Satoshi Kon aime étudier les phénomènes problématiques de la société japonaise. Dans « Tokyo Godfather », il dénonçait la situation des SDF abandonnés et méprisés en suivant les aventures rocambolesques et souvent comiques d’un trio plutôt atypique, forcé de parcourir la capitale pour retrouver la trace des parents d’un bébé abandonné la nuit de noël.
Ici, il s’attaque à la société de consommation (et même de sur-consommation) nippone en utilisant (parfois de manière abusive sur la fin) le surnaturel et le fantastique. Si l’on suit le scénario et les différents épisodes, on comprend qu’il cherche à montrer que la seule échappatoire et conclusion possible pour ceux pris dans le tourbillon commercial et sociétal auquel ils sont soumis et ne peuvent plus échapper est la mort. Qu’il s’agisse d’un suicide (en la personne de shonen bat) ou d’une faiblesse de l’organisme et de l’esprit qui n’arrivent plus à tenir la pression exercée sur eux, celle-ci sera toujours relativement violente, aussi bien pour la victime que pour l’entourage, qui réagiront par la suite différemment selon le niveau de pression ou eux même sont amenés. L’exemple le plus frappant et le plus sordide restant selon moi celui de la jeune femme découvrant son mari à l’agonie et s’inquiétant plus des circonstances de l’agression plutôt que de l’état de santé de ce dernier. On montre également comment certaines personnes tentent d’échapper à ce destin funeste et à cette société en cherchant à préserver un lieu où ils se sentent en paix, avec un bonheur simple dénué de toute valeur mercantile (l’épisode avec la femme d’apparence fragile cachant une volonté d’acier qui « affronte » seule le shonen bat est sans doute l’un des plus beaux et poignants que j’ai pu voir dans la japanimation).
Le générique d’ouverture (et les quelques plans fixes vus régulièrement) résume selon moi parfaitement l’esprit de la série, avec ses personnages souriants et semblant irradier de bonheur, mais celui-ci nous apparaît finalement artificiel et formaté pour s’adapter au plus grand nombre (avec Maromi et d’autres mascottes en chevaux de bataille). Ceux qui tentent de trouver leur propre voie où cherchent à quitter celle qui leur est imposée sont finalement écrasés par les habitudes, mœurs et le regard de leur semblables, qui les isole peu à peu jusqu’à les faire entrer dans un état de paranoïa totale qui pousse au suicide.
L’anime finit sur une note plutôt négative en montrant que malgré la crise causée par le shonen bat et son impact sur Tokyo, alors qu’on aurait pu espérer une amélioration après la réparation des dégâts, il n’a pas fallu deux jours avant qu’on retrouve une situation similaire, propice à l’apparition d’un nouveau monstre.
D’une certaine manière, le message (le cri d’alarme ?) lancé par Satoshi Kon passe plutôt bien sur le fond, mais sur la forme je suis loin d’être convaincu. Déjà, je trouve qu’on a du mal à s’attacher aux personnages étant donné que ceux-ci ne sont généralement mis en avant que le temps d’un épisode et l’on ignore ce qu’ils font après leur agression. D’accord, ça permet de visualiser plusieurs situations assez rapidement, mais ça donne aussi un côté rat de laboratoire pas forcément à mon goût. Et comme en plus la plupart d’entre eux sont assez caricaturaux (physiquement et psychologiquement), on ne peut pas dire que ça aide.
Dans le même ordre d’idée, pour certains personnages (comme la SDF naine ou le vieillard à l’agonie qui grave ses formules incompréhensibles sur le sol) je ne suis pas certain d’avoir compris le rôle que le réalisateur souhaitait leur donner et il n’y a malheureusement pas vraiment d’éléments de réponse à ce sujet.
Mais malgré tout, l’enquête reste intéressante à suivre et j’avoue avoir particulièrement apprécié certains épisodes comme celui avec un trio de suicidaires, le trip du jeune homme trop ancré dans ces jeux vidéos et bien entendu, le « duel » entre shonen-bat et la femme malade. J’ai aussi noté l’épisode avec 3 commères discutant avec leur nouvelle voisine qui m’avait semblé particulièrement ennuyeux mais s’avère bien plus intéressant grâce à sa conclusion particulièrement glauque et sordide.
Pour finir, je dirais que c’est un bon anime pour lequel Satoshi Kon sait appuyer là où ça fait mal, mais que je trouve pour ma part un peu trop démonstratif (et surnaturel sur la fin) pour réellement accrocher au concept. A voir malgré tout si vous êtes un rien misanthrope.
Note: J'ai adoré l'opening qui avait un je ne sais quoi de fascinant.