Le premier opus de cette série de films consacrés à Evangelion m’avait laissé une trace indélébile, sublimant selon moi tout ce qui avait fait le succès de ce chef d’œuvre de la japanimation auprès du grand public. Quelques temps plus tard, cette suite saura-t-elle une fois encore conquérir le cœur du fan que je suis, pas sûr.
Commençons par parler du film en soit et de sa réalisation : dès les premières secondes, on voit que la barre a été placée très haut en terme d’animation, et l’on comprend vite que c’est du très grand spectacle qui va nous être servi. Et effectivement de ce point de vue, j’avoue que le film enchaîne les séquences plus époustouflantes les unes que les autres, notamment pour les affrontements qui sont d’une mise en scène et d’une fluidité exemplaire, quitte à recréer de nouveaux adversaires totalement inédits pour l’occasion.
Seulement voilà, à tout vouloir recréer et passer en HD, j’ai eu la désagréable impression que ce qui faisait la personnalité graphique de l’œuvre originale est passé à la trappe. Je ne saurais comment l’expliquer, mais ce qui a été gagné en fluidité et en insertion d’images 3D semble avoir été perdu en détails (pour simple exemple comparez les images avec le 1.0 et vous verrez, même le chara-design semble modifié) et je trouve quand même qu’il y a eu pas mal d’abus sur l’usage des couleurs fluorescentes pour certaines portions des armures. Si globalement les combats et autres scènes d’action restent magnifiques, je serais moins enthousiaste sur le reste du film qui fait davantage penser à un enchaînement un peu vide de séquences. Et je trouve également notamment que les expressions faciales et l’animation lors des dialogues laissent à désirer.
Le fan service fait également une entrée fracassante dans cet univers et les plans plus ou moins osés avec Rei ou Asuka en tenue légère ne manquent pas à l’appel. On appréciera ou pas, mais je pense qu’une telle licence pouvait largement se passer d’un tel artifice, surtout dans de telles proportions.
Côté scénario, du bon et du moins bon là aussi. Déjà, il est difficile de dire si le film s’adresse aux néophytes ou au fans convaincus. Le design des Evas et Anges, ainsi que la mise en scène ont été fortement simplifiés et modernisés pour s’adapter à un plus large public mais en parallèle, bon nombre d’éléments du scénario ne peuvent être compris que si on a déjà vu l’anime original. Je pourrais également citer l’apparition d’un nouveau personnage totalement inédit qui selon moi est au mieux mal amené (absence totale de background ou d’un passif quelconque), au pire totalement inutile vu la brièveté de ses apparitions et son peu d’influence sur le scénario (le héros c’est Shinji). Gageons que cette nouvelle recrue qui ne semble actuellement présente que pour le fan-service (et encore, il y a de la concurrence) saura trouver sa place dans les prochains opus.
On peut donc dire qu’après un premier chapitre résolument tourné vers les fans les plus fervents, le studio Khara (hélas, ce n’est plus Gainax aux commandes) semble avoir voulu jouer la carte du grand public (après tout, ça rapporte plus) quitte à simplifier grandement le modèle original. Si ainsi, le film reste malgré tout agréable à regarder et semble sur la fin s’orienter vers quelque chose d’assez intéressant, j’ai quand même envie de crier au sacrilège pour une certaine disparition de « l’esprit Evangelion » (pour reprendre un prédecesseur).
Déjà côté psychologie, oubliez les personnages torturés et très fortement dépressifs et faites place aux stéréotypes : ici, Shinji s’ouvre au monde qui l’entoure et va même jusqu’à jouer les héros, même constat pour Rei qui semble tout autant décidée à mordre la vie à pleine dent et se retrouve dans la peau de la jeune fille un peu coincée qui veut aller vers les autres en les aidant. Et je ne parle pas d’Asuka (dont on a carrément changé le nom) qui passe de la fille forte extérieurement mais fragile comme du cristal à l’intérieur à l’amoureuse transie et jalouse. Oui c’est rien moins que le rêve secret de tous les otakus qui ont apprécié l’anime (moi le premier), mais il est certaines choses qui devraient rester dans le domaine du rêve, ne serait-ce que parce que c’étaient justement ces personnages aux profils totalement atypiques et inaccessibles qui faisaient une grande partie du mythe autour de l’anime.
Il y aurait encore beaucoup à dire mais pour résumer, malgré que j’aie passé un excellent moment devant le film avec une suite potentiellement intéressante : CE N’EST PAS DU EVANGELION (à la rigueur un bon récit mêlant fantastique et science-fiction). J’aurais préféré une œuvre qui collait davantage à ce qui a été vu auparavant, quitte à faire du copier/coller des séquences les plus emblématiques et ne toucher qu’aux séquences avec les Evas.
Et le pire c’est qu’on c’est tellement éloigné de la trame de base que je doute qu’un tel massacre soit encore rattrapable. En clair, l’apothéose attendue risque de se transformer en chant du cygne et c’est bien dommage après les espoirs suscités par « You are (not) alone ».