Place au One Punch Man : Saitama ! Tu peux pas test Goku, t'es one shot !!!

PUNCH ! C'est tout! Quoi, ça ne suffit pas? OK. Dommage, la technique de Saitama marchait pourtant bien.

J'ai découvert One Punch Man (OPM) par l'intermédiaire d'un collègue qui lit le manga. L'idée d'un super-héros qui finit les méchants d'un seul coup de poing était très plaisante. Quelle idée d'avoir inventé un tel personnage : héros par hobby, chauve et blasé, en costume jaune ayant gagné une force incommensurable sans que l'on sache réellement comment et qui va faire ses courses à la superette du coin en achetant bien évidemment un poireau ! (détail super important)

J'ai mis du temps à regarder la série car je centrais mes intérêts ailleurs pendant que ledit collègue me harcelait quasiment tous les jours. Finalement, je m'y suis mis. Suite au visionnage de l'anime, que dire d'autre si ce n'est que j'ai été convaincu par les arguments frappants de Saitama et c'est pourquoi je tiens à faire cette critique.

L'esprit décontracté, je vais détailler mon avis d'abord sur le personnage de Saitama puis ensuite sur l'univers de la série. Je préviens avant tout que je serais LONG dans mes développements, j'ai écrit sans me rendre compte de la longueur. Je n'aurais jamais imaginé que j'aurais eu tant de choses à dire dessus alors bonne lecture aux courageux.

1 - Saitama : "c'est parce qu'il n'existait pas qu'on l'a inventé"

Le parcours classique d'un protagoniste consiste en une évolution au cours de laquelle il devient de plus en plus fort au fur et à mesure de ses péripéties. La condition substantielle de son histoire repose sur un évènement perturbateur de sa vie situé au début de son histoire. On entend par évènement perturbateur, dans la plupart des histoires, un évènement tragique tel que la perte d'un proche ou encore une expérience traumatisante.

Grâce à cet évènement, le protagoniste se fixe un objectif à accomplir afin de surmonter ce précédent. Armé de nouvelles convictions, une grande détermination va inciter le protagoniste à outrepasser ses limites et à élargir ses horizons. Progressivement, ce protagoniste va se rendre compte de sa réelle valeur et ainsi devenir un héros par le souci des autres et non plus seulement de lui-même.

Les bases étant posées, ce parcours s'applique-t-il à Saitama? Cette question est difficile à traiter car le fameux évènement perturbateur n'est pas "tragique" dans le sens dans lequel habituellement nous l'entendons et il en va de même pour ses convictions et surtout son évolution. La réponse la plus facile consisterait tout simplement alors à dire que non.

Saitama est un protagoniste qui par son originalité brise tous les codes de la japanimation et d'un sacré coup mais à partir de ce choix fait par l'auteur, un problème nouveau, plus original encore, émerge.

A - Saitama : le héros qui nous tardait tant de voir

Ce qui est innovant et jouissif c'est que je trouve qu'OPM est un anime anti-Dragon Ball. Dragon Ball n'est pas le seul visé mais il marque l'histoire de la japanimation d'un précédent incontournable en matière de shounen nekketsu en imposant à toutes les générations suivantes une série de codes que seul un petit nombre de fous OSENT déroger et Saitama lui flanque un sacré PUNCH ! en pleine face (oui il OSE). Voici mes arguments FINIS pour le démontrer :

- FINI les rires insupportables des méchants et leurs longs discours sur leur force ou sur leurs plans machiavéliques. Et pourquoi ? Parce qu'il y a le PUNCH !
- FINI les longues scènes où les adversaires se regardent dans les yeux pendant quelques minutes. Et pourquoi ? Parce qu'il y a le PUNCH !
- FINI les scènes qui coupent le combat en plein milieu où on voit inutilement les personnages secondaires faire ... mais on s'en fout! Et pourquoi ? Parce qu'il y a le PUNCH !
- FINI les scènes où on entend le vent (boule de paille qui passe en fond d'écran, vous n'avez rien vu), la pluie qui tombe, on voit le mouvement des nuages, des vagues avec ce fond sonore devenant insupportable. Et pourquoi ? Parce qu'il y a le PUNCH !
- FINI les nombreux coups que se prennent les personnages increvables. Et pourquoi ? Parce qu'il y a le PUNCH !
- FINI les "hé hé, on passe aux choses sérieuses", "qu'est-ce que tu racontes, ce n'était qu'un échauffement". Et pourquoi ? Parce qu'il y a le PUNCH !

Avec Saitama, c'est plutôt du style : "Je vais te t..." PUNCH ! Quoi ?! C'est déjà fini ?! C'est bien ça, un coup et on n'en parle plus. Franchement, cela m'a donné plusieurs fois envie qu'un personnage arrive dans certains animes et d'un coup en finisse. S'il y en aurait qu'un à choisir alors ce serait Spandam dans One Piece (il m'a traumatisé avec son rire). En somme, je crois que vous avez compris, pas besoin d'en faire un dessin (enfin si c'est un manga).

