Arrietty : un petit Ghibli ?
Pour marquer le coup de ma quarantième critique pour AK, je vais parler d’un animé du studio Ghibli, studio que j’adore et que j’admire depuis des années. Et puis ça me permet de revenir dans l’actualité de la japanime, ce film étant sorti dans les salles faiblement éclairées il y a peu.
J’ai attendu cet Arrietty pendant longtemps, et j’ai eu le temps d’éplucher reportages, critiques et revues de presse à son sujet avant de me faire mon propre avis en allant le voir. Je me souviens en premier lieu d’une très intéressante interview du réalisateur Hiromasa « Maro » Yobenayasahi disponible sur Catsuka, que je vous recommande vivement si le sujet vous intéresse. J’y ai notamment appris que le projet, adaptation d’un roman de Mary Norton, traînait depuis longtemps dans les cartons du studio Ghibli. C’est Miyazaki qui a choisi M. Yobenayashi, un rookie, pour diriger le projet. Néanmoins le Maître s’impliqua dans le film en en écrivant le scénario. Mais les échecs des Contes de Terremer puis de Ponyo n’ont pas rassuré sur l’avenir du studio qui semblait lentement tomber en désuétude.
Mais il faut rappeler que même un Ghibli mineur reste un excellent film d’animation ; et Arrietty est un excellent film d’animation.
L’univers d’Arrietty ne brille pas d’originalité ; un contraste entre les humains et un peuple de petits personnages qui vivent à l’insu des hommes, en leur chapardant ce dont ils ont besoin. Depuis Jonathan Swift jusqu’à Luc Besson, ce sujet à été exploité jusqu’à la moelle. Ghibli choisit de le traiter sous l’angle de la sensibilité et de l’émotion, mais sans moralisme ni mièvrerie, ou alors si peu.
L’histoire démarre tout de suite avec l’arrivée de Sho, un jeune garçon atteint d’une maladie cardiaque, qui débarque dans la maison de sa tante pour se reposer avant son opération. Très vite il remarquera que la demeure est aussi celle de petits êtres tenant dans la paume de la main, qui résident dans les fondations de la bâtisse et qui vivent en récupérant ce qu’ils peuvent. Ghibli oblige, le scénario va vite s’orienter autour du protagoniste féminin, Arrietty. Celle-ci vit avec son papa et sa maman dans une maison en modèle réduit. Dès le début du film elle accompagne son paternel dans une expédition de « chapardage » où l’on va découvrir comment ils se déplacent dans la maison, et à quel point des objets ordinaires peuvent êtres détournés de leur utilisation d’origine par de si petites personnes (une aiguille devient une épée, des clous deviennent des escaliers…). Et bien sûr, c’est la rencontre tant attendue, qui va se placer au centre de l’intrigue.
L’histoire se développe de manière très régulière, sans gros temps morts mais sans scènes d’actions non plus, qui n’auraient de toute façon pas eu leur place. Comme dit plus haut, le scénario évite le pathos facile, et ne cherche pas à taper sur la tête du spectateur avec un discours moralisant de comptoir. D’ailleurs, le seul dialogue quelque peu prosélytique du film, situé vers le derniers tiers, marque les esprits tant il détonne avec le reste du propos, plus intimiste. En tout cas, comme tout Ghibli, il possède plusieurs niveaux de lecture et c’est cela qui compte. J'ai trouvé excellents les personnages d'Arrietty et de Sho, surtout ce dernier, en fait. Très lucide, il n'est pas pathétique et ne se complait pas dans la lamentation malgré son état. Les personnages secondaires ne font pas tache, hormis peut-être la domestique Haru un peu excessive dans son rôle de méchante... de service.
Le grand défaut (l’unique ?) du scénario est sa fin, trop ouverte. En fait, l’univers et les personnages m’ont tellement plu que j’en voulais plus. Ainsi je suis resté jusqu’à la fin de l’ending pour voir s’il y avait une séquence bonus mais mes espoirs se sont révélés infructueux. J’ai quitté la salle avec la désagréable sensation qu’il manquait comme un épilogue, une scène de conclusion pour Sho et Arrietty. Je pense que le film a volontairement choisi de laisser le spectateur imaginer la suite de l’histoire. Une démarche qui ne me plaît pas toujours mais que je respecte.
Là où le film ne déçoit pas, c’est au niveau technique. Du début à la fin, les yeux sont enchantés par la qualité des décors et de l’animation. A l’heure de la 3D triomphante, un tel travail laisse pantois : l’animation ne faiblit jamais, les décors sont peints tels des tableaux impressionnistes, et impressionnants. On regrette que ceux-ci ne soient pas plus variés (le jardin, la maison, le jardin…). Un peu comme on préfère le travail de l’artisan par rapport à l’industrie, on ne peut que trouver ravissant le visuel d’Arrietty, qui montre que Ghibli reste leader dans son domaine.
Et la musique ! J’ai appris que la musique d’Arrietty est due à la française Cécile Corbel, qui s’est retrouvée là un peu par hasard. Elle avait envoyé son disque à M. Suzuki, producteur des films Ghibli, qui n’écoute jamais ce qu’on lui envoie. Mais il a fallu qu’il écoute celui-là. Il a alors débarqué dans l’atelier du réalisateur en affirmant qu’il avait trouvé la musique idéale pour le film.
Et si je ne suis pas fan de ce genre de son, je dois admettre qu’elle colle parfaitement au film, et apporte vraiment quelque chose en terme d’ambiance. M. Hisaishi n’aurait pas fait mieux.
La presse et les critiques, si elles ont salué la prestation de M. Yobenayashi, qui rend une très bonne copie, ont noté qu’Arrietty ne savait pas vraiment se détacher de l’ombre du Maître, et que peut-être eut-il fallu qu’il s’en occupe de bout en bout. Je pense pour ma part qu’Arrietty se suffit à lui-même, et il est bon de voir qu’un studio aussi prestigieux et dans lequel tant d’espoir sont placés à chaque fois, n’hésite pas à mettre en avant ses jeunes et talentueux disciples. Et puis Miyazaki lui-même a dit qu’il trouvait le film trois fois meilleur que ce qu’il escomptait… Si même lui le dit… Que puis-je rajouter ?
Les plus
- La réalisation signée Ghibli
- La musique signée C. Corbel
- Le duo Shû / Arrietty
Les moins
- Il manque une vraie fin