Le bilan de la décennie… en orient et occident (1/3)
Certes, Anime-Kun est un site dédié à l’animation japonaise, par conséquent inclure un bilan de l’animation occidentale de cette dernière décennie pourrait sembler inadéquat ici.
Cependant, au vu de l’excellent article sur le festival d’Angoulême 2010 avec notamment la rencontre entre Jean-David MORVAN et Makoto YUKIMURA qui eut pour résultat un échange de points de vue passionnant sur les deux courants que sont la BD et le manga, cela pourrait être intéressant de faire la même chose au niveau de l’animation orientale et occidentale.
L’animation japonaise : une production toujours aussi énorme.
Les séries : une véritable industrie.
Avant tout, si vous souhaitez un bilan plus détaillé sur l’animation japonaise de ces dix dernières années, je ne peux que vous conseiller d’aller lire les très documentés articles de l’antre de la fangirl, Exelen. Elle a une connaissance très approfondie du sujet avec chiffres à l’appui. Je vais d’ailleurs reprendre quelques unes de ses conclusions ici.
Bref quoiqu’il en soit le Japon a toujours été et sera toujours le premier producteur de séries animées au monde (les USA et la France arrivent respectivement en deuxième et troisième position). En effet ce n’est pas moins de 100 nouvelles séries par an (en moyenne) qui sont disponibles sur les chaînes de télévision nippones (à raison d’environ 25 séries par saison, le compte y est). Avec un nombre pareil, on peut voir que l’animation est plus qu’un art au Japon, mais plutôt une industrie. Bien entendu le côté artistique est toujours présent, et la qualité de plusieurs séries n’est plus à démontrer (Samurai Champloo, Paranoïa Agent, Ghost in the Shell SAC, Full Metal Alchemist, Gurren Lagann, Kaiba, Baccano…). Cependant un tel nombre de séries rime également avec une uniformisation de la japanimation. Parmi toute cette multitude de nouveautés, l’originalité est très rarement au rendez-vous, et pour les avaleurs de séries en puissance, je suis certain que vous avez dû vous dire à la fin d’un anime quelconque : « Bon ben je crois que j’ai perdu 26×24 minutes de mon temps avec ce navet ». Il y a peu de prises de risques de la part de certains studios qui se cantonnent toujours au même genre d’anime afin d’être sûr de rentrer dans leurs frais (via une audience certaine lors de la diffusion TV et les revenus provenant de la vente des DVD et des Blu-ray). Il n’y a d’ailleurs qu’à regarder cette très belle grille des sorties de la saison pour se faire une idée de la variété des séries aujourd’hui.
La démocratisation du moe/ecchi depuis les années 2000 est devenue aussi un terrible piège dans lequel les studios d’animation ont tendance à tomber trop souvent et qui contribue sans aucun doute à cette standardisation. Seul le studio 4°C est connu pour produire des animes très à l’écart du modèle traditionnel japonais (Kemonozume, Mind Game, Kaiba, Genius Party, Amer Beton… bien que le studio adapte parfois des séries à succès comme Detroit Metal City en 2008 et prochainement Berserk). Cependant, Gainax a frappé un grand coup avec sa série Panty and Stocking qui fut littéralement un gros « fuck » à la production d’aujourd’hui. Le studio n’a pas hésité à bousculer tous les codes traditionnels de la japanime en empruntant ceux de l’animation américaine : chara design de type cartoon, anglicismes à outrance, clins d’œil à beaucoup de productions occidentales (le clip musical de l’épisode 10 à lui tout seul vaut le détour). Quoiqu’il en soit, on pourrait espérer que cette série lui donne un nouveau souffle à travers des prises de risque dans le chara design et les concepts.
Le drapeau de l’image ci-dessous est le symbole parfait du mélange des genres cartoon et anime de la série Panty and Stocking.
Les longs-métrages : deux écoles
Mais laissons de côté les séries pour parler des longs-métrages d’animation. Là le marché est tout de même différent. On peut en distinguer deux types : les films tirés de séries d’animation (à succès le plus souvent) et les films « originaux » destinés au cinéma. Dans la première catégorie, on retrouve des films destinés le plus souvent aux fans de la série originelle. Par exemple, Cowboy Bepop – Knockin’ on Heaven Door (2001) ou plus récemment les films Rebuild of Evangelion (1.0 en 2007 et 2.0 en 2009). Il faut bien noter que ces films sont de très gros succès au Japon (notamment Evangelion qui est carrément une institution là-bas). Cependant ces métrages n’ont quasiment jamais de succès dans les salles de cinéma étrangères (tout du moins en France) : il suffit de voir le fiasco réalisé par Evangelion 1.0 en terme de nombre d’entrées : 2137 cumulé (4 semaines) en Île-de-France (source). Ces films sont loin de s’adresser à un grand public. Par-contre les éditions DVD connaissent un franc succès chez nous.
