Peut-être que le nom de Yuki Urushibara n'est pas le plus parlant dans le petit monde de l'animation japonaise. Mushishi, son œuvre la plus connue, s'est pourtant assez rapidement imposée comme une référence dont la renommée n'a de cesse de croitre. Que ce soit le prix de l'excellence du Japan Media Arts Festival (2003), celui du meilleur manga de l'année (2006) décerné par la maison d'édition Kodansha, ou tout simplement par l'accueil critique qui lui est accordé ; le succès de Mushishi n'est plus vraiment à prouver.
Il aura pourtant fallu attendre une demi-douzaine d'années pour que la première partie du manga soit portée sur les écrans, puis pratiquement huit autres de plus afin d'obtenir une adaptation exhaustive.
Considérée comme le porte-étendard de la série dite de contemplation - et sans nul doute à raison -, il serait néanmoins bien trop réducteur que de limiter la série à ce simple fait. En effet, Yuki Urushibara a fait de Mushishi une œuvre unique en son genre dont les qualités ne se limitent pas qu'à de magnifiques décors. Le tout premier épisode introduit d'ailleurs les principes fondamentaux du Shintoïsme via la rivière de lumière. Qu'il s'agisse d'une feuille, une pensée issue de l'imaginaire ou même un être humain, chaque chose est considérée comme une égale individualité formant un tout.
L'impossibilité d'ancrer l'époque durant laquelle les éléments interagissent entre eux et le fait de favoriser des espaces montagneux ne sont d'ailleurs pas totalement des hasards. Les Kami, créatures fantasmagoriques ici appelées mushi dans le cadre de la série, feraient la jonctions entre notre monde et le leur au cœur de certaines montagnes nippones.
Ginko, le personnage principal représente lui-aussi à sa manière une jonction ; celle entre les mushi et les êtres humains. Bien qu'elles soient rares, l'activité des quelques personnes capables d'apercevoir ces fameuses créatures se limite à les chasser voire les tuer ; au mieux à les collectionner. Notre héros limitera quant à lui son influence dans l'unique cadre de la médecine et de la recherche. Il est d'ailleurs intéressant de noter qu'il dispose de l'étonnante capacité d'attirer vers lui toutes sortes d'entités plus ou moins conciliantes.
Néanmoins, limiter là aussi Mushishi à une propagande à peine voilée d'une religion japonaise serait, à mon sens, une erreur de jugement.
Comme le disait si bien L.v. Beethoven : Si tu veux être international, chante ton pays.
Car Mushishi est avant tout une ode à la vie. Impliquant naissances et morts, certes, mais qui s'attarde aussi sur ce qui fait de l'entre-deux un parcours si merveilleux. Chaque épisode s'intéresse ainsi à une idée, une perception ou une conception visant à interroger le spectateur d'une manière pudique et adroite dont les réponses s'établiront à l'aune des convictions de tout un chacun. Relativiser le bruit par le silence, le jour par la nuit, la mort par la réincarnation ou bien courir après un arc-en-ciel afin d'en trouver la source sont autant de questionnements à mériter notre attention.
En ce sens, l'auteur a su créer une œuvre capable de parler au plus grand nombre ; à lui de s'en rendre désormais témoin.
Mushishi est à n'en pas douter une œuvre qui a d'ores et déjà gagné sa place pour la postérité.