De part le lourd sacerdoce qui est le mien pour la partie webzine, je scrute chaque saison les nouveautés côté séries d'animation. Mais dans le flot incessant dont nous abreuve les studios, je fais le tri pour éviter de boire la tasse. Devant les premiers visuels assez peu engageants et le synopsis de Gekkan Shôjo Nozaki-kun, j'avais catalogué sommairement la série dans la catégorie des "anecdotiques".
Erreur. Vilain cerveau plein de préjugés à la noix. Suite aux bons échos du forum, j'ai finalement décidé de lui laisser sa chance et grand bien m'en a pris car je n'ai pas décroché jusqu'à la fin, à attendre fébrilement ma dose hebdomadaire d'anti-rides des zygomatiques.
Devant cette introduction pas forcément encourageante ("ça a l'air nul mais en fait ça passe") je vous sens pas pleinement convaincu. Mais de fait je préfère mettre les choses à plat car sous ses dehors classiques, Gekkan Shôjo Nozaki-kun recèle des trésors grâce à sa construction en mille-feuilles.
Première couche : le personnage est un mangaka de shôjo. Je ne sais pas si c'est moi qui en voit de partout depuis Bakuman mais c'est à la mode en ce moment de montrer l'envers du décors : des différentes étapes de fabrication en passant par les divers protagonistes impliqués. Ne vous attendez pas forcément à quelque chose de très pointu mais ça fournit la base à tout le reste.
Deuxième couche : c'est une comédie parodique. Si la série repose sur les qui pro quo et des personnages assez haut en couleur, l'axe central de l'humour de la série est que Nozaki, le mangaka, s'inspire, pour écrire son shôjo, pour partie des clichés qu'il connait, pour partie pour sa vie quotidienne passablement déformée. Ainsi, l'idée à la fois simple et brillante d'originalité repose sur le second degré ; s'il s'inspire de ses camarades de lycée pour écrire les personnages de son manga, il inverse les rôles. Il prend exemple sur des mecs pour écrire ses personnages féminins et sur des filles pour ses protagonistes masculins !
C'est le genre de ressort dont se demande comment personne n'a pu y penser auparavant. Le décalage créé est absolument désopilant et désamorce, en les montrant sous une lumière nouvelle, tous les stéréotypes du genre (dans tous les sens du terme). A commencer bien sur par l'auteur : on imagine que l'auteur est une femme alors que c'est un adolescent, et pas spécialement émotif ou en tout cas perceptif.
Car vient là troisième couche qui donne toute la saveur à l'ensemble : c'est un shôjo ! On a nos situations de couple avec les jeunes filles qui n'arrivent pas à avouer leur sentiments aux garçons qu'elles aiment (parce que ce sont des manches et parce que les mecs sont aveugles aux signes, c'est bien connu) et on se prend à les soutenir comment devant n'importe quelle romance.
Bref, c'est une comédie romantique qui se moque des comédies romantiques en montrant comment on écrit une comédie romantique ! Et si posé aussi froidement, ça a l'air aussi ridicule que bancal, la série réussit ce tour de passe-passe à merveille. Car comme dans tout bon dessert, c'est dans le mélange des saveurs en bouche que naissent toutes les qualités gustatives.
Pour mieux comprendre - et retranscrire - les sentiments de l'héroine à faire un cadeau à celui qu'elle aime (première couche), Nozaki décide de faire un cadeau à Chiyo en imitant les manières d'une jeune fille (deuxième couche) qui ne sait pas réagir puisqu'elle est vraiment amoureuse de lui (troisième couche). Tout ça dans une même scène. Et des moments comment ça, la série en est blindée.
Une série devant laquelle il est impossible de ne pas glousser aussi bien pour camoufler un rire que pour s'attendrir devant ces ados qui se cherchent.