Critique de l'anime RahXephon

» par Kyoshi le
16 Mai 2011
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Note : Malgré la longueur de la critique, celle-ci ne contient PAS de spoil.

Ce n'est pas avec des mots que RahXephon se devrait d'être décrit. Ce que Bones nous livre ici est (au risque de resservir des clichés) un récital magnifique interprété par un orchestre de personnages, tous indispensables à la création d'une impressionnante symphonie.

Ce que je retiens de RahXephon, ce ne sont pas des citations, ce ne sont pas des idées ni des pistes de réflexion, mais un air. Un air qui ne me ramène pas qu'aux plus beaux mouvements de cette composition magistrale, mais qui la porte tout du long. Un air qui, à défaut de retranscrire toutes les composantes d'un tout, nous présente le résultat de leur intrication. Un air simple, mais tellement évocateur.

A moins que je ne sois un cas particulier, c'est souvent qu'une certaine piste d'OST nous évoque l'ambiance de telle ou telle série, et c'est souvent pour ça qu'on la réécoute. Un tourbillon d'émotions entre dans ma tête quand j'entends 'into the light', de l'OST de de Kara no Kyoukai. Le mot 'epic' prend tout son sens quand l'essentiel de Fate/Stay Night me revient à l'écoute de 'Disillusion'. Je me suis mis à pleurer avant même le début d'un épisode d'Aria, quand j'ai entendu l'opening, et pris conscience du bonheur que cette série m'avait apportée, et que l'épisode à venir allait me donner. A priori, l'importance que je donne à cet air de RahXephon (issu du Prince Igor de Borodine, pour les curieux) n'aurait donc pas lieu d'être. Mais si je la mentionne, c'est bien pour une raison, et ici, c'est bien parce que ce que représente cet air a impact bien différent celui des autres sus-cités. Il n'est pas plus fort, mais plus important, dans le sens où à défaut de produire une réponse émotionnelle aussi forte que pour moi, les retrouvailles avec Kara no Kyoukai, il ramène vraiment tout RahXephon avec lui.

Il faut comprendre que RahXephon est bâti sur la musique, et que celle-ci en est une thématique à part entière. Les Dolems (comprendre : les méchas) attaquent en effet souvent avec des ondes sonores, et sont annoncés par une certaine D-1 Aria. Les évènements sont déclenchés par une mélodie, et des personnages sont ramenés à la réalité par l'appel d'une chanson. L'OST est donc particulièrement soignée, et très diverse (en termes de genre). On a droit à du classique orchestral ou en solo, à du hard rock, à du jazz, et à pas mal de morceaux qui semblent inclassables. Quand je dis 'soignée', c'est que beaucoup d'attention y a été mise, et qu'elle remplit parfaitement son rôle. Rôle qui est d'accompagner l'anime ou plutôt, dans ce cas, de faire partie intégrante du script. En revanche, ce n'est pas ce qu'il y a de plus agréable à écouter seul. Les OSTs de Ghost in the Shell et SAC par Kawai et Yoko Kanno sont dans le même genre : la perfection en ce qui concerne remplir le cahier des charges, mais pas ce qu'il y a de plus beau à écouter tous les jours. Et ce n'est pas le but, hein. Mais je me devais de le souligner. Cela n'exclut cependant pas le fait qu'on ait quelques très belles pièces, hein. Pour revenir à ce que je disais (j'arrête pas digresser, je sais. Faites avec !), la musique est prépondérante dans RahXephon, et on y prête d'autant plus attention qu'elle est souvent absente. Au fur et à mesure qu'on avance dans les épisodes, on apprend à prendre autant en compte les paroles des personnages que la musique (ou l'absence de musique). On le fait subconsciemment d'habitude, et le fait que RahXephon nous apporte cette nouvelle perception est une réussite en soi.

