«Homunculus», voici l'œuvre maitresse de Hidéo Yamamoto, si ce n’est l’une des plus importantes dans l’univers des mangas de ce début du XXIe siècle.
Résumons l'histoire, Susumu Nakoshi est un étrange trentenaire à la rue qui vit dans sa voiture. Toujours habillé en costume, les conditions de sa précarité restent floues. Le jour où son seul bien est emporté par la fourrière, Susumu n'a d'autre choix que d'accepter l'offre que lui fait un riche étudiant en médecine, Manabu Ito: accepter de se faire trépaner (perforation des os du crâne) en échange de 700 000 yens. L'intérêt de cette expérience? Selon l'étudiant, la trépanation permettrait de développer un sixième sens en activant une nouvelle fonction du système sensoriel de notre organisme, appelé l'homunculus sensitif, ce que les tibétains appelleraient eux le troisième œil.
La théorie développée par l'étudiant est moins compliquée qu'il n'y parait. Les homunculus seraient la manifestation physique de nos maux psychiques que la trépanation permettrait de faire apparaitre. Cette enveloppe corporelle ne traduit pas les atteintes somatiques que les gens auraient subies mais plus les distorsions psychiques. Illustrons cette explication par un exemple: l'homunculus d'une femme la montre dépourvue de cou. Interprétation psychique: il s'avère qu’elle a été victime de plusieurs tentatives de strangulation perpétrées par son mari. Depuis, elle ne porte plus aucun bijou qui rappellerait le cou, les colliers.
Rat de laboratoire de la métaphysique, Susumu devient alors son propre psychanalyste, cherchant à comprendre vers quoi le mènent ses nouveaux pouvoirs – ou hallucinations – révélés par cette trépanation.
Ce manga est ce que l'on appelle dans le jargon de type seinen, c'est-à-dire qu'il vise un public averti (jeunes adultes). La différence tient dans un style graphique plus travaillé, un scénario plus complexe abordant des problématiques à caractère philosophico-psychologiques (ici les rapports humains, la construction de soi, l'apparence…). Certaines scènes risquent de heurter la sensibilité des lecteurs. H. Yamamoto est connu pour aborder ses sujets de prédilection de manière crue sans toutefois rentrer dans la violence gratuite.
Par ailleurs, l'auteur a cherché à s'imprégner des conditions de vie de son héros en menant quelques temps la vie d’un SDF pour aborder avec crédibilité cet avatar dans son manga. Il en profite pour dresser un portrait satirique dénonciateur des dérives sociétales mais aussi humaines (l'argent roi, l'égoïsme, la recherche absolue de satisfaction).
Comme moi qui me suis livré à cet exercice, j'invite le lecteur a se fondre dans ce manga freudien. Homunculus est un manga qui se lit et se relit, une plongée métaphysique dans les turpitudes du monde moderne qu'il dénonce. Notre passé, l'environnement dans lequel nous évoluons, les épisodes que nous vivons conditionnent notre devenir pour finalement n'être que la conséquence des causes passées.