Voici un manga étrange et peu commun, dans lequel le lecteur est amené à explorer les méandres de l’âme humaine au travers des errances du personnage principal et de ses rencontres.

Imaginez un instant qu’on vous propose un jour de subir une trépanation (un trou dans le crâne) en échange d’une (grosse) poignée de billets, simplement pour constater si après coup vous-vous mettez à développer des pouvoirs surnaturels. Ce pari complètement dément et extrêmement dangereux, Nakoshi, SDF au bord de la désocialisation dans sa voiture garée entre 2 mondes (misère/luxe) va le tenter, mais pas par cupidité (plutôt une certaine curiosité morbide). A sa grande surprise, il se met à percevoir les homunculus (la personnalité intérieure) des personnes qu’il croise, simplement en se cachant un œil. Mais ces « images » déformées de la réalité sont pour la plupart difficiles à appréhender, à lui donc de chercher à les comprendre en tissant des liens avec certains personnages croisés au hasard de ses déambulations dans les rues de Tokyo. Ces rencontres plus ou moins opportunes lui permettront à terme de se retrouver lui-même et avec, l’envie de prendre un nouveau départ dans sa vie.

Etrange, c’est sûrement le premier mot qui vient à l’esprit à la lecture du synopsis, rapidement suivi par les termes glauques, malsain, etc… Car oui, ce manga est extrêmement dérangeant. D’une certaine manière, en utilisant ce don acquis récemment sans en avoir toutes les clés, le personnages principal (et le lecteur par la même occasion) viole véritablement l’intimité des passants observés à travers leur double intérieur, même s’ils ne parviennent pas à saisir (dans un premier temps) le sens de ce qu’ils voient. Après quelques expériences, cette compréhension se révèle rapidement une arme psychologique redoutable permettant de manipuler à volonté leurs interlocuteurs qui ne peuvent plus cacher leurs émotions et secrets les plus enfouis. Mais comme toute arme, elle est également à double tranchant, car à trop vouloir explorer l’inconscient des gens, celui-ci peut finir par submerger notre propre personnalité. On assiste ainsi à une lente déchéance du cobaye humain, dont l’image qu’il a de lui même est peu à peu parasitée par le souvenir de ces rencontres.
La mise en scène est extrêmement brutale avec des images à la limite du supportable, présentées de manière très crue, comme les différentes opérations auxquelles se soumet (puis s’inflige de son plein gré) le héros, des délires sexuels assez trashs et même un viol sur mineure.
Les symboles sont nombreux et beaucoup font appel à la psychanalyse et à des connaissances poussées en terme de psychologie et philosophie. Ne serait-ce que pour appréhender les cases truffées de doubles et la signification profonde de chacun d’eux, il est nécessaire d’avoir des clés qu’un lecteur lambda comme moi ne possède pas forcément. Du coup il y a une certaine frustration à l’idée qu’une partie du scénario et de son sens caché resteront hors de portée de notre compréhension. On ne sait finalement pas vers quelle conclusion l’auteur souhaitait nous guider. Mais à bien y réfléchir, les principaux protagonistes de cette histoire ont-ils eux aussi conscience de l’étendue du monde qui s’ouvre à eux et des conséquences de leurs actes? Ou, totalement dépassés par celui-ci et incapables d’en comprendre les tenants et aboutissants, sombrent-ils peu à peu dans la folie ?

L’autre problème est un ralentissement croissant de l’action de même qu’une dispersion de plus en plus limitée des indices permettant de mieux saisir l’évolution du scénario et des personnages. Autant dire qu’il est alors déconseillé d’enchaîner les 15 tomes car sinon il est certain qu’on finira par se faire chier. Mieux vaut laisser mijoter chacune des rencontres avant d’aborder la suivante, pour mieux la comprendre.

En conclusion, Homunculus est un véritable OVNI dont on appréciera le scénario mature, dérangeant et morbide. Le graphisme est excellent et la plongée au cœur des personnages reste passionnante.