B - Saitama et le fardeau du plus fort : un pari risqué ?

Redevenons un peu plus sérieux maintenant. Un tel héros est fort appréciable, il est original et assouvie le féroce appétit de ceux qui l'attendait tant. Pourtant, est-ce réellement un bon choix de mettre en avant un personnage si fort que tout est joué d'avance? Est-ce ennuyeux?

Le spectateur sait forcément à quoi s'attendre en regardant un tel anime car avant même qu'il l'ait vu, on lui dit déjà que Saitama est à toute épreuve. En quoi peut-il être captivant de suivre un personnage qui n'évoluera pas dans le sens souhaité? On pourrait dire que c'est justement cette idée en elle-même qui est intéressante et c'est d'ailleurs le cas mais n'est-ce pas lassant à force?

En vérité, cette question est stupide. En dehors d'OPM, tout spectateur se voile la face, rentre dans le jeu alors qu'il sait pertinemment que le héros va s'en sortir ... quitte à ressusciter s'il le faut! On peut regarder n'importe quelle série ou n'importe quel film, japonais ou d'ailleurs, on nous alimente l'idée que le héros risque de ne pas s'en sortir, qu'il peut mourir à tout moment mais au final avec un souffle de soulagement (presque hypocrite) on assiste à la scène fatidique où le héros tue le méchant, sauve tout le monde et happy end! C'est toujours le même train-train et le pire c'est qu'on ne s'en lasse jamais. On avale à grandes gorgées (les marvel sont parfaits pour ça) et on en redemande aussi vite affamés.

Il est vrai qu'il existe certaines exceptions où le héros meurt à la fin ou des fois encore plus exceptionnel, il meurt avant la fin et un autre le remplace. Le meilleur exemple que j'ai en tête est le personnage de Kamina dans Gurren Lagann. C'est presque comme si l'auteur nous disait : ose me dire que tu l'avais prévu, ose me dire que c'est classique et là tiens prends ça! Et bien avec Saitama, c'est le même effet mais différemment.

OPM s'assume totalement en évacuant tout le monomythe de Campbell. On passe toute la "case départ" pour se faire plaisir mais aussi pour se concentrer sur d'autres thèmes. L'ennui est le lourd fardeau porté par Saitama. Dépourvu de tout réel objectif et face à des ennemis "trop faibles", Saitama, pour le dire clairement, s'emmerde ... mais alors là qu'est ce qu'il s'emmerde. Je ne vais pas me mettre à disserter sur Baudelaire mais franchement c'est la première pensée qui m'est venu quant j'ai pensé à ce problème de l'ennui de la vie.

Au final, ce n'est pas le spectateur qui s'ennuie quand il regarde OPM, c'est Saitama qui s'ennuie et ça c'est très fort. OPM est donc original en son principe mais aussi dans ses conséquences. Franchement, j'apprécie l'ingéniosité.

2 - L'univers d'OPM : un monde dystopique assez représentatif de notre société

L'univers d'OPM est loin d'être le meilleur des mondes possibles. Constamment, une foule incessante d'antagonistes remplit les rues et alors même qu'on les éradique, d'autres reviennent au galop dans l'instant. ONE a choisi sans aucun doute le meilleur cadre pour mettre en place sa multitude de super-héros dont Saitama.

Force est de constater que ça marche bien et que cet univers est utile pour aborder des thèmes qui concernent notre société mais ici d'un œil plus négatif. On a pas mal de choses dans OPM comme le pouvoir politique, les médias, la défense des citoyens, l'ignorance et la bêtise du peuple, le monde du travail, la précarité sociale, la survie des plus forts ... etc ...

"On ne juge pas un livre à sa couverture" comme le dit si bien l'adage. Il est fascinant de voir qu'un simple manga amateur a priori basé sur un délire déborde d'autant de richesses ... comme quoi de bonnes choses peuvent venir de n'importe où. Le court anime m'a suffit pour constater tout ça.

A - Le pouvoir des médias et les médias du pouvoir

Une chose a été relevée par beaucoup de monde : la médiatisation. Je rajoute donc ma pierre à l'édifice mais avec mon enduit en affirmant qu'OPM illustre bien à quel point les médias influencent notre société et aussi l'utilité qu'ils présentent pour le pouvoir politique qui est ironiquement le meilleur défouloir de l'opinion publique. Dans OPM, deux puissances dominent donc ce monde : l'Association des Héros et les médias.

D'abord, les médias servent pour le pouvoir à informer le public. L'Association des Héros l'utilise pour déclarer ses alertes, informer les zones attaquées et aussi passer le message à tous les héros pour qu'ils rappliquent. Ils deviennent l'intermédiaire indispensable du pouvoir ce qui leur donne un rôle prépondérant dans le quotidien de ce monde. C'est un moyen de communication dont l'utilité ici faite n'est pas si décalée de celle que nous connaissons.