Dans la deuxième catégorie la donne est sensiblement différente. À vrai dire il n’y a qu’un seul studio que l’on peut citer : j’ai nommé Ghibli. Une sortie sur le sol nippon est déjà un véritable événement mais quand, en 2002, Le Voyage de Chihiro fait un véritable carton en France (plus d’un million de spectateurs), on est là en face d’un véritable constat : le studio a su asseoir une certaine place en Occident face aux superproductions américaines de Disney ou encore Dreamworks. Durant cette dernière décennie, ce n’est pas moins de 7 films du studio qui ont envahi les salles françaises avec des ré-exploitations (Mon Voisin Totoro en 2002), des redécouvertes (Le Château dans le ciel en 2003, Kiki la petite sorcière en 2004, Nausicaä de la vallée du vent en 2006), et des nouvelles œuvres (Le château ambulant en 2005, Les contes de Terremer en 2006, Ponyo sur la falaise en 2009). Princesse Mononoke est arrivé en 2000 et fut sans aucun doute l’élément déclencheur du succès de Miyazaki et de son studio en France. Ghibli continue son bonhomme de chemin avec l’arrivée d’Arriety et le petit monde des chapardeurs en 2011. Il faut savoir que le studio a une façon bien différente de raconter des histoires par rapport à ses homologues américains. Là où ces derniers auront tendance à montrer la plupart du temps une lutte entre les gentils et les méchants (bien que depuis quelques années Pixar a tendance à revoir ce schéma narratif), les films du studio Ghibli se posent en tant que « contes initiatiques », où les personnages principaux seront amenés à sortir de l’enfance au terme d’un voyage sans la présence d’adultes. Que ce soient Nausicaä, Kiki, Ponyo, Chihiro, Pazu ou Sosuke, ils ressortiront grandi de leurs expériences vécues. Il y a parfois des « méchants » chez Ghibli (dans Princesse Mononoke par exemple), mais ils sont rarement présentés de façon manichéenne et on n’a du mal à vraiment les détester.
Fan-art par Tom Preston
Seul Ghibli s’est fait une place dans les salles obscures d’occident. Toutefois, il est difficile de ne pas parler du réalisateur Satoshi KON, malheureusement décédé durant l’été 2010 d’un cancer du pancréas à seulement 46 ans. Bien que ses films ne soient pas aussi connus du public étranger que ceux de MIYAZAKI, Satoshi KON est sans doute le seul réalisateur de l’archipel qui a su réaliser des films d’animation s’adressant à un public adulte. De Perfect Blue (1997) à Paprika (2006) en passant par le très émouvant Millenium Actress (2002) et le social Tokyo Godfathers (2003), sans oublier sa série Paranoïa Agent (2004), ce réalisateur a apporté une vision très originale des liens qui unissent le réel et l’imaginaire au point de perdre le spectateur dans les méandres de ses univers avec une déconcertante facilité (Millenium Actress est un bijou d’un point de vue narratif). Seul Tokyo Godfathers est différent des autres, le thème des SDF y est abordé de façon humoristique à un certain degré avec des personnages haut en couleurs, mais on sent que l’auteur tient à partager avec nous un phénomène qui est malheureusement peu pris en compte par nos sociétés. À noter qu’avant de mourir, KON travaillait sur un autre projet (Yume Miru Kikai) qui devrait sortir cette année . Le producteur du studio Madhouse a assuré que le réalisateur fit en sorte que le projet puisse être mené à terme.
Fan-art par Kosal
Pour finir sur la liste de quelques grands réalisateurs, on pourra citer Mamoru OSHII avec les très célèbres films Ghost in the Shell (1995), Ghost in the Shell : Innocence (2004) et le récent The Sky Crawlers (2008). Bien que ces films possèdent des qualités visuelles époustouflantes ils sont beaucoup moins accessibles que ceux de Ghibli et KON. Ghost in the Shell : Innocence connut un succès relatif lors de son exploitation dans les salles françaises (100 000 entrées, source Allociné) ainsi qu’un accueil mitigé au festival de Cannes 2004. L’univers cyberpunk mêlé de métaphysique et philosophie sur l’évolution humaine dans un monde cybernétique est très difficile à aborder pour le public lambda.