Outre la thématique de la musique elle-même, l'air qui m'évoque RahXephon me ramène au mystère qui plane tout au long de la série. Je vous conseillerais de l'écouter pour bien faire (Titre : La, La Maladie du Sommeil), ça vous évoquerait peut-être plus que si je ramble on continuellement sur une chanson qui vous n'avez jamais entendue. Et puis, RahXephon est fait pour être vécu à travers la musique de toute façon. Quoi qu'il en soit, l'air a un goût de mystère, lui-même qui nous intrigue et nous donne envie de continuer de regarder la série. Arrêtez de me regarder comme si j'avais enfoncé une porte ouverte. En effet, ce mystère a un effet double, dans le sens où il fait que soit on s'attache à l'histoire, soit on abandonne, on pète un cable et on lâche tout. Commencer RahXephon nous plonge dans un océan tourmenté, sans qu'on ait appris à nager. Un baptême du feu, en quelque sorte. Je peux difficilement vous décrire ça sans spoil, mais l'univers introduit plein de nouveaux concepts qu'il faut rapidement prendre en main si l'on veut comprendre quoi que ce soit. Si le rythme était lent, il n'y aurait pas de problème, mais si l'on n’essaye pas de comprendre on sera très vite perdu. C'est un peu le même cas que Ghost in the Shell. Le film est incompréhensible, la série moins, car plus lente. Alternativement, imaginez regarder Unlimited Blade Works sans rien connaître à Fate/Stay Night. (Quoi ? Vous ne connaissez aucune de mes références ? Intéressez-vous-y ou arrêtez de râler ). La différence avec les deux vient des références elles-mêmes. Les runes, les sorts, les cyborgs, tout le monde connaît. Une barrière dimensionnelle qui déforme le temps isolant Tokyo, des méchas en glaise qui attaquent en chantant, ça vous parle moins, hein. Pour en rajouter une couche, la grande majorité des références culturelles viennent du folklore Maya (franchement, qui en connaît quoi que ce soit ?), et Nahuatl (le langage des Aztèques) revient souvent. Ça a de quoi perdre.

Enfin, les personnages (sauf le personne principal, évidemment) agissent tous comme s'ils savaient quelque chose que l'on de sait pas. Honnêtement, ils ont tous cette expression sur leur visage qui n'est pas sans rappeler le fameux 'all according to Keikaku' de Light. On ne sait pas s’ils sont gentils ou méchants, mais on dirait que tout le monde connaît la fin de l’histoire sauf toi, et ça contribue à une ‘ambiance’ de mystère qui plane autour de l’intrigue et plus généralement de la série. Tout dans la réalisation cultive par ailleurs ce mystère, et retire ses marques au spectateur, à travers de nombreux plans fixes, énormément de personnages dont on ne connaît pas toujours le nom et le prénom à la fois et surtout un mecha-design très peu conventionnel. On sait que quelque chose d’énorme plane au-dessus de tout ça, qui relie tous les éléments et les personnages. Les indices sont nombreux mais subtils, ce qui rend la spéculation intéressante mais pas vraiment fructueuse.

Pour tout dire, à ce stade là de ma critique, je suis partagé entre être utile, c’est-à-dire insister sur les dangers que posent la complexité de l’intrigue et les nombreuses énigmes du scénario, ou faire mon fanboy et vous assurer que ça ne pose aucun problème, et vous dire de foncer et que vous comprendrez tout de toute façon. Pour en venir au faits, on nous présente un univers nouveau et complexe, avec sa propre histoire et ses propres concepts, ainsi qu’un nombre impressionnant de personnages humains et développés qui se connaissent tous et on chacun des liens bien particuliers. Par-dessus tout ça, il y a un côté qui rappelle assez Evangelion, avec des phases d’introspection un peu oniriques (pour ne pas dire complètement WTF). Le truc important qui amène un peu de chaleur dans ce monde hostile, c’est les personnages, et surtout leurs interactions. Selon moi, ce sont eux qui portent l’anime et qui lui apportent sa vraie valeur. Je m’explique : on a une dizaine de personnages, d’âges différents, de caractères différents, d’origines différentes, mais aucun n’est un stéréotype pur. Aucun. Le chara-design y est aussi indéniablement pour quelque chose : il est sublime, vraiment. Mais bon, on est d’accord que quoi qu’il arrive, ce n’est que l’enveloppe extérieure. On ressent vraiment un travail à ce niveau pour nous fournir des personnages humains, crédibles, et profondément attachants. Je donnerai une mention spéciale au commandant Jin Kunugi, doublé par Jouji Nakata (!), aux apparences très trompeuses et assez charismatique. D’ailleurs, on n’a pas de monstre de charisme dans RahXephon. Pas d’Alucard, pas de Comte de Monte-Cristo, pas de Major Kusanagi, pas d’Archer. Ils ont tous leurs particularités, leurs côtés peu appréciables, mais on les comprend. C’est là que je voulais en venir : on ressent de l’empathie pour tous les personnages de cet anime, TOUS. A part peut-être deux, mais ça, c’est personnel. La limite entre non seulement le Bien et le Mal, mais aussi entre ‘protagoniste’ et ‘antagoniste’ est assez floue, même si la série n’est pas dénuée de manichéisme. Elle reste même assez conventionnelle sur ce point : l’humanité contre un envahisseur extraterrestre. Ce flou est surtout donné par le peu que l’on sait initialement sur les motivations des personnages. Ils n’agissent évidemment pas au nom de l’Amitié, ni de l’Humanité. On est pas chez les bisounours, là, hein… Leurs motivations sont d’autant plus complexes que comme beaucoup de gens, ils ne savent même pas eux-mêmes ce qu’ils veulent. Certains paraissent froids, d’autres vains, mais ils possèdent tous quelque chose en plus que la plupart des autres personnages 2D. Et 3D aussi, d’ailleurs (Là, soit vous pensez que je suis en train de dire qu’ils sont plus profonds que beaucoup de personnages de film, ou alors qu’ils sont plus intéressants que vous. Prenez-ça comme vous voulez, les deux sont peut-être vrais.).

