RahXephon est vraiment un anime dans lequel je suis entré à reculons, peu attiré par ce que je savais de l’histoire (un jeune tête à claque qui pilote un gigantesque robot surpuissant avec lequel il va mettre la pâtée à un gros ennemi contre lequel le reste de l’humanité est impuissant, super …). Cependant, j’ai été le premier surpris de constater que j’accrochais globalement bien à l’univers décrit par cet anime, que les thèmes développées étaient intéressants, au-delà des gros clichés habituels des blockbusters du genre.
Tout d’abord, première bonne nouvelle, contrairement aux apparences, les robots sont finalement peu présents et importent plus pour leur symbolique que pour leur capacité à ratatiner les méchants à grands coups de rayons laser. Heureusement, parce que le Xephon et consœurs ne remontent pas la côte des robots gigantesques dont ils reprennent les codes : ça rutile au soleil, ça a de beaux muscles en métal, ça vole, c’est aussi puissant que fragile et le pilote est un jeune garçon élu parmi des milliers de ses congénères boutonneux en pleine crise d’adolescence. Les dolems, eux, sortent du lot : ce sont des sortes de gigantesques statues d’argile (leur nom est d’ailleurs très proche de golem).
Rahxephon insiste par contre beaucoup sur les références et les thématiques sensitives et culturelles. J’identifie ainsi principalement deux thèmes majeurs dans l’anime : les sons et la culture antique.
Commençons par le premier thème : les sons et bruits sont évoqués à de nombreuses reprises et sous différentes manières : les robots éclosent lorsqu’une chanson bien spécifique est interprétée (chansons de Reika et de Kuon, cette dernière étant en fait un extrait d’une des danses du Prince Igor de Borodine). Le nom de « Xephon » s’écrit avec deux idéogrammes, le premier signifiant « monde » et le second désignant un son ou un bruit : étymologiquement, le Xephon pourrait donc être le bruit du monde ou un monde-bruit. Les armes des Dolems (et aussi certaines du Xephon) consistent en des ondes sonores ainsi que leurs signatures. Ceux qui manœuvrent les dolems et les Xephon sont appelés interprètes (« sôsha » : celui qui joue d’un instrument). Les dolems ont tous des noms de notation musicale en italien (« allegretto », « falsetto », …). Enfin, la musique est de qualité (les génériquess notamment, sont réussis), si bien qu'elle constitue en quelque sorte le barycentre de l'anime.
Le deuxième thème porte sur les cultures anciennes et en particulier les références aux civilisations précolombiennes. La lecture de quelques articles sur Wikipedia (notamment en version anglaise) m’a permis d’en découvrir davantage sur ce thème et j’en reprends quelques éléments ici. L’ennemi est désigné sous le nom de « Mu » qui est également l’appellation donnée à une supposée civilisation très ancienne qui aurait autrefois habité l’Amérique du Sud et une partie du Pacifique et aurait disparu à la suite d’un violent cataclysme naturel. Autre exemple, l’île où est basé Terra, Nirai Kanai, est le nom du paradis dans la culture traditionnelle des îles Ryûkyû (archipel d’Okinawa) au Japon. Le tombeau qui sert de passage ressemble également beaucoup aux tombes présentes sur ces îles. On notera aussi une référence à « Shangri-La », autre nom synonyme de paradis.
Mais c’est surtout le nombre de références aux cultures amérindiennes qui frappe. Les masques que portent les interprètes des dolems, aussi bien que les ornementations du trône de Maya rappellent beaucoup des style précolombiens (maya notamment). « Ollin », nom par lequel Kuon appelle systématiquement Ayato, signifie « mouvement » en nahuatl (langue des Aztèques, encore parlée aujourd’hui au Mexique). "Ixtli", nom donné à Reika Mishima est également un mot nahuatl. Il est fait référence à la fin de l’anime au calendrier maya et à la fin du monde (perçu comme un cycle) qu’il annonce.
On notera également quelques références cinématographiques dans RahXephon : la thématique des envahisseurs quasi indifférenciables des êtres humains et qui ont pu se mêler à eux, ainsi que peut-être un clin d’œil à 2001, L’Odyssée de l’Espace avec Jupiter (ici Tôkyô-Jupiter) comme but ultime de l’homme et lieu de sa rencontre avec une culture étrangère aux objectifs indéchiffrables (les stèles noires en orbite autour de Jupiter dans 2001).
Rahxephon possède aussi quelques trouvailles comme le personnage de Kuon, en décalage complet avec le reste tant visuellement (un tatouage étrange, une unité de survie futuriste et un parapluie victorien) que du point de vue de son comportement : ses phrases sont aussi énigmatiques et prophétiques que celles de la Pythie de Delphes. Je note également un certain sens de la mise en scène, notamment dans le générique d’ouverture avec le héros qui regarde au loin, le Xephon qui déploie ses ailes, Reika qui en fait (presque) autant, les images de Haruka et de Reika qui se croisent, etc.
L’anime n’évite cependant pas quelques écueils comme une once de fan service et un robot bâti à la Gundam qui démolit les ennemis à coups de poings là où les autres ont échoué avec un arsenal nucléaire.
De plus, les derniers épisodes ont un peu douché mon enthousiasme sur cette série : les pétages de câble qui jusque là avaient su être évités, s’y enchaînent, la fin vire au bain de sang de manière incompréhensible comme si les scénaristes avaient craint à la dernière minute qu’on puisse leur reprocher une fin trop happy end (et ça m’a rappelé Evangelion). Enfin, on subit un feu nourri de phrases pseudo philosophiques du genre « qui suis-je ? », « je suis moi », « tu es toi », « je ne suis pas toi » qui sont saoûlantes.
Cet anime a dont été plutôt une bonne surprise et je lui aurai volontiers mis 8, mais la fin m’a déçu et je lui retire un point.