Acciaccatura
En cette année 2014-2015, j'ai loupé toutes les sorties mangas/animes, ou peu s'en faut. J'ai atteint mon seuil de tolérance au manque en mars dernier, et me suis dit qu'une petite romance sur fond "Radio classique" du type Nodame cantabile me ferait le plus grand bien. Mes attentes ont été détrompées mais largement comblées, et j'ai fini cette série en moins de 48h...!
I/ Qui va piano va... doloroso.
Cet anime pointe le fléau qui frappe nombre des enfants musiciens (tout particulièrement en Asie) : poussés par le duo parents/professeur particulier, ils parviennent précocement à un degré de maîtrise technique époustouflant, mais leur interprétation est dépourvue d'âme, car de vécu. Ce qui fait que l'abandon de toute pratique musicale, ou du moins d'une ambition professionnelle, est fréquent. La pression de l'entourage et du système académique des concours, qui peut vite tourner en torture psychologique et physique, est très bien rendu.
Le héros de cette histoire, Arima, est de ces prodiges déchus. Dès le plus jeune âge, il sortait toujours premier des concours, suscitant le sempiternel cocktail d'admiration, de jalousie et de mépris. Il perdit toute raison de jouer à la mort d'un proche, ce qui rappelle le cas d'Arata, champion de karuta dans Chihayafuru. Un ressort drammatico qui ne surprend pas, et ce n'est pas le seul cliché auquel nous avons droit.
II/ Con amore, ma non troppo
En effet, le polygone amoureux est d'un convenu... mais l'ensemble est appréciable, car les émotions des personnages sont généralement contenues. Très peu de larmes, alors que les événements plombants sont au rendez-vous. Aucune déclaration d'amour grandiloquente et dégoulinante de miel non plus.
Silencio*. La musique dit tout. Cela fait un moment que je ressens que de jouer du piano, c'est un peu comme faire l'amour : sans émotion, sans mise à nu, sans entente profonde avec le partenaire - bon, pas l'auditoire dans le second cas...! -, ça ne marchera pas.
Les ingrédients sont tous là : le romantique refoulé, le dragueur invétéré, le meilleur ami au statut ambigu, le passionné, le cœur d'artichaut futile (en conjuguant le tout au masculin) , vous serez servis. Déformation professionnelle [ON] on dirait presque un catalogue ! [/OFF].
III/ Virtuoso : a capriccio e a piacere.
L'animation, les graphismes, la colorisation, tout ça est réussi à mon sens et j'expédie donc le tout en une ligne. Alors d'accord, des fois on a envie de râler car on est privé d'un bon cadrage sur le live de tel ou tel musicien, surtout en seconde partie, comme quelqu'un l'a déjà fait remarquer.
La musique... Ah, la musique ! Belle mais très grand public. Beethoven, Chopin (et forcément, qui cite-on en référence ? Rubinstein... originalité, vous dis-je !), Debussy, Ravel, Saint-Saëns, Scriabini, Tchaïkovsky... seul Kreisler fait office d'original. Les "vrais" pianistes affichent souvent leur dédain pour Chopin, ce génie orgueilleux et mal vissé qui instaura le récital, et ici mis à l'honneur. Ayant moi-même commencé le piano pour ses diurnes, nocturnes et valses, je ne peux que marquer mon désaccord. J'aurais voulu faire quelques découvertes (j'en dois même à Nodame citée plus haut !). tant pis, les interprètes sont ici de bons "doubleurs".
Coda
Si cette oeuvre était musicale à proprement parler, et qu'il fallait mettre trois indications en marge, je retiendrais : affanato, appassionato, maestoso. Je ne laisserai pas ma sévérité à l'égard des quelques faiblesses de cette série trop transparaître dans ma note finale. Et puis, je lui dois un déclic, un renouveau dans ma propre manière de jouer : dire fanculo à la partition !