Il me faut bien l’avouer, j’avais au départ quelques a priori au sujet de cette série. D’accord, les graphismes sont (pour autant que je puisse en juger) agréables à l’œil et plutôt maîtrisés, mais cette histoire de jeunes héros surdoués au grand pouvoir et au terrible secret, voilà qui fleurait bon le remâché.
Sauf que j’ai été agréablement surprise de constater qu’au lieu d’une trame destinée à mettre en valeur des combats sanglants et vides de sens menés par des personnages à la plastique irréprochable et à la moralité douteuse, l’auteur avait au contraire privilégié une histoire profondément humaine. En effet, toute une palette de sentiments est déclinée au fil du récit, loin du sentimentalisme dégoulinant ou de la pseudo-philosophie bourrée de poncifs de certaines œuvres (à se demander d’ailleurs ce qui est le pire dans tout ça…).
FMA est d’abord une histoire d’amour fraternel entre deux jeunes héros marqués par le deuil, et cet amour est renforcé par chaque épreuve, malgré les échecs et les doutes, et leur apporte une compréhension mutuelle de plus en plus forte qui leur est nécessaire pour faire fonctionner leur duo. Edward et Alphonse sont de plus soutenus par des êtres qui leur manifestent un soutien indéfectible et une amitié plus ou moins dissimulée. On peut notamment citer les Rockbell, la plupart des alchimistes d’Etat (Armstrong, Mustang, Hugues,…) ou encore leur maître (une femme par ailleurs très affectueuse…si si !!).
Ceci dit, si ce manga n’était qu’un récit destiné à montrer qu’on n’est jamais aussi seul qu’on le croit, un récit plus réaliste aurait parfaitement convenu. Or le thème de l’alchimie permet d’ouvrir des perspectives sur l’application de ces sentiments. En effet, il montre les dérives, les tentations auxquelles est soumise l’âme humaine face à l’attrait du pouvoir, et tout le manga se fonde sur une opposition fondamentale entre ceux qui ont résisté et ceux qui ont cédé. Ces derniers sont par ailleurs parfaitement incarnés par les fameux péchés capitaux (la magnifique Lust, Gloutony ou encore Envy pour ne citer qu’eux), détenteurs d’un pouvoir phénoménal et ennemis jurés des jeunes héros. Ils représentent les défauts de l’homme poussés à l’extrême, la folie de ceux qui ont voulu outrepasser les règles.
Les deux garçons, dont la précocité est par ailleurs présentée de façon cohérente grâce à ce que l’on apprend de leur passé, possèdent également une grande puissance, mais elle leur a brûlé les ailes, et la leçon, bien que douloureuse, leur a permis de prendre conscience de leur potentiel et, surtout, de l’utiliser à bon escient (… quoique pas toujours en fait). Peut-on vraiment faire le mal en voulant faire le bien ? Comment réparer ses erreurs ? La quête des Elric les conduit à se poser ces questions, et bien d’autres encore, à mener des combats (il en faut quand même…), rencontrer des personnages pittoresques, aller toujours plus loin dans leur recherche de la vérité… et multiplier les boulettes.
Car l’humour est très présent dans ce manga, ce qui le rend certes agréable à lire mais contraste énormément avec les scènes macabres qui parsèment la série. Il est vrai que l’auteur doit faire face à une véritable gageure, en conjuguant une certaine insouciance due à l’âge des héros et le traitement de thèmes douloureux (le deuil, la trahison, la solitude,…), voire fondamentaux (la question du pouvoir, de la responsabilité, des impacts d’une guerre sur la société, etc.…). Cette alternance d’ambiances lui permet de séduire un public varié mais l’édifice reste fragile et pourrait trop aisément basculer d’un côté ou de l’autre.
Par conséquent, malgré les quelques lenteurs dans la narration, les petites incohérences et cette alternance entre passages humoristiques et pages carrément glauques (auxquelles j’ai parfois du mal à accrocher…mais ça c’est mon côté bisounours ^^’), le scénario tient la route, et le lecteur en haleine, et les personnages sont particulièrement attachants (ou détestables, ou ont trop la classe, voire tout à la fois…), bref un manga à lire et à relire.