’on remarquera évidemment surtout dans l’arc des Chimera Ants. Et il ne faut pas se voiler la face : c’est beau. Et cette beauté est assez remarquable dans le sens où elle est maintenue tout au long de la série, il y a un réel effort de qualité visuelle malgré le grand nombre d'épisodes. Le chara-design reste proche de celui du manga, mais d’un aspect plus régulier. Un détail me tient énormément à cœur au niveau de la réalisation, c’est tout le travail sur les diverses expressions des sentiments en passant par les yeux. Les yeux. LES YEUX. Ils sont profonds, brillants, expressifs. Je profite de cette séquence émotion pour dériver sur le côté sadique de Togashi que l’anime retranscrit très bien. Certaines scènes semblent étirer votre cœur en longueur tel un élastique, et quand ça finit par lâcher grâce au dénouement, cet élastique vous revient comme un coup de poignard dans la poitrine. Et que cela se termine tristement ou sur une note d’espoir, c’est toujours une déferlante émotionnelle. Pour appuyer ce point de vue, deux scènes particulières me viennent en tête (trois en fait, mais la dernière n’est pas encore apparue dans l’anime), mais je me suis promis de rédiger un commentaire sans spoil majeur pour permettre à tout le monde de le lire.
Forcément, le bonus d’une adaptation animée, c’est le son. Megumi Han et Mariya Ise font un très bon travail sur Gon et Killua, elles retranscrivent à merveille les émotions, les nuances et les variations dues à l’évolution des personnages. Daisuke Namikawa se fait plaisir avec Hisoka, Miyuki Sawashiro est parfaite en Kurapika et Keiji Fujiwara est un Leolio vraiment génial. Tout le travail des seiyuu est excellent, rien à redire là-dessus. Je citerais encore Kouichi Yamadera pour Silva Zoldyck, qui va de paire avec le charisme et la présence paternelle du personnage ; ainsi qu’Aya Endou pour une Komugi adorable et Kouki Uchiyama, voix parfaite et sensible pour Meruem. En ce qui concerne l’OST, elle est de très bonne qualité. On regrettera juste l’abus de certaines pistes selon les arcs. Mais ça ne l’empêche pas de véhiculer beaucoup d’émotions, soutenant avec force les images sous les yeux des spectateurs. Selon moi, la meilleure OST est celle de l'arc des Chimera Ants parce que plus intense et correspondant plus à mes goûts. Cet arc a aussi une autre particularité : la voix off. Cette fameuse voix off qui partage beaucoup les avis. Ce qu'il faut savoir, c'est que le narrateur est aussi présent dans le manga. De ce fait, c'est un gros défi d'adaptation et c'est courageux de l'avoir relevé. Je comprends tout à fait que cela puisse surprendre, déstabiliser voire déranger le spectateur. Le narrateur met clairement en avant le principal de cette mission : les enjeux et les pensées des protagonistes, pas l'action. Je trouve que les moments où il parle et ceux où il se tait sont bien équilibrés et j'arrive à bien me plonger dans chaque épisode grâce à lui, car plutôt que d'avoir des répliques de personnages pas très naturelles qui expliquent leurs pensées et leurs actions, c'est le narrateur qui s'en charge. Certes, ça met une distance entre le spectateur et l'histoire et parfois on peut trouver des commentaires inutiles car l'action décrite est assez évidente, mais d'un autre côté ça permet de cibler le personnage réellement sans que celui-ci ait besoin de s'expliquer. Certains diront que ça casse le rythme de l'action, au contraire cela permet de la ralentir et de la décortiquer. Le moindre détail a son importance. Après tout, n'oublions pas que le but de cette histoire n'est pas s’appesantir sur les combats épiques mais plutôt de donner de l'importance au psychisme des personnages et aux divers enjeux en cours.
Un dernier mot sur la censure avant de conclure : elle est bien présente, mais sait malgré tout se faire discrète. Oui, discrète, dans le sens où la censure est visible mais s’intègre au décor sous forme d’ombres, donc jeux de lumière, ou parades décoratives. Un exemple dans le premier arc, lorsque Killua arrache le cœur de son adversaire : Killua tend un bout de tissu dans lequel se trouve le cœur alors que dans le manga il exhibe l’organe encore palpitant et sanglant. Je trouve ce type de procédé bien plus agréable à l’œil qu’un simple voile noir, c’est de la censure intelligente. Cette influence de la censure donne l'impression d'une histoire adoucie, ce qui est peut-être vrai au départ, mais elle s'assombrit au fil du temps et la censure ne suffit pas à cacher l'horreur de certains événements, car beaucoup plus psychologique.
Finalement, le spectateur se retrouve devant une adaptation relativement fidèle qui sublime même certains passages ; et devant un anime avec des qualités intrinsèques indéniables, ne serait-ce qu'à travers la narration fluide et la transition entre les arcs qui est finement bien jouée. Il y aurait encore tellement de choses à dire, à détailler, commenter chaque arc, chaque scène personnellement marquante, s'étendre sur des personnages comme Koruto, Knuckle, Pakunoda, Machi, Senritsu, clamer tout mon amour pour Meruem et Komugi, ... mais je me suis limitée au strict nécessaire. J’ai vraiment eu du mal à rester un minimum objective tellement je m’investis un peu trop émotionnellement dans cette histoire, ce commentaire à rédiger n’a pas été une mince affaire. J'espère simplement que cette lecture a plu aux fans de la série et que cela pourrait donner envie à ceux qui ne connaissent pas encore.
Ma cote peut sembler un peu élevée. En temps normal, j'aurais mis un 9, mais j'ai opté pour un 10 afin de faire remonter la moyenne indécente de cet anime.
Merci pour votre lecture !