Certaine fois, enfermé dans ma chambre, fatigué après un cour on l'on réfléchit beaucoup trop à mon goût, j'ai la tentation masochiste de continuer à m'infliger des souffrances en regardant des animés complexes plutôt que de me poser devant un bon petit Eiken. Comme afin de confirmer cette tendance, un genre tout particulièrement efficace se présente alors à moi : l'animé psychologique. Et des animés psychologiques de qualité, autant être honnête, on ne les compte que sur les doigts d'une main estropiée... D'une certaine façon, quand il s'agit de la préservation de mes neurones, c'est une bonne chose, mais il est dommage de voir si souvent l'animation se fourvoyer et échouer lamentablement à essayer de pousser la réflexion du spectateur en usant d'artifices peu agréables. Il est donc tout naturel d'offrir une véritable ovation à ceux qui réussissent dans ce domaine, finalement peu facile d'accès.
One Outs je le dirais en tout début, réussit très bien cette épreuve difficile, même si certains travers se plantent au milieu de sa route. La clef de ce succès, c'est l'association gagnante de Satô Yuzo et de Umehara Takahiro. Le premier est le réalisateur incontestablement talentueux de Kaiji et Akagi (deux chef-d’œuvres du genre) ainsi que de Gokusen (un GTO féminin dont on se délecte sans peine). Le second est le chara-designer de Akagi et Soten Koro, deux séries très différentes sur le plan artistique, mais pourvue d'une beauté indéniable. Ces deux petits génies de chez Madhouse, m'ont fait rêver une fois de plus, en créant une œuvre qui a su différer de ses pairs, sans pour autant provoquer d'énormes variations en terme de qualité. Par ailleurs l'auteur de la série et de l’œuvre originale en manga, Kaitani Shinobu, est pour ma part, inconnu au bataillon, mais il est peu risqué d'affirmer qu'en ce qui concerne la série animé, la patte "made in" Yuzo est très clairement identifiable.
Si vous avez lu mes précédentes critiques, vous saurez que la formule ne change pas et que, comme à l'accoutumée, nous allons discuter de cette série sans plan établit.
Le scénario (pour commencer) est la pièce maîtresse d'un animé psychologique. Plus encore que l'histoire, le cœur véritable de ce genre est la construction du récit. Partir d'un sport somme toute ennuyant (le baseball) et le rendre intéressant voire même palpitant était en soi un défi difficile. Ce pitch de base n'a su provoquer chez moi que la curiosité ou l'intérêt que l'on porte à une bête de foire (au choix). Mais comme chez Akagi le défi de rendre le mah-jong, jeu de société compliqué aux règles variables, véritablement passionnant avait été relevé avec brio, j'ai mis de côté mon scepticisme pour provoquer ma propre surprise.
Ainsi Tokuchi, parieur, et accessoirement lanceur de baseball particulièrement perspicace, rencontre Kojima, batteur talentueux dans une équipe de perdant qui se débrouille pour l'intégrer à son équipe. De là, les talents de stratèges de Tokuchi vont se révéler de façon fulgurante aidant l'ascension de l'équipe autrefois minable. L'histoire est donc centrée autour des exploits de Tokuchi en tant que constructeur de pièges, plutôt qu'autour des victoires de l'équipe toujours dernière dans les classements.
La construction du récit, comme on l'a vu précédemment, à un grand rôle à jouer, puisque c'est cette dernière qui donnera un dynamisme et donc un intérêt à une histoire un peu farfelue. Cette construction est somme toute similaire à celle d'Akagi et Kaiji: une voix off expliquant les divers tenants et aboutissants, les enjeux, et les solutions, d'une façon grave et tonitruante ponctuée de tadashi (trad: cependant), qui a pour effet de dramatiser les événements, de mettre une emphase sur des détails pour mieux détourner notre attention, ainsi que de renforcer cruellement le suspens. La narration des événements revient à cette voix, qui s'organise souvent de sorte à laisser planer un mystère certain. En filigrane, des explications techniques sur les différents aspects du baseball sont détaillées le plus souvent par des personnages tiers. Il revient bien sur au protagoniste principal de commenter sa propre réussite.
Toujours en rapport avec l'histoire, les personnages ont une dimension psychologique souvent peu approfondie, surtout en ce qui concerne les joueurs tiers, mais qui se creuse un peu plus souvent quand il s'agit de Kojima, ou des opposants à Tokuchi. Il va de soi que pour la star de ce show mystérieux il faut un personnage principal au charisme certain, et au comportement difficilement déchiffrable. Il en allait de même pour Akagi et d'une certaine façon Kaiji. Mais la similarité est plus forte entre Akagi et Tokuchi, deux êtres plein d'un potentiel qui s’agrandit à chaque affrontement stratégique, vivant dans le risque, et qui sont entouré d'une atmosphère sombre, impénétrable. Cette construction de l'ambiance, si elle commence à devenir classique, connait forcément des variations inhérentes à l'histoire intrinsèquement différente ses frères, puisqu'elle est fondamentalement plus dynamique: baseball/mah-jong: entre des gens qui courent de partout et deux gars assis en face à face, il y a un gap, qui n'est cependant sans aucun lien avec la qualité (soyons clair à ce propos). Je dois avouer pour conclure à ce propos, que les autres animés du même genre ont tout même mieux réussit l'affaire que One Outs, simplement parce que les deux univers ont été plus recherché, et les stratégies plus élaborées. Il ne s'agit là pourtant que d'un classement de préférence car dans l'absolu cette série se distingue par une véritable qualité.