L’autre point essentiel en ce qui concerne les personnages, c’est le fait qu’ils soient tous liés. La complexité du scénario réside presque entièrement sur cette intrication, dans le sens où l’histoire ne concerne pas seulement Ayato. On nous présente un univers qui avance selon les règles de ce qui à été posé dans le passé, et l’histoire est celle de cet univers, dont on nous présente le passé à travers son effet sur le présent. On pourrait dire que la trame générale est comme une corde tressée de petits fils d’intrigue entremêlés. La plus importante est évidemment celle d’Ayato, mais on a aussi l’histoire de Haruka, de Meg, de Kunugi, de Makoto, Helena et Itsuki, de Sayoko, et j’en passe. Ils ont chacun leur histoire et leur subplot dédié. On sera tous d’accord que ça donne de la majesté au scénario, dans le sens où il devient vraiment le son unique d’un accord joué par de nombreux artistes. Il est également indéniable, et important à souligné que puisque chaque personnage a droit à son moment sous les projecteurs, il a naturellement droit à son propre background, développement et évolution ; d’où la profondeur que je mentionnais plus tôt. J’oserais même une comparaison avec Baccano et Durarara, de thèmes très différents, mais qui partagent l’idée d’une histoire non pas menée par un personnage, mais par les interactions d’un groupe d’individus. L’idée est beaucoup plus poussée dans Baccano, qui refuse d’admettre un personnage principal, mais la ressemblance est là. L’exploration du temps, et l’effet du passé sur le présent et le futur est central à RahXephon, dans le sens où il affecte aussi bien le scénario que la nature des personnages eux-mêmes. Les relations entre les personnages sont déjà existantes dès le début de l’histoire, ainsi la série n’explore pas que celles qui vont se créer, mais aussi et surtout le rôle de celles du passé. On ne connaît rien d’elles au début de l’histoire, et c’est comme si l’on voyait un seul aspect d’un tout, à travers les yeux d’Ayato. En fait, on ne voyait rien du tout. Progresser dans RahXephon est une (re)découverte éternelle, dans le sens où chaque épisode nous apporte un lot d’informations et nous donne un perspective plus large des évènements. On pourrait même pousser tout ça et dire que RahXephon est un voyage. On gravit une montagne, et on découvre que le monde est grand et ne se limite pas à notre ville natale. Tout en grimpant, on prend des jumelles et on voit le détail des routes, un animal se faisant chasser, des ruines au loin – et tous ces détails ont une signification particulière. Enfin, arrivé au sommet, on constate que cette montagne était la plus petite des environs, et que l’échelle du monde nous échappera toujours. Au fur et à mesure des épisodes, on remarque que chaque instant de ce que l’on voit possède sa propre beauté et nous apporte un bonheur particulier, mais au goût que l’on connaît déjà. Parfois, on s’arrête, et on se dit que ça serait si bon, que la montagne n’ait pas de sommet et le monde pas de limites. Là est l’intérêt de RahXephon : nous donner envie de nous arrêter et de nous rend compte de ce qu’on nous donne. Une œuvre que l’on apprécie nous donne envie de savoir la fin, mais on est aussi réticents à l’atteindre. Mais le suspens nous bat et on se met à lire de plus en plus vite, parfois en oubliant de savourer chaque instant. A partir d’un moment, le suspens et le mystère n’est plus ce qui porte cette série. On pourrait en penser comme d’un planeur, qui a besoin d’une traction initiale pour prendre son envol, mais qui après profite d’un vol tranquille à destination. Ne vous méprenez pas : RahXephon n’est pas un long voyage tranquille, surtout la fin. Mais, il ne nous presse pas pour autant.

