Avec sept OAV de longueurs, d’ambiances et d’intérêts irréguliers, Kara no Kyoukai est un terrain de jeu rêvé pour les fans d’animes et de critiques. On prend ces épisodes tous ensemble ou séparément, on les retourne, on les décortique, on les dissèque. C’est un peu comme si cette série était faite pour ça, faite pour faire parler les gens.
J’aurais pu prendre cette perche tendue mais mon orgueil me pousse à la refuser. Il faut savoir rester modeste lorsque l’on pénètre sur le territoire d’autrui. On se contentera d’une vue d’ensemble, à la lumière du septième OAV. Pas parce que c’est le meilleur, mais parce que c’est le dernier.
Kara no Kyoukai 7 conclut une saga qui fut marquée de bout en bout par le sceau de la superficialité. L’histoire et les personnages sont la cinquième roue du carrosse, tout n’est qu’une question d’ambiance et de réalisation. Comme pas mal d’animes adaptés de light novels, c’est l’implication et le talent du studio chargé de l’adaptation qui fait la différence, le support original étant la plupart du temps vide d’intérêt. En l’occurrence, le studio Ufotable a produit là quelque chose de véritablement exemplaire.
En effet, malgré toute ma mauvaise foi il m’est impossible de ne pas m’agenouiller devant le travail accompli par les chara-designers, animateurs, coloristes, doubleurs et musiciens. Une somme de talents qui se conjuguent pour proposer un spectacle d’une efficacité redoutable, ne laissant aucune marge d’erreur qui laisserait le spectateur comprendre que tout n’est qu’une vaste construction. La complexité de l’histoire de Shiki, 100% artificielle, sert de poudre aux yeux et laisse le spectateur croire qu’il baigne dans quelque chose d’intelligent alors que l’intérêt n’a jamais été là. L’intérêt se situe dans cette animation superbe des combats, ces décors urbains détaillés à l’extrême, ces couleurs subtiles et magnifiques qui font à elles seules l’ambiance de chaque épisode, comme on peut le voir dans la rupture que constitue l’épisode 5 par exemple. Mais avant tout Kara no Kyoukai profite de l’immaturité de son histoire, qui n’hésite pas à mélanger assassins psychopathes, sorciers fous, fantômes maudits, créatures magiques, brother complex et concepts parapsychologiques fumeux, juste pour la frime. Cela permet à Ufotable d’expérimenter tous les registres et de réussir à chaque fois, l’illusion étant presque parfaite jusqu’à l’apothéose de l’épisode 7.
Kara no Kyoukai est donc bel et bien un pur exercice de style, qui ne s’embarrasse pas de délivrer un message ou de faire réfléchir ; les préoccupations des personnages étant de toute façon bien trop incompréhensibles pour nous concerner. Kara no Kyoukai ne cherche pas à être compris, il cherche juste à vous convaincre de sa puissance technique, de son talent à virevolter d’un genre à un autre, de sa capacité presque surnaturelle à vous accrocher à un dialogue sur des concepts qui a priori ne vous intéressent même pas. Le personnage de Shiki joue à plein régime de son charisme fabriqué ; le récit se plaît à la faire passer par tous les états possibles, de la tueuse froide et hautaine à la lycéenne distante ; de la mettre tantôt en position de force, tantôt en situation de faiblesse voire d’humiliation. Le spectateur guette tous ces fragments de personnalité comme les morceaux d’un puzzle insoluble, recherchant à reconstituer une pseudo-psychologie qui n’existe pas, mais qui sont comme tant d’éléments ne servant qu’à un seul but, le seul qui devrait être atteint : divertir.
Pris au premier degré, Kara no Kyoukai ressemble à un brouillon d’un apprenti auteur de visuel novel, mais il a eu la chance qu’Ufotable choisisse d’y laisser éclater son talent. A tel point que Kara no Kyoukai est devenu un anime fédérateur, capable de réunir les fans de mysticisme et d’ésotérisme, ceux qui ne s’intéressent qu’à la baston badass, les noobs en quête de sensations fortes et ceux, comme moi, qui veulent d’abord du divertissement ambitieux et bien fait. En ce sens, Shiki est à l’image de cette fille sur la couverture des magazines : on sait que c’est totalement artificiel et calculé, mais ça donne sacrément envie quand même. 8,5/10
Les plus
- réalisation d'orfèvre
- direction artistique magistrale
- les génériques et l'OST de Kajiura
- Ambiance d4rk et mindfuck garantis
Les moins
- Trop bien fait pour être honnête.