L'ambiance est, une fois de plus, différente. Le sport inclut nécessairement des supporters, une équipe et donc de fait, une chaleur plus importante quand dans l'atmosphère froide des salles de jeu clandestines de mah-jong. Toujours est-il, les récurrences sont là: l'univers mafieux auquel Satô Yuzo semble très attaché et qui est par ailleurs le meilleur à pouvoir traiter ce domaine; la cigarette qui donne un charisme particulier au personnage principal, mais qui classe aussi de facto cet animé dans la catégorie des seinen; les paris fous qui rendent le rythme de la série infernal et insoutenable en terme de suspens; l'argent comme conséquence directe du précédant point; la musique qui bien que différente du compositeur de ses pairs, est parfois oppressante. J'aimerais revenir sur l'atmosphère mafieuse: il s'agit là d'un des points les plus importants de tous les animés psychologiques et humoristiques réalisés par Satô Yuzo. Que ce soit avec Kaiji, ou même Akagi, et peut-être aussi (soyons audacieux) Gokusen, notre cher réalisateur parvient toujours à nous captiver par l'aspect souterrain, illégal et définitivement complexe, qui accompagne la mafia. Cela produit généralement un monde sans pitié où le seul le vainqueur décide du sort des autres. La pitié est exclue et la souffrance est une composante inhérente à laquelle on s'habitue. Pourtant, encore une fois, ici cet aspect est moins développé, même s'il apparaît de façon puissante quand il s'agit de la carrière des joueurs...
Le chara-design semble, de ce que j'ai pu constater, proche de l'oeuvre originale, une performance récurrente chez Takahiro qui réussit toujours très bien les plans rapprochés, mais bâcle trop souvent les plans éloignés. Tokuchi a une tête très différente selon la distance du plan, ce qui est parfois, force est de l'admettre, quelque peu pénible. Mais cela ne saurait irriter le tolérant, le permissif, ou simplement le normal, qui n'est pas maniaque en ce qui concerne la régularité. Il est aussi bon de constater que le chara-design des personnages tiers, pourtant relayés au second plan en terme de travail psychologique, ne le sont pas nécessairement quand il s'agit du chara-design. Ces derniers sont réussis et c'est un effort agréable. Le graphisme de façon générale est de plutôt bonne qualité, mais il faut admettre que le décors change peu souvent, et qu'il s'agit le plus souvent d'un stade, dont seuls les gros plans sur la foule permettent les de distinguer. Rien d'extraordinaires donc, mais il faut être à nouveau honnête, et admettre que si le coche du chara-design est réussit, on ne saurait être plus exigeant en ce qui concerne les graphismes.
La musique a été évoqué plus tôt, elle sert la dynamique de l'animé et les moments de suspens, mais est pourvue d'une force bien minimale si on la compare à celle d'Hideki grand compositeur de la B.O de Kaiji. Il s'agit pourtant d'une méthodologie de composition similaire à mon sens qui se caractérise par des mélodies lentes et sèches exécutées à la guitare électrique.
Pour conclure, je remarque que Kaiji et Akagi sont apparus plus souvent que One Outs tout au long de cette critique. C'est normal. Je dirais sans difficulté que ces trois séries appartiennent à la sainte trinité du genre psychologique. On pourra m'opposer sans difficulté Death Note, mais la différence majeure, c'est que pour ces trois oeuvres de qualité, on est sorti de l'adolescence et on est entré dans le monde adulte, bien plus cynique qu'il n'y paraît. Ne nous trompons cependant pas, Death Note, bien que différent à sa place dans les séries de qualité, mais devant elle, je place One Outs. Cela scandalisera plus d'un fan-boy, mais pour les avertis, il ne s'agira que d'une provocation, sincère cependant.
One Outs est une série de très bonne facture dont la qualité n'est pas si éloignée des deux grands dont j'ai trop répété le nom, mais elle ne saurait atteindre les sommets qu'ils ont crée au moyen des cadavres de nos neurones. One Outs reste somme toute agréable et surprenant mais quelque fois prévisible. Un écueil qui ne pardonne pas dans ce genre, et qui pourtant passerait presque inaperçu tant, au final, tout est bien orchestré.