Il me faudra avouer avant toute chose que je fus quelque peu en dehors de la vague démesurée de hype qui se fut emparée de toutes les profondeurs de l’internet à l’annonce de la série. Oui, décidément je le redis et je le signe, je n’aime pas la tête de ce cher Saitama et à vrai dire je grince toujours un peu des dents face au concept du One Punch lui-même.
Je vois cependant les premières critiques arriver, frontales et féroces, témoignant de l’ardeur que l’on reconnaît aux fans de la première heure: il y a un ton parodique. En effet, je le concède. Il y a un peu de parodie dans cette série. Suffisamment d’ailleurs pour que je puisse dire sans sourciller qu’il s’agit d’une pure parodie, à l’état le plus pur et le plus simple, doublée d’une formidable démonstration de puissance et de technique de MADHouse. Mais hormis cela, réfléchissons. Ai-je véritablement quelque chose d’autre à dire de cette série ? Car en effet, à part décrire en long, en large et en travers notre défendeur de la cause des hommes à tout faire chauves avec ses gants de ménage en PVC, les occupations sont limitées.
Je ne reviendrai pas sur le concept un petit peu lourd et douteux. Je vais plus généralement dire qu’il n’est pas à mon goût et détourner mon attention vers d’autres objets de critique, plus évidents et bien moins subjectifs.
Commençons donc par les points positifs de cette série car elle en a, pour sûr, et de nombreux. Et ça commence immanquablement avec Natsume Shingo, ici au poste de réalisateur, qui à l’image de ses précédents travaux - en réalité, Space Dandy - insuffle un vrai dynamisme à l’écran. Dynamisme soutenu bien entendu par une animation de haut vol avec de très très nombreux sakugas particulièrement impressionnants, et quelques essais sympathiques - par exemple au crayon de couleur, effet trop souvent ignoré dans les productions grand public. On saluera également l’humour, qui bien que parfois trop lourd, réussit cependant à amuser.
Un autre point très intéressant que possède cet anime réside dans le discours social très prononcé de la série. Particulièrement évident lors des appels à la haine de certains héros - bien que la mise en scène ne m’ait pas enchanté sur le moment -, ce parti-pris de l’œuvre est finalement assez réaliste et grinçant. Il en ressort une frustration évidente pour le spectateur, un sentiment d’injustice très fort qui vient contrebalancer complètement la figure héroïque incarnée par Saitama. Le spectateur a étonnamment envie de voir Saitama reconnu et les attitudes de celui-ci se feront même en ce sens assez déplaisantes - je fais ici référence par exemple à la fin de l’épisode 9, particulièrement frustrant de ce côté-ci.
La série est également intéressante dans la façon qu’elle a de réfléchir sur le concept de super-héros. Ici, les héros sont parfois des personnes tout-à-fait banales, mais banales dans le propre du terme. On pense directement à Roulettes Rider qui est l’incarnation-même de ce type de héros. Cela remet complètement en cause la figure traditionnelle du héros et par analogie la référence antique du terme, qui tend à disparaître complètement de nos jours ; il s’agit d’une réduction totalement parodique d’un héros à une tenue ridicule et reconnaissable et à un surnom surmontés d’une popularité. Une vision qui se veut sans doute le reflet d’un nihilisme prépondérant au sein de la société actuelle, où les gens ne croient plus en rien, ils ne croient plus qu’en cette banalité. Et pour cause, les héros classés S sont énormément critiqués alors que les héros plus modestes, souvent sans pouvoirs surnaturels voire particuliers, sont fortement encouragés par la population. Une population terre-à-terre dans un monde peuplé de monstres surnaturels.
Un dernier angle d’approche de la série dans son auscultation de la société se situe dans la suprématie quasi-dogmatique des médias. À de nombreuses reprises dans la série, on aperçoit des postes de télévision qui relatent les événements les plus graves. Le rapport de Saitama avec les médias est d’ailleurs assez révélateur: ils sont la base de tout et c’est cette médiatisation qui le pousse ainsi à s’enregistrer à l’Association des héros. De plus, les divers spécialistes qui enchaînent les prises de paroles à l’antenne et démontrant en quelques mots leur incompétence prouvent de manière obvie l’exploitation des médias, tout comme le passage assez irritant de Bogoss - le bien nommé - pour sa dernière chanson.
En dehors de cela, il faut bien reconnaître que certains combats sont véritablement divins. Mais malgré tout, je n’arrive pas totalement à adhérer au concept. Sont en cause certains aspects plus brouillons ou moins bien maîtrisés.
Tout d’abord, je trouve qu’il y a un problème de rythme évident. Les intrigues se succèdent et s’enchaînent bien trop vite ; il s’agit ici d’une conséquence évidente du concept du One Punch. Mais le même schéma a tendance à se répéter: un monstre sévit, Saitama part et tout le “suspens” se trouve dans le moment où Saitama va finalement arriver. C’est assez frustrant, et surtout un peu lassant. Certaines phases de scénario semblent ainsi complètement bâclées pour laisser place à de la baston, certes spectaculaire, mais décidément assez pauvre. Prenons l’exemple de la Maison de l’évolution. Le schéma est très simple: baston - baston - baston - historique intéressant de deux minutes - boom - baston - baston - petit discours du méchant - baston - fin - allons faire les soldes. Le manque de consistance est évident et c’est un véritable problème qui pèse sur la série.
Un second point de déception réside dans l’animation, ou plutôt, dans la répartition de l’animation. Certains épisodes sont vraiment formidables - le premier, le neuvième et le dernier, notamment - mais certains autres épisodes paraissent véritablement vides alors qu’il y a en réalité de superbes séquences d’animation. Il s’agit certes d’une démonstration technique, mais cela remet en cause le pourquoi du sakuga. Ce sont des séquences exceptionnelles, et ici, leur multiplication nuit à l’ensemble car les séquences et les mouvements se ressemblent. Il n’y a que peu de stratégies pour briser la monotonie des mouvements et des attaques, et c’est dommage.
Enfin, un dernier point me chagrine. Un dernier point qui se fait finalement à la fois cause et conséquence des deux précédents: c’est le manque de continuité dans l’histoire et notamment au niveau des personnages. L’Association des héros arrive par exemple comme un cheveu sur la soupe après la moitié de la série et certains personnages, comme Sonic, qui s’est dit ennemi juré de Saitama, qui disparaît complètement à la fin de l’épisode pour deux petites apparitions assez minables en fin de série. Peut-être voyez-vous où je veux en venir: cette série est bien trop courte. Tout est expédié en… un coup de poing. Il aurait sans doute fallu quasiment le double d’épisodes pour raconter efficacement la portion ici traitée. Et je n’évoque même pas les zones d’ombres qui persistent et qui ne font que rajouter à cette frustration.
En définitive, je ne peux pas dire que One Punch Man est une mauvaise série ; ce serait malvenu de ma part. Il y a même de nombreux côtés très très plaisants et c’est un véritable bonheur pour les yeux de tout amateur d’animation survoltée. Mais à côté de ça, c’est une écriture décidément décevante dont souffre la production, qui se résume davantage à un défilé de punching-balls qu’à une véritable série, construite et bâtie autour d’une intrigue ou tout du moins d’un courant établissant une ligne directrice.
C’est une série qu’il serait dommage d’avoir manqué, mais bien loin cependant du chef d’œuvre que certains clament sur tous les toits. Sachant que la série mériterait sans doute un point de moins, mais bon, la belle animation, ça paie toujours.