Il y a deux siècles, naissait le Réalisme en littérature. Puis, suite logique de celui ci, le Naturalisme, s'obligeait à appliquer la méthodologie scientifique dans l'ouvrage pour faire évoluer une histoire et des personnage selon des conséquences logiques de causalité déterminées par leur milieu social, leur environnement, leur époque et j'en passe où on les avait placées, et ce avec finesse et rigueur, quitte à dépeindre des personnages normaux dans des situations ...normales - pour leur époque.
A l'opposé, le fantastique s'est attaché à décrire l'irruption d'une situation irrationnelle, d'éléments incompréhensibles qui assaillent les personnages et leur réactions tout aussi étranges. Que se passe-t-il alors quand on observe d'une manière construite, logique, psychologique, l'évolution d'un personnage banal dans une situation tout sauf naturelle ? Probablement qu'on obtient du "surnaturalisme" [1].
Voici exactement ce qu'est Parasite (ou Kiseijuu pour les puristes, mais je lui préfère son titre dans la langue de Molière - Momo pour les intimes). Et rassurez vous, c'est bien moins chiant que du Zola, si votre scolarité vous a obligée à vous en farcir quelques oeuvres.
Izumi, un adolescent gringalet et timide est un jour infecté par une entité inconnue qui échoue à prendre totalement le contrôle de son corps. Le voici contraint de cohabiter avec celui qui a élu domicile dans son bras droit, un dénommé Migi, et d'évoluer dans un monde où il doit cacher son statut hybride, ne pouvant ni être accepté par ces parasite ni par les humains.
Est-ce un énième anime où le héros trouve un super pouvoir démoniaque avec des prises de tête à deux balles ? Non, c'est justement pour ça que je vous ai rappelé des (mauvais) souvenirs de vos cours de français : c'est intelligent, mréfléchi, construit, et on a affaire à un personnage principal (si on considère le duo Izumi/Migi comme une seule personne à deux visages) bien loin de la stupidité des héros habituels de série basées sur un concept similaire.
Ainsi, voici un héros qui portera sur le monde qui l'entoure un regard double, celui froid et réaliste de Migi pour lequel tout n'est que matière organique utilitariste et celui d'un ado pas complètement construit. Parmi les problématiques on trouvera les classiques "Qui suis-je ?" "Qu'est-ce que l'espèce humain ?" "Qu'est-ce que la vie dans l'infinité de l'univers ?" "Accepte-ton que les gens changent ?". Avec ce terreau fertile on pouvait donc s'attendre au pire de la mièvre niaiserie et des grandes phrases moralistes de série Z...mais heureusement la mise en scène exceptionnelle de ce thriller brille par son intelligence à donner plusieurs points de vue fins sans apporter une conclusion définitive à ces questions, laissant le spectateur se faire son opinion. Après tout le but de l'Art est de questionner, il n'y a que Jean Pierre Foucault qui donne le dernier mot.
On appréciera particulièrement l'évolution et les réactions des personnages dans ce contexte et on imagine difficilement des réactions plus justes et réalistes à ces événements. La trame scénaristique est aussi rondement bien menée, et c'est une longue montée en puissance : non seulement le coté thriller policier ET psychologique prend son ampleur comme dans un Monster (les phases de questionnement d'Izumi pouvant faire partie du thrill à proprement parler), mais l'action et les combats s'intensifient sans tomber dans la surenchère grâce à un héros qui est équipé d'un cerveau de série et sait utiliser ses muscles avec un peu de sang froid et de stratégie.
Et puis les graphismes et la musique, pour couronner le tout, sont de bonne facture. Ils servent l'évolution des personnages et retranscrivent leur expressivité ou in-expressivité voulue de manière frappante. Le concept des parasites même donne lieu à des mutations physiologiques que les réalisateurs ont su utiliser non comme une contrainte, mais un tremplin de créativité. Ayant entraperçu le manga, je ne saurais dire si l'adaptation graphique est meilleure, mais au moins elle apporte de la modernité sans desservir l'histoire.
On regrettera peut-être que quelques personnages (comme Murano) soient un peu vides dans les débuts, la surexploitation de certaines musiques (bien qu'excellentes), mais l’œuvre sait se rattraper, nous offrant l'un des meilleurs animes mature de ces dernières années. Ce fût pour moi un véritable plaisir de suivre cette adaptation jusqu'à la fin. Une lumière dans les ténèbres de la fausse profondeur ambiante.
[1] Le terme "surnaturalisme" est ici un mix volontaire, comme une étape hybride entre le naturalisme et le surnaturel, à ne pas comprendre comme sa véritable définition. Je me suis refusé à employer le terme surréalisme puisque ça désigne un courant trop intéressant, différent et important pour être recouvert par un néologisme - pardon - une Barbarité. Puristes de l’étymologie, peut être me pardonnerez vous.