Me voilà bien embêté. A plus d'un titre. Comme beaucoup, j'ai découvert ce doux rêveur de SHINKAI avec Hoshi no Koe. Ce court métrage, non content d'avoir été réalisé seul, arrivait à synthétiser un chef d’œuvre de la littérature SF comme la Guerre Éternelle. Autant dire qu'après cet uppercut, j'ai suivi le bonhomme de près. Or, alors même qu'Eurozoom a assuré une distribution exemplaire en France, je n'ai jamais pu aller voir Your Name en salle obscure : au gré de mes déplacements, on se fuyait ce film et moi. C'est plutôt dans la thématique SHINKAI cette occasion manquée mais blague à part, ça me chafouinait pas mal.
La distance n'a pas aidé, je ne voulais pas voir ce film. En même temps qu'on s'évitait lui et moi, je lisais forcément le succès totalement fou de ce film. J'étais heureux de voir SHINKAI signer enfin un franc succès populaire mais le deuxième film de japanimation en entrée et en recettes de tous les temps ? J'avais peur de le regarder car fatalement j'allais le jauger à la hauteur de sa réputation plus que par lui-même ou même par rapport au reste de la filmographie de SHINKAI, que je suis conscient avoir idéalisée entre temps.
Hier soir je suis monté dans le wagon. Et comme prévu, je ne comprends pas forcément pourquoi il a autant marché même si je vais essayer de développer ici ce que j'estime être ses qualités. Et je suis un peu déçu car il est loin d'être son film le plus intéressant. Mais il est très clairement le mieux écrit et le mieux réalisé.
Il est loin le temps où il travaillait seul chez lui, il a un vrai studio derrière lui et pour la première fois avec Your Name un vrai directeur de l'animation avec Masashi ANDO. L'apport de ce dernier est considérable et Your Name lui doit certainement une grande partie de son succès. Depuis la fondation de Comix Wave, les films de SHINKAI sont connus et reconnus pour ce qu'on va appeler la pornographie paysagère. Et grâce à ANDO, il y a maintenant des marionnettes dans ce fantastique théâtre plutôt de simples pantins.
Les personnages de Your Name bougent, vivent et plongés dans ces décors photoréalistes, j'ose dire qu'on n'a jamais vu film d'animation aussi "naturel". Et c'est parce qu'ils sonnent aussi vrai que le fil de l'histoire peut se dérouler aussi logiquement. Je ne vais pas pouvoir rentrer plus dans le détail de l'histoire car ses rebondissements, pour le coup vraiment imprévisibles sont une des grandes forces du film et je ne veux pas vous gâcher la surprise. Je me contenterai d'affirmer que c'est un modèle de complétude. Tout ce qui est là porte du sens. Ça n'empêche pas qu'il y a parfois des couacs comme le père de Mitsuha trop peu développé et un point de bascule (je vais éviter d'en dire plus) un peu trop tranché.
J'en ai pourtant abusé mais je vais quand même garder un superlatif pour ce qui a été probablement un facteur décisif dans le succès du film : l'histoire d'amour est fabuleuse. Naïve, comme le sont les amours adolescentes, mais sincère et pilier central de Your Name.
Un dernier point avant de conclure : la justesse de la photo. On résume souvent SHINKAI à ses décors mais c'est oublier que le réalisme de ses films n'est pas seulement dans ses dessins mais la pertinence. Your Name est l'exemple du Japon moderne ET traditionnel. Le personnage Mitsuha en a marre de la campagne et du culte dans son village suivi à la lettre alors même que les textes religieux ont été perdus dans un incendie et que plus personne, pas mêmes les anciens ne connaissent le sens de ses rites. La ville grouille de vie et peut avoir les aspects déshumanisants d'une fourmilière mais le paysage urbain peut déceler autant de beauté que les montagnes et forêts. Ce ne sont pas deux faces d'une même pièce, il y a un lien entre les deux comme il y a un lien entre Mitsuha et Taku. Et retenez bien que ce n'est pas qu'un plat d'accompagnement : comme tout le reste, cette thématique du lien entre le Japon du XXIème siècle et celui dont on a presque oublié les racines est encore une fois au cœur de Your Name.
J'arrive pas à me sortir de la tête cette équation impossible. Your Name n'est pas mon SHINKAI préféré mais c'est son meilleur. Et maintenant qu'il devrait avoir les fonds et la curiosité publique qu'il a longtemps mérités, j'ai d'autant plus hâte de voir ce qu'il nous prépare pour la prochaine fois. Je n'ai aucune envie de descendre de ce train. On se retrouve à la prochaine gare.