L'anime Enfer et Paradis m'était un peu apparu comme un pétard mouillé. Esthétique vieillissante, scénario bancal (et fin qui n'en est pas une), ambiance à peine esquissée... Non franchement tout y était trop moyen pour que je puisse le considérer comme un indispensable. Le manga par contre, c'est un autre monde, pour le meilleur mais aussi pour le pire.
Tenjho Tenge c'est donc l'histoire d'ados qui rejoignent un lycée "spécial" dans le sens où le but est de passer son temps à se taper sur la gueule, mais se taper du genre violemment quoi. Si au départ j'avais cru à un shônen dans la plus pure tradition, quelques scènes à caractère sexuel et autres découpages en règle m'ont fait comprendre qu'elle est lointaine l'époque où je regardais l'anime en me plaignant de l'absence de sang (ben ouais un membre arraché, ça devrait légèrement gicler, je me trompe ?). Ici tout est prétexte à une effusion de coups, un florilège de tatannes à t'en broyer les os, une cascade d'armes hautement tranchantes. Bref dans ce lycée ça rigole pas, enfin presque pas.
Et oui, outre son aspect violent, gore par moment, Enfer et Paradis c'est par moment l'occasion de se marrer un coup. Subtilement placés, des gags font leur apparition histoire de détendre un bon coup l'atmosphère. Souvent très portés, ils m'ont arraché quelques sourires, quelques rires mêmes, un moyen de souffler dans cette atmosphère que l'on sent éminemment tendue tout le long des 22 tomes. Un sacré poids repose sur les épaules de nombre de personnages. Derniers représentants d'une longue lignée pour certains, en quête de vengeance pour d'autres, ce ne sont pas des simples querelles au stade le plus primaire auxquelles on a affaire là. Il s'agit véritablement d'embranchements complexes de faits qui aboutissent à l'histoire générale.
Malheureusement, et c'est là très certainement le seul, ou tout du moins le plus gros défaut de ce manga, sa narration. Si au départ tout semble simpliste, deux flashbacks (compréhensibles, je précise) viennent ajouter une petite couche de complexité, puis l'apparition d'une nouvelle troupe de personnages qui commencent à embrouiller le lecteur, un autre flashback dont on ne saisit cette fois quasiment rien, retour sur l'histoire et final tout bonnement incompréhensible. Je remercie évidemment le wiki anglais de la série sans lequel rien n'aurai eu de sens à mes yeux. La narration en est une cause, la surabondance de personnages en est une seconde. Beaucoup trop, c'est le constat qui m'a rapidement frappé : on ne remet plus les noms, on ne se souvient pas quel pouvoir correspond à quel personnage, des morts reviennent, c'est la fête au village de ce côté.
Le scénario embrouille certes, mais pour peu que l'on prenne la peine de se renseigner via les wikis entre autre, un univers plutôt vaste y est détaillé, des liens qui ne m'ont pas sauté aux yeux à la première lecture finissent par se distinguer. Ca ne pardonne pas cette mini-débacle et le sentiment d'incrédulité lors du dernier arc (qui prend tout de même à la gorge lors des passages phares) mais ça fait un peu mieux passer la pilule. Et puis il y a cette ambiance assez oppressante qui se dégage et dont j'ai déjà parlé qui permet une meilleure implication du lecteur.
Quant aux (50) personnages principaux, on a le droit à un peu de tout. Quelques ramassis de clichés bien sûr, la gourdasse de base qui mérite des claques à n'en plus finir (mais qui se rattrape un peu par la suite), mais aussi quelques uns qui tirent leur épingle du jeu en bénéficiant tantôt d'un background réussi, tantôt d'un charisme que l'on ressent ne serait-ce qu'à leur allure (parfois même les deux dans le cas de Shin par exemple).
On en vient donc doucement mais sûrement à l'esthétique. Cela a déjà été dit précédemment, mais quand on feuillette les premiers tomes on se dit "OMG que c'est laid". Et puis d'un coup d'un seul, alors que l'on s'y attendait pas, l'auteur, Oh Great, semble être sorti d'une école supérieure d'entraînement à l'art japonais et nous livre des planches sublimes qui s'empilent à la pelle. Son chara-design autrefois si grossier laisse la place à des traits plus fermes, des expressions plus travaillés et pour certains des protagonistes, on va même jusqu'à un ravalement de façade total. Reste la surprésence de panty-shots mais bon y a un moment où on y fait presque plus attention. Et au-delà du chara-design viennent s'ajouter les décors qui ont eux aussi tendance à envoyer du lourd. Ne serait-ce que les plans offerts par l'arc sur le Japon féodal, il y a une puissance dans le trait qu'on ne soupçonnait pas. Une vraie claque visuelle en somme, pas ressentie depuis la lecture de Berserk ou Angel Doll.
En somme Enfer et Paradis est une lecture peut être pas vraiment agréable car elle nécessite de se coltiner pas mal de pavés (parfois inutiles) et de ne pas hésiter à revenir en arrière pour s'assurer de n'avoir pas loupé quelque chose. Mais Enfer et Paradis m'a donné cette sensation de satisfaction et cette petite pointe au coeur arrivé à la fin, marque de mon attachement à cette série. Pas mal de points positifs, une narration qui saccage un peu le tout, mais voilà j'en ressors heureux et sans avoir l'impression d'avoir perdu mon temps. Du coup je le conseille volontiers et le gratifie d'un 7,5/10.