La malédiction de l'inceste

Amateur d'animes romantiques, je cherchais des œuvres du genre qui s'écartent un peu des conventions : en découvrant Koi Kaze, on peut dire que je n'ai pas été déçu. Dire que l'inceste est un sujet difficile à traiter est une gageure : tabou quasiment universel, il est toujours difficile d'en parler avec le juste ton. Cet anime réussit pourtant à le faire en usant d'une subtilité dans le traitement du propos qui m'a vraiment impressionné. Comme d'autres critiques l'ont très justement souligné, le fanservice est totalement absent de ce format court et c'est une excellente chose.

L'absence d'artifices, qui se retrouve jusque dans l'austérité graphique qui se dégage de cette série, permet de traiter sérieusement de l'inceste entre frères et sœurs. A aucun moment, je n'ai été choqué. Le grand intérêt de Koi Kaze est justement d'inverser la perspective en critiquant le caractère normatif d'une société humaine qui érige des normes sociales jusqu'aux sphères les plus intimes de la vie des individus. C'est un thème qui m'a particulièrement fait réfléchir dans la série, notamment à travers le personnage de Chidori qui incarne parfaitement le point de vue de la société sur l'inceste. A bien des égards, ce personnage c'est "nous" : le quidam qui juge les gens non pas sur des réalités (les sentiments des premiers concernés) mais avant tout sur des préjugés. A bien y réfléchir et en faisant abstraction des questions biologiques, en quoi l'inceste est-elle plus "perverse" que n'importe quel autre type de romance voire de sexualité ? L'anime pose très bien le problème.

L'autre grande qualité de cette série réside dans ses personnages et, en particulier, dans son personnage principal : Koshiro Saeki. Cet homme est un pauvre bougre : c'est vraiment l'impression qu'il m'a donné. Grâce à un rythme scénaristique assez lent, la série réussit à créer de l'empathie pour ce personnage qui se retrouve en quelque sorte noyé dans un torrent de sentiments pour sa soeur qui le déstabilisent et qu'il est d'abord incapable d'accepter. On est en pleine psychologie "freudienne" si je puis dire : comme pour d'autres chocs psychologiques, le héros passe successivement par les phases du déni puis de l'acceptation. J'ai vraiment trouvé cette évolution très bien gérée puisqu'elle crée une profonde empathie chez le spectateur qui permet justement d'inverser ce paradigme que j'ai évoqué plus haut : le couple incestueux n'est plus vu comme un couple décadent mais tout simplement pour ce qu'il est : un couple comme des milliers d'autres qui subit simplement le poids démesuré de conventions sociales plus ou moins justifiées.

Malgré la brièveté du format, Koi Kaze est un anime romantique que je recommande sans la moindre hésitation. La série a des défauts et peut rebuter essentiellement à cause de deux faiblesses : la pauvreté des décors et un certain sentiment d'inachevé. Au fond, la problématique de l'inceste consentie - cet épithète est important - est très bien posée mais le thème est trop vaste pour pouvoir être traité en uniquement une dizaine d'épisodes. En revanche, la série dispose d'un duo très attachant qui échappe à une grande partie des clichés des animes du genre. Ici, pas de triangle amoureux et de réactions épidermiques : les réactions des personnages sont crédibles. Pour être honnête, je me suis souvent surpris en observant les tourments de ce pauvre Saeki à me demander comment j'aurais réagi si je m'étais retrouvé dans sa situation. Il n'est pas certain que mon comportement aurait été très différent. Bref, Koi Kaze est un anime intéressant à suivre. Il n'est pas parfait, mais il a au moins le mérite de faire réfléchir en traitant un sujet difficile sans tomber dans le mauvais goût.