Quand Miyazaki rencontre Grimault

» Critique de l'anime Lupin III - Le Château de Cagliostro par Nuits le
15 Janvier 2014
Lupin III - Le Château de Cagliostro - Screenshot #1

Le château de Cagliostro est le dernier long métrage de Miyazaki que je n’ai pas vu et, ironie, c’est le premier du réalisateur. Curieuse de déceler dans ce film les indices qui laissaient présager de l’avenir du maître, j’ai été heureusement surprise de découvrir que non seulement je retrouvais déjà le Miyazaki que j’aime tant mais également des références nombreuses à un de mes films d’animation préférée : le Roi et l’Oiseau de Paul Grimault.

Le Roi et l’Oiseau a été un film pionnier et novateur dans l’histoire de l’animation et a, pour cette raison, exercé une grande influence. Pour la petite histoire, c’est en visionnant ce film que Takahata (l’autre réalisateur phare des studios Ghibli), initialement diplomé de littérature, change de voie pour se lancer dans l’animation, bluffé par les possibilités visuelles et formelles offertes par cet art. Miyazaki n’a jamais caché son admiration pour le long métrage de Grimaut, influence que l’on retrouve tout au long de son œuvre (l’exemple le plus frappant étant les robots présents dans Le Chateau dans le Ciel qui sont un écho au robot de la fin du film) et de manière extrêmement prononcée dans ce film. Tout d’abord : le château : je savais que Miyazaki avait déclaré s’être inspiré de celui du Roi et l’Oiseau, mais je ne m’attendais pas à le retrouver autant. Certains morceaux, notamment la tour Nord où est enfermée la princesse, est presque une copie, de l’extérieur de l’appartement secret du roi chez Grimault, avec un système d’accès tout à fait similaire. On retrouve le système des portes coulissantes et cachées, le style français fantasmé et caricaturé dans les décorations et surtout, le système de trappes pour se débarrasser des ennemis. On a pu voir dans ce système une référence à l’œuvre d’Alfred Jarry Ubu Roi, plus précisément à l’acte III, scène 2 où le roi Ubu prend au pied de la lettre l’expression « mettre à la trappe » en décidant d’enfourner dans une trappe toutes les personnes qui le menacent et dont il veut la mort. Ainsi agit le Roi dans le Roi et l’oiseau, à l’aide de trappes disposées dans tout le château, à des emplacements incongrus et surtout indiscernables. Ceci est repris presque tel quel dans Le Château de Cagliostro, à la différence près qu’il ne faut pas nécessairement que la trappe soit manuellement déclenchée (par le bon vouloir du roi). C’est très frappant. Enfin, l’architecture générale du château, toute en longueur n’est pas sans évoquer le château dans son ensemble. D’autres éléments m’ont également évoqué le long métrage de Grimault : les espèces de sous-sols rappellent la ville-basse, les courses poursuites du couple de personnage avec une mariée-un paria (voleur/ramoneur) dans les escaliers, le style de la robe de mariée et notamment la coiffe, etc.

Lupin III - Le Château de Cagliostro - Screenshot #2On retrouve aussi déjà dans ce long métrage des éléments de l’esthétique et du style Miyazakien : l’hélicoptère, le château, l’attirance de Miyazaki pour les personnages ambigus (le voleur justicier…), la présence d’un personnage féminin fort et indépendant, le soin apporté aux décors et aux ambiances. On peut noter aussi que le « méchant » se rapproche de celui du Château dans le Ciel un méchant véritablement méchant qui s’attaque à une jeune fille dans le but d’acquérir un pouvoir (avec une histoire de dynasties familiales là-dessous…), un méchant sans véritable nuance ni ambigüité dont la fin est d’ailleurs similaire. Enfin, certaines images m’ont frappée, comme l’arrivée du conduit de la trappe, qui m’a pensé à celui qu’on retrouve dans Chihiro (où Haku tombe).

Pour ce qui est du film en lui-même… il n’a pas profondément vieilli, du point de vue de la réalisation et de la qualité de l’animation notamment, c’est très bien fait. Certes, le chara-design fait très années 80, mais cela nous offre un parfum retro. Le ton est décalé sans être totalement loufoque, le rythme est soutenu mais sans excès. C’est un film d’aventure classique dans sa construction, dans l’esprit de la japanimation de l’époque, mais inventif dans son développement. J’ai également aimé la musique.

En somme, Le Château de Cagliostro a été pour moi une très bonne surprise, une petite pépite inconnue qui plait tout autant pour ses qualités propres que pour les horizons qu’elle rappelle ou annonce.

Verdict :8/10
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