« Le Pacte des Yōkai » : bain de lyrisme et d’onirisme

» Critique de l'anime Natsume Yûjin-Chô par binyam le
04 Mars 2014
Natsume Yûjin-Chô - Screenshot #1

Adapté du shojo à succès de Yuki Midorikawa prépublié dès 2005 dans le magazine Lala (chez Hakusensha), Natsume Yūjin Chō est l’un de ces bijoux de l’animation, mêlant émotion et mélancolie, tendresse et sentiment.

Le Carnet d’amis de Natsume est directement inspiré de Hotarubi No Mori e, one shot du même auteur dont l’excellente adaptation animée est aussi à mettre en exergue. Produit en 2008 par le très bon studio Brains Base (Durarara, Baccano), cette production d’un genre tranche de vie est actuellement composée de 4 saisons et de 2 OAVs* et fait la part belle au fantastique, aux mythes (« yokai », « ayakashi », « mononoke » etc.) inhérents au folklore de la culture japonaise, très présent dans les croyances et le quotidien des habitants de l’archipel nippon.

Sur la forme, l’animé est joliment mis en valeur et jouit d’un panel de couleurs douces, pastel variés, d’une animation fort simple mais correcte pour la série et de très belles musiques (OST + Op et End) qui se conjuguent différemment au fil des saisons de l’animé, se mariant parfaitement à l’ambiance de l’histoire. D’une grande douceur, le style graphique, outre les décors sublimes et immersifs, nous plonge dans un univers de personnages dont le trait est caractéristique du shojo. Ce faisant, ce ton annoncé permet de dégager une certaine nostalgie, couplée à la mélancolie et la sérénité qui vivifient l’histoire réussissant à captiver le spectateur et faire rejaillir en lui de fortes émotions profondément enfouies, un véritable travail d’introspection, force principale de la série.

Natsume Yûjin-Chô - Screenshot #2A ce propos, là est la toute première interrogation qui survient en abordant la série. Qu’entend-on par les termes dérivés liés aux esprits (voir supra) et qui seront employés ici indifféremment, de manière générique (même s’il convient de prendre note de l’existence de nuances) dans un souci de facilité ?

L’humain et l’ayakashi comme miroir de l’âme

Les yôkai sont des esprits assez étranges - divinités ou démons - parfois considérés comme une représentation de l’être humain et de ses sentiments. Cruels, esseulés, attristants, moqueurs, fascinants etc, ils aiment se mêler aux humains. Ces derniers occupent une place centrale dans la série à côté des humains constituant le véritable leitmotiv des protagonistes (à l’instar des mushi dans Mushishi).

Pour autant, l’être humain reste bien la pièce maîtresse, le vrai point d’ancrage de l’œuvre entière avec comme point d’orgue l’évolution de son héros, Takashi Natsume. Ce jeune adolescent, orphelin de père et mère, a toujours connu une situation personnelle instable, passant de famille d’accueil tour à tour, mis de côté parce qu’il voit ces esprits que tous ne voient pas, apparaissant comme un jeune homme blessé dans l'âme, sans compter que les ayakashi ne le laissent guère en paix, étant donné que rares sont les humains capables de les percevoir et de les entendre. Ce sentiment de différence est d’autant plus accentué lorsque la plupart du temps, les esprits ne cherchent qu’à le dévorer ou le tourmenter.

Natsume Yûjin-Chô - Screenshot #3«Je t’aime parce que tu es différent », postulat d’un désir inavoué

L’œuvre traduit également l’incompréhension entre les gens et les non-dits, la difficulté à communiquer avec autrui. Le garçon a peu à peu ouvert son univers et son cœur et en tire au fil des péripéties satisfaction et bonheur. Néanmoins, il ne parvient toujours pas totalement à faire confiance aux humains, les multiples évènements ayant rythmé son passé (famille d’accueil, les moqueries durant sa scolarité) pouvant être des facteurs explicatifs de cet état de méfiance, toutefois peu à peu atténué grâce à sa famille adoptive actuelle et/ou son nouveau groupe d'amis. Percevoir l’invisible et n’avoir personne à qui se confier a dû être quelque chose de perturbant, surtout pour un enfant déjà orphelin.
De ce fait, être considéré comme un menteur par les adultes a eu pour conséquence un renfermement sur soi du jeune homme afin de ne plus entendre les propos malheureux des uns et des autres. Ce poids du passé l’a conduit en toute logique à se replier sur lui-même, verrouiller son cœur, n’ayant pour seul refuge que sa conscience.

Le livre des amis : ciment du lien entre les deux mondes

Natsume Yûjin-Chô - Screenshot #4Pour le reste, une chose constituera le lien, l'essence, la matrice même entre le héros et les bakemono : le carnet (ou livre selon les traductions) d’amis légué par sa défunte grand-mère, Reiko, elle aussi qui était capable de les voir. La détention de cet objet d’une grande valeur va lui permettre l’ouverture du monde des esprits. Afin d’éviter que des êtres malfaisants ne prennent possession de cet ouvrage puissant, Takashi décide de restituer peu à peu, au fil de ses rencontres les noms des ayakashi le composant, remportés par sa grand-mère lors de ses duels d’antan avec les esprits. Et c’est ce livre qui changera fondamentalement la vision de celui-ci sur son entourage.En effet, le croisement des personnages, fort d’un vécu et d’une myriade de sentiments communs comme la peur, la solitude ou l’amour, feront que cette relation de confiance en soi et en l’autre s’installera au fil des pérégrinations, tribulations avec les yokai que vivra le personnage principal tout au long de l’histoire. Le rituel mis en place permet d’ailleurs à l’esprit de retrouver son nom avec la perception du passé par Natsume, traduisant assez bien tous ces éléments de rapprochement entre les protagonistes.

Natsume Yûjin-Chô - Screenshot #5Par surcroît, la rencontre avec l’autre personnage essentiel de la série, Madara (surnommé Nyanko-sensei en raison de sa forme de chat) est le fruit du carnet, dénotant à nouveau son importance. Sa relation avec Takashi se développera au fur et à mesure de l’histoire, opérant un rapprochement et caractérisant un lien d’amitié étroit entre eux, même si le puissant yokai n’a pas oublié son intention de départ qui est de récupérer le livre à un moment donné. Le carnet d’amis lui aura également permis de se rapprocher des humains, créant parfois un vrai lien amical avec certains (Taname qui peut sentir les esprits sans les voir ou Taki qui dessine les cercles pour les apercevoir) ou familial avec d’autres (l’importance de la relation entretenue avec la famille Fujiwara au fil des saisons ou encore le moment de leur rencontre).
Le livre apparaît donc comme l’élément d’incidence du schéma narratif, moteur de l’évolution et de l’épanouissement de Natsume.

Conclusion

Natsume Yuujin-Chou est un shojo pétri de qualité, de bons sentiments dont l’adaptation animée est une belle réussite, bien que la qualité des saisons puisse paraître quelque peu inégale (chacune ayant des éléments positifs et négatifs, même si la première en comparaison de la quatrième demeure de loin plus mélancolique), le développement des arcs plus long et l’intrigue plus fouillée au fil des saisons contrebalancent cet aspect. Œuvre sublime pour les amateurs du genre ou porte d’entrée royale pour ceux qui désireraient se plonger dans cet univers, cet animé est symbiose de douceur et de bon sentiments.

A voir et à partager.

*NDR : Cette critique offre une vue d’ensemble d’éléments notables de la série et n’a pas pour but de traiter les OAVs une à une et/ou l’animé saison par saison.

Verdict :8/10
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A propos de l'auteur

binyam, inscrit depuis le 06/02/2014.
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