Conclusion
Pour conclure sur la situation de la japanime durant cette première décennie des années 2000, on pourra donc retenir au niveau des séries, il y a toujours un nombre conséquent de nouveautés annuelles qui malheureusement, souffrent d’un manque réel d’imagination et d’originalité marqué par une démocratisation du moe. Néanmoins, quelques-unes se démarquent toujours du lot. Du côté des long-métrages, le studio Ghibli s’est assuré un succès international au cours de ces dix dernières années grâce à des films accessibles au très large public tout en imposant un style narratif bien différent des équivalents américains. Au final, on arrive au constat suivant : les séries animées japonaises sont adressées à un public bien ciblé composé en grande partie de la jeune génération internet qui a grandi avec les mangas et animes des années 90 (pour ne pas dire otaku). Alors que les films Ghibli arrivent à trouver (en plus) un public familial dans les salles de cinéma.
Sources
www.fangirl.eu
deviantart
wikipedia
allocine
http://www.iletaitunefoislecinema.com/chronique/3409/quelle-animation
commeaucinema
13 commentaires
Il m'a donné envie de regarder Panty and Stocking pour voir ce que ça donne ce style visuel à part.
La grille des sorties m'a fait rire, même si on est pas loin de la réalité, qui elle m'inquiète un peu par contre.
Enfin, je ne savais pas que Nausicaa était arrivé si tard chez nous et je suis content d'apprendre que le dernier projet de Satoshi Kon va voir le jour.
Heureusement, avec la réédition par Disney, la veille édition devient rare et tombe peu à peu dans l'oubli. C'est la seule chose pour laquelle j'admire Disney...
Par rapport à l'article, je ne sais pas le succès que ça a eu réellement en France, mais il existe deux autres directeurs qui ont exporté des films de grande qualité: Mamoru Hosoda (La traversée du temps, Summer Wars), qui à eu son apparition dans nos salles de cinéma, et surtout, qui à remporté un certain nombre de prix, ici, en occident, et Makoto Shinkai (La tour au delà des nuages, 5cm par segonde), dont je ne connais absolument pas le succès en occident, mais dont la qualité des films est minimum excellente.
Juste pour dire qu'il n'y a pas que ces trois, bien qu'ils soient peut-être les plus importants.
http://www.buta-connection.net/films/nausicaa_carnage.php
Et il est vrai que cette édition lamentable a retardé l'arrivée des films suivants de Ghibli d'au moins une bonne quinzaine d'années !
Bonus spécial pour la caricature aigirie tirée de 4chan en guise d'argument.
Par-contre les deux articles qui vont suivre seront plus étoffés.
Pour en revenir à Mamoru Hosoda, même si la Traversée du Temps a rencontré un certain succès je pense pas qu'on puisse le mettre au niveau des 3 autres.
N'oublions pas que les jeunes génies de l'animation japonaise profitent d'une adaptation française incomparable avec ce qui se faisait il y a une 15aine d'années. le succès des films de Kon est en partie basé là dessus.
Je suis par contre surpris, il manque une référence essentielle et un son auteur là dedans : Katsuhiro Otomo qui avec Akira a opuvert les salles obscures françaises aux autres, Miyazaki inclus, en prouvant aux français qu'un film d'animation peut ressembler à autre chose qu'un Disney.
Et Steamboy a plutôt mieux marché qu'Evangelion.
En conclusion, on pourra aussi remercier Arte d'avoir fait découvrir Kon aux Français lorsqu'il ont diffusé il y a déjà pas mal d'années les Millénium Actress et autre Perfect Blue.
On pourrait citer le succès critique de Jin-Roh - La brigade des loups...Bref je veux pas te voler ton taf Snowcrash, je m'enflamme et tout mais on peut pas parler de tout dans un article du Webzine.
Super boulot.
Un petit erratum:
"Seul le studio 4°C est connu pour produire des animes très à l’écart du modèle traditionnel japonais (Kemonozume, Mind Game, Kaiba, Genius Party, Amer Beton… "
En fait le réalisateur de Kemonozume, Mind Game et Kaiba est Masaaki Yuasa mais tous ces films n'ont pas été produits par le studio 4C. Kaiba et Kemonozume ont été produit par Madhouse.
Est qu'il y avait aussi outrance d'ecchi et d'harem et de kikoolol chibi kawai SD(f) ??
Le truc qui me préoccupe est que sur les 100 animé sortie par année, il y a 50 mauvais animé, 30 bon animé du genre avatar le derrenier maître de l'aire et seulement 3 à 5 chef d'oeuvre, il devrait réfléchir avant de foncer.
>Snowcrash : un mot peut-être sur cette décennie écoulée - ghettoïsation ?
J'ai voulu aller le voir la semaine de sa sortie sur Paris. Une seule salle le passait (une petite dans un coin), à un seul horaire : 22h30.
Alors après, si même les fans d'un film ne peuvent pas aller le voir parce qu'il ne passe nulle part, c'est évident qu'il ne fera pas un bon score.
Sinon excellent article moi qui aime beaucoup les film d'animation je trouve ici quelque titre que je vais m’empresser de visionner.