Cela fait maintenant quelques années que la case Noitamina joue au yo-yo dans sa programmation, alternant entre séries alimentaires sans intérêt et productions plus difficiles à l’attention de spectateurs exigeants. The Perfect Insider fait partie de cette seconde catégorie.
Toutefois, ce n’est pas comme si A-1 Pictures avait été capable de sortir d’un seul coup un anime brillant, eux dont la principale identité en tant que studio est de n’avoir aucune identité. Au Japon, le roman Subete ga F ni Naru est un best-seller qui fut publié il y a près de vingt ans, qui propulsa la carrière de son auteur Hiroshi Mori (lequel écrira par la suite le livre The Sky Crawlers qu’adaptera Mamoru Oshii) et qui fut même adapté en drama live. Avec un tel matériel, il aurait été difficile de se planter et le résultat, sans surprise, est assez satisfaisant.
Pourtant, The Perfect Insider partait du mauvais pied. Le premier épisode, imbuvable, pose une ambiance boursouflée où des personnages présentés comme supérieurement intelligents discutent des choses de la vie, en imaginant que c’est censé intéresser le spectateur. Heureusement, le récit se lance vite et prend la forme d’une enquête policière mâtinée de science et de psychologie. Le professeur Sohei Saikawa voue une grande admiration à Magata Shiki, une informaticienne de génie qui vit recluse dans un laboratoire isolé après qu’elle ait tué ses propres parents. Grâce aux relations familiales d’une de ses étudiantes, Saikawa parvient à se rendre au laboratoire en espérant une entrevue avec Magata. Lorsqu’il arrive sur place, il découvre que cette dernière a été sauvagement assassinée. Par défi et par ennui, il se lance dans la résolution de l’énigme.
Une énigme sous forme de chambre close, un grand classique du roman policier ici revisité à grands coups de jargon informatique et de galimatias scientifique. On retrouve les poncifs du genre, avec la dynamique entre le détective et son assistante qui cherchent à trouver la solution d’un crime en apparence insoluble, et dont le dénouement inattendu laisse une certaine part d’interprétation. La résolution de l’enquête est souvent mise de côté par l’anime au profit d’une focalisation sur les digressions et les dialogues ; les personnages étant tous caractérisés par une "intelligence supérieure", la série prend plaisir à les faire discuter de tout et de rien juste pour le plaisir de les entendre parler. Et autant l'air blasé de Saikawa peut lui donner une certaine forme de bonhommie, autant j’ai été immédiatement ennuyé par l’insolence de son assistante Nishinosono. Pareillement, le côté « tellement intelligente que son processus mental nous échappe » de Magata est agaçant dans la mesure où il sert d’astuce à l’auteur pour justifier les twists les plus extrêmes.
Néanmoins, je peux concevoir que les personnages de The Pefect Insider n’ont pas été conçus pour être appréciés en tant que tels, et c’est ce qui rend cette série exigeante : elle ne caresse pas le spectateur dans le sens du poil, elle ne se conforme pas aux standards narratifs des dessins animés japonais pour préférer ceux de la littérature d’anticipation. Les personnages ne sont pas immédiatement attachants, leurs motivations sont nébuleuses et leurs méthodes défient les conventions morales. On touche ici véritablement à la psychologie puisque l’essentiel de la série consiste en réalité à entrer dans la tête d’un psychopathe pour essayer de comprendre sa logique, et qu’en échange celui-ci remet en question nos propres automatismes humains sur des points fondamentaux tels que la mort, l’amour et l’identité.
Pour mettre en forme ces considérations, A-1 Pictures a utilisé sa technique habituelle qui consiste à remplir le staff de noms connus en espérant que l’alchimie fonctionne. En l’espèce c’est le mangaka Inio Asano (crédité au chara-design), et le musicien Kenji Kawai qui furent mis en avant : mais la réalisation plate de Mamoru Kanbe n’arrive pas vraiment à mettre en valeur ces talents, malgré une direction artistique blafarde involontairement juste.
J’étais parti pour basher The Perfect Insider mais au fil de sa progression la série m’a convaincu que son apparente prétention relevait finalement de l’exigence qu’elle demande au spectateur ; un exigence qu’elle récompense par des thèmes intéressants et des dialogues un minimum écrits par rapport à l’indigence habituelle de ce média. Si vous recherchez un anime de type enquête/psychologie qui n’a pas peur de se prendre au sérieux, alors The Perfect Insider pourrait être The Perfect Choice de 2015.