Iblard no Jikan propose une ballade dans le monde féerique d'Iblard, créé de toute pièce par Inoue. Grand amateur du Seigneur des Anneaux, il cherche à créer un monde aussi vaste et fourmillant de détails que celui de Tolkien.
Pas de chance, Inoue ne possède pas le sens de l'épique nécessaire à ce genre de production. Il possède en revanche cette capacité à suggérer le merveilleux, que le studio Ghibli a toujours su parfaitement instrumentaliser. Iblard no Jikan vient prouver que ce talent n'est pas auto-suffisant, tout simplement parce qu'Inoue est un très mauvais conteur (voir le manga édité par Kankô) doublé d'un scénariste nul, et nul à tel point qu'il n'est pas capable de faire dire quelque chose à ses tableaux, comble de l'impuissance pour un peintre.
On est dès lors condamné à passer d'une image à l'autre dans cette OAV de 30 mn un peu longuette, et l'on en retire souvent la désagréable impression que ce DVD n'a été édité que pour satisfaire un besoin narcissique d'ériger un monument à la gloire d'un univers extrêmement incomplet : doté d'un scénario à peine esquissé, il est aussi désespérément vide, peuplé d'à peine une dizaine de protagonistes, convoqués pour nous donner l'illusion que la vie qu'on y mène est heureuse et pleine de poésie. On est plutôt convaincu qu'elle est pleine d'ennui, tant les protagonistes n'y font rien, si ce n'est marcher ou voler de façon bien trop statique pour qu'on les envie : les petites animations qu'on trouve occasionnellement appuient cette sensation qu'Iblard est un bien triste monde. Elles sont très limitées et s'incrustent mal dans l'image. Pourtant, si elles existent, c'est bien parce que l'on a estimé que ces tableaux ne pourraient pas se suffire à eux-mêmes ! Pourquoi dès lors exhiber cette impuissance ?
L'esthétique d'Inoue est parfois superbe, souvent déplaisante, son goût du détail s'alliant à un choix de couleurs discutable évoquant le plus souvent les peintures fluorescentes ou délavées (c'est selon) que l'on trouve accrochées au mur des toilettes dans les chalets... Passées au filtre de Miyazaki, adaptées pour les besoins d'un décor du studio Ghibli, mises au service d'un scénario, elles fonctionnent parfaitement. Seules, exhibées dans toute l'exagération de leurs détails et le clinquant de leurs couleurs, elles désespèrent et écoeurent, ce sont des pâtisseries bien trop sucrées pour notre estomac.
Inoue n'a en définitive retenu que les aspects les plus déplaisants du pointillisme. S'il est capable de créer de très belles choses, il est souvent victime de son mauvais goût.
Cette OAV n'est rien d'autre qu'un très joli screensaver.