Il est souvent rare de voir une narration bien maîtrisée. Souvent, c’est trop lent, alors qu’il devrait se passer des choses. Il arrive aussi que tout se passe tellement vite que l’on ne comprenne plus rien. Il arrive aussi des cas où il se passe des choses à l’écran mais on n’en a plus rien à foutre. C’est le bain de sang complet mais c’est pas grave ! RahXephon évite ces écueils. Le rythme est continu et régulier sur la grande majorité de la série. Ce qui est intéressant, c’est que malgré le schéma (rappelant Evangelion) d’un ennemi par épisode, on ne s’ennuie pas. C’est très subjectif, mais alors que certains passeront peut-être l’épisode entier à attendre le fameux combat de l’épisode, je préférais nettement ce qui le précédait. Par un artifice pas vraiment caché, on satisfait les avides d’action et ceux qui préfère la subtilité des interactions entre les personnages. (Attention, troll) Evangelion avait des personnages aussi charismatiques que des céphalopodes, souvent apathiques ou haineux entre eux. Evangelion était froid, il lui manquait la chaleur humaine. Il étudiait l’intérieur des personnages et non leurs interactions. RahXephon est tout le contraire : l’introspection passe au second plan après les liens. RahXephon possède la chaleur humaine qui manquait à Evangelion. Les épisodes de ces deux séries présentent la même dualité : une première partie concentrée sur les personnages et l’univers, et un beau combat en tant que deuxième. Pour moi, dans Evangelion, la deuxième était plus importante que la première : les combats étaient superbes, d’une intensité sans pareille. Le reste, moins intéressant. Puisque les combats ne s’étendent pas au-delà des épisodes (thank god !), j’ai eu l’impression d’une narration saccadée. RahXephon met plus l’accent sur la première partie, celle qui est développée et suivie sur tous les épisodes. S’en ressent alors une impression de continuité, et de fluidité régulière. C’est ce rythme qui m’a attiré vers RahXephon. (Troll fini – vous m’excuserez, mais j’ai jugé ça intéressant de comparer les deux séries, qui ont déjà souvent été mises en rapport).

J’ai une mention spéciale à faire en ce qui concerne le travail fourni sur quelques scènes qui possèdent une puissance émotionnelle incomparable. La combination d’une OST de génie, d’une ironie du sort qui fend le cœur et d’un sentiment d’inexorabilité m’ont arraché quelques larmes à plusieurs reprises.

Je passerai vite sur la forme, qui au-delà du chara-design et du mecha-design, de très bonne facture, est dans la moyenne haute mais pas superbe non plus. Je ne vous cacherai pas que retrouver des décors et des dessins éloignés d’un style CG m’a fait très plaisir. Cela dit, l’emballage n’est pas le point central de l’anime (dans ce cas précis, la musique ne fait pas partie de la forme), et ce qui est à l’intérieur de l’emballage est nettement plus intéressant. J’ai peut-être rêvé, mais j’ai noté une référence aux montres molles de Dali, ce qui m’a énormément plu et qui s’accorde pas mal aux références aux rêves et au subconscient des personnages. De manière générale, RahXephon est un anime intelligent et très bien maîtrisé, qui se paye en plus le luxe de prendre de nombreuses références, aussi bien en termes de musique qu’en termes de culture et de civilisations. Il ne plaira pas à tout le monde, ne serais-ce que par sa complexité, mais je l’ai trouvé largement plus abordable qu’un certain anime de Hideaki Anno. (D’ailleurs, je vous déconseille de les regarder l’un après l’autre, il y a pas mal – trop – de similarités). En somme, ça sera un 8 : j’enlève un point pour la fin qui, bien que magnifique et superbement orchestrée, m’a un peu énervée de par un long passage (pseudo- ?)introspectif, et un autre point pour la complexité du scénario qui en perdra certains (ce n’est pas mon cas, mais la note est indicative pour vous, pas pour moi).

Verdict :8/10
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A propos de l'auteur

Kyoshi, inscrit depuis le 17/05/2010.
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