Berserk, ou le manga qui m’aura fait mentir sur une de mes phrases : la perfection n’existe pas. Car autant vous le dire dès cette introduction sans intérêt, Berserk est sûrement, avec Vagabond pas loin derrière, le meilleur manga qu’il m’ait été donné de lire. Parti de ce constat, j’essaierai quand même de conserver un minimum d’objectivité… Un minimum j’ai bien dit !
Déjà, scénaristiquement, Berserk fait partie de ces œuvres dont on se dit avant d’ouvrir le premier tome, sur lequel est collé en énorme « Ppour public averti », que l’on va simplement assister à une série de mise à mort sans véritable intérêt. Seulement voilà, Berserk s’agit bien d’une série de mise à mort, mais scénarisée, et c’est là qu’intervient la première grosse surprise de ma lecture : ce manga possède un des scénarios les plus alambiqués, les plus complexes que j’ai pu connaître. Partant pourtant d’une base assez simple (une volonté inarrêtable de vengeance du héros principal, Guts), cette base se voit néanmoins agrémentée de tellement de ramifications qu’elle en devient un tronc peut être sans égal aujourd’hui.
La psychologie n’a jamais été aussi présente dans mes lectures, Guts est en tout point digne de figurer dans les grandes tragédies romaines, ce dernier est durablement marqué, aussi bien physiquement (la fameuse marque) que moralement par la destinée qu’il en devient un personnage attachant, impossible d’imaginer tout ce qu’il endure. Son combat, c’est contre une entité tellement supérieure qu’il le livre que l’on en vient même à se demander comment il peut continuer à lutter, on devine à quel point sa rage, son désir doit être fort, et rien que pour ça, il mérite tout notre respect.
Mais en plus d’être un personnage torturé, Guts est aussi un combattant hors pair dont chaque combat est l’occasion de développer un autre point aux abords insoupçonnable : il existe une stratégie militaire à chaque combat très appréciable, et on n’est pas là simplement pour voir deux mecs se taper dessus à coups d’épée de 8 mètres de long. Sans oublier toute la panoplie d’autres personnages qui accompagneront Guts pour une durée limitée. Chacun possède son propre caractère, chacun est digne de notre attention.
A noter que l’aspect si sombre, si empreint de malhonnêteté et de violence du manga qui pourrait rebuter un certain nombre de lecteurs est largement compensé par un humour omniprésent (souvent quand on ne l’attend pas) venant de Puck, petit elfe qui réussit à me tordre de rire par moment, et un second que je vous laisserai le soin de découvrir. Ainsi donc, en conclusion de ce premier paragraphe, je ne peux que reconnaître que l’aspect scénaristique/psychologique/charismatique de Berserk est de loin l’un des plus abouti et rien que pour ça, même si ce dernier possédait des graphismes en demi-teinte, je vous conseillerai malgré tout de vous y essayer.
Seulement voilà, j’ai bel et bien écrit « si ce dernier possédait », et ce "si" laisse sous-entendre que c en’est pas le cas : ce manga est une ode aux détails, aux expressions abouties, aux combats trépidants, bref à une ambiance graphique unique, hors du commun. Il faut dire que la parution assez lente des chapitres (ou épisodes si ça peut te faire plaisir shadow) laisse un temps considérable à Miura pour nous pondre des planches au-delà de toute espérance.
La différence entre les premiers et derniers tomes sortis a beau être considérable, le tout premier peut encore faire autorité sur nombre d’œuvres actuelles. Le premier point qui m’a laissé pantois, ce sont les décors. D’un souci du détail poussé à l’extrême, jamais châteaux n’auront été aussi beaux, jamais forêts n’auront été aussi mystérieuses, jamais mer n’aura été aussi paisible et angoissante à la fois, jamais manga n’aura été aussi proche de l’idée que je me fais de l’époque moyenâgeuse.
Au-delà des décors se trouve un chara-design tout aussi poussé, tout en restant dans le domaine historique que Miura cherche à retranscrire. Ainsi, pas de coupes improbables comme seuls les japonais savent nous pondre, pas de vêtements à l’architecture étrange. Non, rien de tout cela, ici c’est la guerre et on s’habille en conséquence. Encore une fois, je ne peut faire qu’un hommage au travail accompli aussi bien sur les visages animés d’expressions criantes de vérité comme seul l’auteur est capable de faire passer, rendant les paroles simplement superflues, que sur les vêtements qui ont eux aussi fait l’objet d’un soin inhabituel (à nous les armures clinquantes, les vêtements du tiers états sales et empestant et les soutanes du clergé !) .
Ajoutez à tout cela une « animation », un « mouvement » qui transcende le cadre du support papier pour que l’on ait l’impression que l’action se passe juste sous nos yeux. En comparaison à un certain Claymore, tout y est compréhensible, les combats se suivent avec intérêt, ne se ressemblent jamais justement du fait de cette stratégie que j’ai évoqué précédemment. A ce moment, on comprend que l’on a affaire à la perfection même, le summum du manga, Berserk c’est une œuvre inloupable.
Dans cette conclusion, j’essaierai d’évoquer quelques points négatifs… Enfin on va essayer hein ! Alors… le flashback, bien que retraçant une des périodes les plus intéressantes d’un point de vue scénaristique, m’a paru quand même un peu traîner en longueur (bien que son final satisfait toutes nos attentes et m’a fait voir d’une nouvelle façon les œufs avec une forme de visage). Ajoutez à ça une parution assez lente (bien qu’expliquée par l’auteur), la volonté très intense de connaître la suite et on en aura déjà fait le tour. Tout le côté gore n’a pas été un obstacle à ma passion pour ce récit, oui la violence y est particulièrement retranscrite comme a pu le dire Angel MJ, aussi cette violence s’explique toujours dans le cadre de l’histoire, et certains plans gerbants ne font que rajouter en intensité au passage représenté (scènes de tortures…), parce que oui, Berserk, c’est avant tout une ambiance, une ambiance à laquelle on adhère totalement, ou non. Pour ce qui est de mon cas, c’est un grand oui, un oui inaltérable si Miura ne décide pas du jour au lendemain de transformer son travail en monde des Bisounours.
La note n’est sûrement pas à prendre au premier degré, je fais partie des fan-boys de ce mythe, mais elle montre assurément que pour, peu que l’on s’attache à l’univers, celui-ci peut nous emporter à tel point que l’on ne le quittera que difficilement. Dernière chose, si vous comptez voir l’anime plutôt que le manga, ben… non, lisez le manga, un point c’est tout ! (il y’a ce que l’on appelle traditionnellement un intérêt inversement proportionnel à celui du support papier)
Nasuversiens VS Berserkusiens, le choix n’est pas à faire, il s’impose de lui-même ! (pour ceux qui liront cette critique dans quelques années, ne cherchez pas à comprendre cette phrase)