« Vous qui entrez en ces lieux, perdez toute espérance. »
Les vers de Dante me revenaient en mémoire tout au long de l'intrigue. Me semblant sur le coup fort à propos.
Comme quoi, l'erreur est humaine.
Car cet anime, en fin de compte, je le déconseille à l'amateur de sang pour le sang, il sera bien plus ravi devant un anime moyennement bon tel qu'Elfen Lied.
Ici, le temps s'affole et se fige. Les événements se précipitent en même temps qu'ils stagnent. Mais, n'est-ce pas toujours ainsi des souvenirs d'enfance ?
Car s'il est un aspect de cet anime qui aurait dû me sauter aux yeux dès le commencement (mais qui ne l'as pas fait, je suis bien aveugle, parfois), c'est bien sa dimension profondément humaine.
Comme cela a très justement été fait remarquer précédemment, Higurasi no Naku Koro ni pourrait se placer dans la lignée d'un bon Stephen King. Les analogies possibles sont légions, explorons les un peu.
Hinamizawa, là où pleurent les cigales. C'est un petit village traditionnel, donc. Rien de bien exceptionnel là dessous. Le cadre est parfait, et comme dans chaque village du monde, les gens sont aimables, la vie paisible et la nature omniprésente.
Et comme dans chaque village du monde, les secrets dorment en attendant leur heure. Comme s'il suffisait de ne plus parler d'un événement pour le conjurer à jamais. Le natif d'un village voit toujours plus loin que les sourires, car ils ne sont que bien rarement sincères.
C'est peut-être d'ailleurs l'inexpérience de ce monde qui est le plus gros désavantage de Maebara Keiichi, nouvellement arrivé de la ville. C'est peut-être son plus grand avantage, aussi.
Nous avons donc un cadre des plus banals, un petit village et un nouvel arrivant.
Le rideau est levé, la batte de Satoshi a frappé les trois coups (puisque le premier arc n'est qu'une mise en bouche) et la pièce peut enfin commencer.
Tout est bien, à Hinamizawa, le soleil répond à l'appel de l'été et les cigales chantent.
Et dans l'unique salle de classe du village, des enfants jouent.
Et comment se douter que derrière les rires et les gages d'une bande de gamins lambda se cache une descente aux enfers qui ne leur laissera plus aucun répit ?
Mais pour l'instant, ils l'ignorent, et les sombres rouages de la machine infernale ne se sont pas encore mis en branle.
Ils ne tarderont pas, pourtant.
Et c'est bien assez tôt qu'arrive l'heure du festival, le point d'orgue de l'intrigue.
Car oui, parlons un peu de l'intrigue.
Embarqué aux cotés des personnages, on va de révélations en questionnement. Attachez vos ceintures, la moindre erreur conduit au crash final.
Ainsi apprends-on que ce si paisible village cache bien des secrets, mais, après tout, vous en doutiez ?
Étonnant, un si petit village a réussi à s'opposer au gouvernement ? Moi qui pensait qu'on ne se relevait pas d'être frappé d'alignement...
Et tout de suite après, les morts se lèvent et semblent danser la farandole. L'un après l'autre nous nargue, eux ont les réponses. Et les mystères s'enchaînent et nous torturent. Qui est responsable ? Qui est la tête ? Qui est le bras ? Où ont disparus les disparus ?
Et vient l’immanquable suspicion, le malaise , la paranoïa, les larmes.
Autant de terreau qui fait germer la folie. Et la haine.
Et aucun personnage n'en réchappera. C'est que le pleur des cigales célèbre les chroniques d'une fin annoncée. Dans ces condition, impossible de ne pas faire face à ce qu'on savait déjà :
Les hommes sont fous, il suffit de les pousser.
Et Dieu sait qu'ils vont tous être poussé.
Chaque arc n'est en fait qu'un prétexte de plus. Le temps s'est affolé, et dans une terrible boucle, tous ils vont souffrir.
Chacun des personnages ( Chacun? Misons sur le fait qu'un irréductible pourra y réchapper) va être confronté à LA situation. Celle spécialement étudié pour lui faire perdre les pédales.
Car les héros sont très humains. Ils ont leurs forces, leur caractère, leurs faiblesse, aussi. Et ces faiblesses sont de taille. La tristesse ou le vice qui germent dans leur cœur n'attend qu'un élément déclencheur pour s'épanouir. Une seule issue est possible pour eux, celle qui se finit dans le sang.
Une seule issue ? Pardon, je me suis mal exprimé. Verser le sang sur l'autel de la folie n'est jamais une issue, c'est un cul-de-sac.
Mais il existe bien une porte de sortie. Rika l'aura comprit et Keiichi accomplie. L'unique moyen de s'extirper des ténèbres reste d'allumer la lumière.
Venons-en donc au point qui, étrangement, a plongé une bonne partie de la communauté dans le malaise : le Chara-design.
Ce dernier, loin de refléter les plus sombres recoins d'une histoire sanglante se présente sous la forme de personnages doux et de paysages aux tons pastels. Et bien que la transformation lors de certains passages soit radicale et fabuleusement bien menée, on en retiendra surtout le coté mignon tout plein et sans danger.
Certains avancent un tas d'hypothèses quant à la raison du design, d'autre le qualifient d’inapproprié. A ceux là, qu'ils se familiarisent avec le concept de clair-obscur, ça ne pourra pas leur faire de mal.
Higurashi no Naku Koro ni est un subtil mélange d'espoir et de malaise, les visées de l'anime auraient étés bouleversées sans un tel contrepoids à l'ambiance étouffante qui y règne.
Ambiance mise en exergue par un OST rondement mené dont l'opening restera longtemps dans les anales.
Mais, tout comme les héros piégés d'Hinamizawa, revenons en arrière. Je vous parlait de Stephen King, donc. Tout comme dans ses livres, l'apparition du surnaturel n'est majoritairement qu'un prétexte à l'exploration des comportements humains. Mais le point le plus important n'est pas là.
S'il est un thème cher à l'auteur, c'est bien celui de l'enfance. Là-aussi, Higurashi no Naku Koro ni ne déçoit pas. Certes, les personnages, poussés dans leurs derniers retranchement, semblent psychopathes, dangereux et vicieux. Mais dans Hinamizawa, mieux vaut ne pas avoir confiance en ce que l'on voit. Ce ne sont que des enfants. Des enfants qui jouent, rient, s'amusent ensemble. Et si une chose peut les sauver, elle est bien là.
En définitive, Higurashi no Naku Koro ni est une ode vibrante à l'enfance et à l'amitié.
Et, qui sait, peut-être qu'ainsi, les choses pourraient changer ?