Ensuite, les médias servent aussi à dire au public ce qu'il veut voir et entendre. Plusieurs héros correspondent aux attentes de la population parce qu'ils sont beaux, "font les gentils" ou "leur ressemblent d'un point de vue humain" au lieu d'être des surhommes aux pouvoirs surnaturels. Ils sont donc idolâtrés comme des icônes, des célébrités, des modèles et cela permet de faire prospérer l'ordre public, rassurant les citoyens de leur présence dans ce monde chaotique où les jours de paix se font rares.

Plusieurs héros ont pourtant la vie dure et la reconnaissance ne profite pas à tous. Beaucoup sont dans l'ombre ou sont détestés malgré tous leurs efforts. En effet, les médias passent trop de temps à nous balancer des sujets aguicheurs sur des célébrités au lieu de faire état un peu plus des sujets importants.

OPM nous fait parvenir une image réaliste de la médiatisation opportuniste et manipulée qui fait tout pour préserver un certain ordre public et pour rassurer les citoyens. Bref, elle contribue au maintien d'un certain équilibre mental afin que l'on ne devienne pas tous cinglés à cause de toutes les mauvaises infos. Le coup est de dire que dans ce monde dystopique dans lequel vivent nos personnages une bonne dose d'infos relaxantes est bienvenue : "c'est bon pour le moral".

B - Le caractère dérisoire de l'humanité et la précarité de leurs héros

L'homme est petit et insignifiant face à des choses qui le dépasse, la dure réalité en a maintes fois témoigné. Dans cet univers, des méchants s'amusent à détruire des quartiers entiers d'une ville de simples coups, le tout s'écroulant comme un château de cartes ... et avec toutes les personnes dedans bien sûr. Ça me fait rappeler quand on était gamins et qu'on s'amusait à écraser des fourmis ou a extirper des pattes d'araignées en toute insouciance. Je dirais que les méchants dans cet anime aurait le même comportement. Souvent ce ne sont pas des humains et donc leur considération envers "des espèces inférieures" se vérifie.

Concernant le nom des villes, c'est la cerise sur le gâteau. Non seulement la population est quotidiennement exterminée mais en plus on lui a extirpé son identité nationale. Le pays dans lequel se déroule OPM est organisé en plusieurs villes chacune nommée par une lettre. On dirait des enclos organisés par l'Association où on répartit le "bétail" dans le but d'appâter les "loups" pour que nos "chiens de garde" s'en débarrassent. Je sais que c'est choquant mais franchement c'est ce que ça m'inspire et avec un peu de perspicacité, toute personne peut facilement savoir à quoi je fais allusion.

Malgré tout ça, une chose m'a bien fait rire : c'est cette obligation ridicule imposée aux débutants de devoir faire un acte d'héroïsme au minimum une fois par semaine. On dirait une espèce de procédure mise en place par un "pôle emploi des héros" où on les incite à travailler sous peine d'être radié des inscrits et de ne plus toucher la reconnaissance publique.

Il est vrai qu'au final ce n'est pas si "ridicule" que ça car au moins les héros, s'ils s'estiment dignes, se mettent à la tâche. On ne devient pas héros par rigolade. C'est une façon de les responsabiliser et de ne pas rester chez eux "en profitant du système". Une certaine forme d'élitisme dans le monde du travail est, par la même occasion, démontrée à travers le traitement inégal des héros par le biais d'un classement : classes C, B, A et la best of the best S, encore et toujours (les japonais adorent cette lettre). Les plus talentueux sont jugés indispensables aussi mauvais soient-ils et ne risquent sûrement pas de perdre leur place. Face à la nécessité, le pouvoir s'écrase face aux forts car il en va de la survie de l'espèce humaine.

ONE n'a donc pas entendu valoriser les super-héros à travers son manga. Il dénonce le fanatisme du profane à l'égard de ses personnages emblématiques. La plupart des héros ont des caractéristiques ridicules faisant l'inventaire de toutes les gammes rencontrés dans le genre super-héros. Ce catalogue de clichés décrédibilise complétement cette fonction. Afin d'aller plus loin (autant enfoncer le clou pendant qu'on y est), ce métier symbolise, à mon sens, la précarité de l'emploi : mal payé, dangereux, pas de contrat car ici on fait de l'intérim, assurance-vie fortement conseillée, longévité de l'emploi faible tout comme le taux de survie ...

Conclusion :

En plus d'être un très bon divertissement, l'anime donne plus à réfléchir que je ne l'ai cru au départ et j'en suis finalement agréablement surpris. La suite, s'il y aura un jour, je la regarderais à coup sûr. Afin de profiter d'une bonne bouffée d'air frais, je recommande OPM à tous ceux qui ne l'aurait pas vu ou de se jeter sur le manga. Pour finir, je mets 8/10 car au moins j'ai le plaisir d'annoncer que ce PUNCH ! marque lui aussi la japanimation d'un précédent incontournable.