Alors que j'ai arrêté le piano plus ou moins il y a deux ans, par manque de temps et de moyens et le visionnage de cet anime m'a redonné l'envie de faire glisser mes doigts sur un clavier d'ivoire plutôt que sur les touches de mon ordinateur.
J'ai pas mal hésité avant de me lancer dans cette série, j'avais peur des couleurs annonçant une romance niaise avec les mêmes mécanismes vu et revu du trio amoureux comme on en trouve à la pelle. Je n'avais par ailleurs pas accroché à des animes comme Nodame Cantabile ou Beck que j'ai laissé tomber au bout de quelques épisodes. You lie in April m'aura peut être donné l'envie de m'y (re)pencher même si je pense que sa qualité est bien supérieure.
L'animation, les couleurs, l'omniprésence d'aquarelles lumineuses est déjà un orgasme visuel à part entière. Les premières images, les scènes de jeu musical (j'entends les mains qui parcourent les instruments) sont d'un réalisme frappant et arrivent à retranscrire avec grandiose l'émotion du jeu d'un interprète.
En fait il y a ce coté Hyôka qui - à force de couleurs et de fluidité - sert une histoire ou un concept qui pourrait reposer essentiellement sur la musique et sa bande son ... et quelle bande son, diantre : l'occasion de découvrir ou de réentendre parmi les plus beaux morceaux du 19ème, et en particulier un compositeur que j'affectionne : Chopin. Si vous n'avez jamais écouté du Chopin, eh bien je vous invite à combler ce manque.
You lie in April s’exécute de la même manière qu'une de ces valses à la fois puissante et triste, avec le grandiose et la joie qui côtoie la tristesse. On y retrouve ce flot tumultueux d'un rythme ternaire qui accélère et ralentit à souhait, et on se laisse guider par notre écran, - ce cavalier LCD, dans cette danse d'émotion.
L'anime réussit à ne pas s’essouffler grâce à ses personnages bien développés mais sachant rester de simples adolescents avec leur préoccupations et leur aspirations, et - bien qu'on puisse voir venir le déroulement - cela ne gène en rien son visionnage. C'est une véritable contemplation d'un tableau de couleurs et d'émotions. On y retrouve les ingrédients de romances, de drame, mais sans jamais sombrer dans le coté obscur classique du pathos à outrances et l'exagération vulgaire des sentiments. Au contraire le message de l’œuvre est subtilement optimiste et plein d'espoir - voilà la toute différence avec bien des choses qu'on peut voir dans ce bas monde : de la subtilité.
Et pourtant ... certains passages arriveront à rendre humide les yeux des mafieux russes les plus insensibles. Voilà une œuvre qui arrive à s'échapper de son genre pour être appréciée par un public très varié, c'est là une des caractéristiques des créations dont le souvenir résiste aux affres du temps et fera, j'en suis sûr, de cet anime un classique du genre qu'on conseillera avec nostalgie.
La réalisation, les graphismes et la musique sont accordés comme un orchestre, et remplissent leur fonction essentielle : un anime qui se regarde sans aucun effort et nous entraîne comme une barque sur une canal, une nuit d'été. Elle parvient aussi à quelque chose de puissant : faire ressentir la différence d'interprétation d'une même œuvre musicale quand elle est joué par deux personnes dans un état d'esprit opposé. La bande son (en terme d'interprètes aussi) est extraordinaire. Que ce soit les moments de dissonance des protagonistes qui n'arrivent pas à accorder leur musique, où les envolées fusionnelle quand ils se synchronisent, l'anime est une initiation grandiose au monde de la musique classique qui semble parfois rebutant et incompréhensible pour le commun des mortels - et ce, avec la douceur mélancolique et la joie béate qui vous envahiront après son visionnage.