Taniguchi... Ce nom sonnait pour moi comme une sorte de légende du manga, un de ces pères dont on n'ose pas trop lire l’œuvre, de peur d'être déçu ou de ne pas voir le génie que les autres lui accorde. Une sorte de tabou qu'il faut traverser pour passer de simple amateur à connaisseur, le genre de bouquin qui sort obligatoirement dans une critique du genre "Ça rappel le Quartier Lointain de Taniguchi"... Bref, quand j'ai vu ces deux volumes dans ma petite librairie normande, j'ai eût peur. Dois-je lire ce manga qui, soit dit en passant, m'a intriguer quand je l'ai vu, de part son histoire et son format ? Ou dois-je le laisser là et attendre encore un peu ? Trop tard pour me décider, me voici chez moi.
Adieu King et Stoker, bonjour Taniguchi. Les premières pages me semblent connus, redondante : un personnage retournant plus ou moins par hasard dans son furusato ("pays natal" en japonais), avec toute les histoires de nostalgie et de confrontation au progrès qui va avec... Oui, c'est bien le mot furusato qui me mit sur la piste d'une des inspiration majeure de Taniguchi : ces chansons des années 30-40 évoquant la mélancolie du village natale que l'on a dût quitter pour la ville, plus prospère... Voilà, en quelques mots, le parcours du héros de cette histoire. Enfin... Si l'on peut appeler Hiroshi un héros. En effet, un héros est un personnage ayant accompli des actes héroïques mais Hiroshi, lui, se retrouve au temps de ces quatorze ans et n'est que la victime du temps qui passe. Pourtant, on ne peux pas non plus le définir comme une victime car non seulement Hiroshi s'en voit pratiquement ravis de revivre ces quatorze ans, mais en plus il en profite pour les vivre d'une façon différente.
Pardon pour la digression. En partant du principe que Taniguchi soit née en 1947, ce dernier avait quatorze ans lui aussi au moment du lieu d'action de Quartier Lointain. On peut donc rationnellement penser que cette histoire est une sorte de passé utopique de l'auteur, une sorte de réalisation du fantasme que l'on a tous : changer notre passé pour le rendre meilleur. Certes, la position de Hiroshi n'est pas enviable mais l'idée est là. Le dessin, précis sans l'être, typique tout en restant simple, montre bien la qualité de la mémoire d'un homme. Taniguchi a vécu cette époque mais n'en tire qu'un souvenir brumeux. Certains faits sont peut-être frappant, comme l'évocation du premier feuilleton télé, l'arrivé des Jeux Olympique; mais ce n'est que fioriture dans une évocation d'un passé peut être pas si fictif que ça. Néanmoins, seul l'auteur pourra nous dire qui a raison ou tord sur des théories fumeuses comme celle-ci.
Neuf, c'est ma note pour ces deux volumes. Pourquoi ? Tout simplement car cette histoire a beau être un peu gniangniant, avec des histoires et un principe vu et revu, même en 1998; on apprécie le ton, le fil rouge et la logique cohérente. Hiroshi face à son passé, les conséquences de ces choix alternatifs sur son présent, la peur du non retour... Tout ça est rondement mené et je regarde encore avec nostalgie ces deux tômes... Peut être que j’achèterai d'autres Taniguchi.