Vous connaissez Death Note, le carnet qui tue quand on écrit un nom dessus, l’ambition de Light de créer un monde nouveau, le détective qui a juré de mettre fin à ses crimes. J’ai lu le manga une année après avoir vu la série TV. Ce recul m’a permis d’apprécier à nouveau l’ambiance, l’originalité et le récit torturé des quelques 12 volumes qui forment ce triller poignant. Je ne saurai exprimer de préférence nette : d’une part la série est plus agréable à suivre mais d’autre part le manga présente un dessin abouti, une fin plus violente et jouissive.

Car le manga constitue une lecture à ne pas sous-estimer. Si le volume ne peser un peu plus qu’une plaque de chocolat, nul doute que la statistique révélerait un total inédit de caractères. Il ne faut pas moins de deux heures pour achever chaque tome en adoptant un rythme de lecture normal. Parfois les pages sont tellement encombrées de textes et pavés qu'elles ralentissent considérablement l’action au détriment du plaisir de lecture. A croire que le dessinateur et le scénariste (Death Note est l'oeuvre de deux auteurs rapellons-le) se chamaillent derrière pour monopoliser la planche.

Cet afflux de textes est peut-être dommage dans la mesure où le style du dessinateur s'avère franchement classe. Certaines planches représentant le démon manipulateur vous procurent un frisson d’extase indescriptible. Un des dernier chapitre fait fort en ce sens en ponctuant le drame à son apothéose par des séquences hors normes plaçant le démon au sein de fresques mythiques et apocalyptiques qui inspirent majestueusement les conséquences de l’expérience du Death Note sur l’ego de son possesseur. Visuellement c’est splendide et homogène du premier au dernier volume.

Death Note est un récit qui parvient sans mal à tenir le lecteur en haleine en présentant un bras de fer tortueux entre deux conceptions opposées de la justice. Le scénariste s'en sort pas si mal en l’occurrence. Stratégies, réflexions, introspections : le récit démarre en trombe et se construit sans temps mort. Expérience poignante et novatrice, Death Note appelle le lecteur à se positionner au sein d'un combat qui prend à revers les principes du conflit manichéen. La lecture pose une réflexion sur la peine de mort qui dérange notre société occidentale alors qu'elle reste d'actualité au Japon. Et il faut avouer qu'on s'attache tellement au héros et au groupe qui se forme autour de lui (l'ange de la mort Ryûk et sa petite amie Misa) qu'on passe l'essentiel de la lecture dans le "côté obscur" de la question.

Malheureusement, l’expérience s’essouffle à un certain stade et finit par dépasser l’entendement du lecteur. La faute à des stratégies toujours plus tordues et faisant l’objet de réflexions fastidieuses. On regrette beaucoup de devoir passer d'une lettre à l'autre de l'alphabet (pour parler en termes sibyllins) suite au tournant que prend le récit au volume 7.

Death Note reste un divertissement addictif d'une intensité tellement sublime que tout amateur de manga se doit de l'avoir lu ou vu.