Chaque enfance se caractérise par des rêves.
Nous avons tous rêvés d’aventures, et nous avons tous souhaité vivre une épopée dantesque, au centre de laquelle le jeune héros que nous serions parviendrait à changer sa destinée. Ces fantasmes préadolescents, même s’ils nous quittent, laissent une empreinte indélébile dans nos esprits ; et quelque part, nous cherchons toujours ce périple, ce voyage merveilleux dans un univers fantastique, où tout ce l’on souhaite peut devenir réalité, si l’on y croit suffisamment. Bienvenue à Vison, royaume de la déesse du Destin.
Brave Story commence pourtant mal.
Je fais parti de ces spectateurs qui ne cherchent plus les animes puérils, simplistes et trop enfantins, emplis de bons sentiments au point de nous en susciter d’ignobles. L’intelligence d’un scénario, le raffinement des personnages, tout comme leurs psychologies et leurs actes doivent susciter un intérêt réel, et ne surtout pas se contenter de charmer, par des procédés simplistes, les plus jeunes et naïfs d’entre nous. Brave Story démarre en nous exposant le protagoniste, accompagné d’un camarade de classe, en train de chasser le fantôme dans un lieu désert. La première envie me saisissant fut de stopper le film, répugné par l’âge des protagonistes. Comment espérer un scénario crédible et des personnages auxquels je pourrais m’identifier si le héros n’a même pas quinze ans ? Coup de chance, je n’avais pas le courage de me lever et d’éteindre mon lecteur, et je n’avais rien d’autre à voir. J’ai donc poursuivis.
Au bout de cinq minutes, j’en étais au point de regretter que le film ne dure que deux heures. Certes, les personnages sont jeunes, mais qui n’a jamais voulu, lors de son enfance, trouver une porte magique le menant vers un monde où il pourrait être un puissant sorcier, ou encore un valeureux chevalier ? Pour ma part, je ne voyais plus qu’une seule chose : on m’offrait, pendant quelques temps, l’animation de mes fantasmes de gosse. Alors, je plongeais dans cet univers.
Gonzo oblige, le film se devait d’être beau. Loin d’être une débauche de couleurs numérisées et de 3D comme l’était Origine, on sent un retour aux sources de l’animation, avec une base simple et agréable. Le character-design, comme à l’habitude du studio, est simpliste, mais très expressif. Les décors demeurent particulièrement détaillés, et les univers variés. Il est évident que sur le plan de l’esthétique, il est difficile d’être déçu par les productions de Gonzo, le studio ayant pratiquement tout misé sur le visuel pendant longtemps. Le résultat est donc très satisfaisant, et l’on apprécie la délicatesse avec laquelle les images de synthèse, parfois réellement somptueuses, se mêlent à l’animation du film.
Le scénario m’est apparu comme l’aboutissement d’une accumulation de rêves. Enfant, on se surprend à plonger dans les univers que notre propre esprit crée, parfois avec tant de force que l’on y perd toute logique, et que seule l’addition de séquences grisantes pour notre esprit en formation compte. Notre jeune héros, Wataru, va donc vivre quantité de périples, sans forcément de lien les uns avec les autres, mais avec, tout de même, un fil conducteur : trouver toutes les pierres magiques s’intégrant à son épée et rencontrer la Déesse du Destin, qui ne lui exaucera qu’un seul souhait. J’ai logiquement pris énormément de plaisir à suivre son aventure, découvrant derrière chaque scène les résidus de l’incroyable inventivité pré pubère que nous conservons. Les scénaristes se sont donnés à cœur joie de nous offrir un monde merveilleux, dans lequel tout enfant se respectant rêverait d’y passer l’intégralité de sa vie. Inutile de se positionner en adulte, cela gâcherait le plaisir simple et infantile que l’on prend à se perdre dans le rêve perdu que l’on nous offre. Gonzo nous propose un pacte ; si le spectateur accepte, pendant deux heures, de replonger dans son enfance, de se remémorer ses désirs infantiles, le studio garantie un monde et une ambiance lui permettant de voir son rêve défiler sous ses yeux.
Les personnages correspondent au dilemme entre le bien et le mal auquel nous avons tous fait face. Certes, les mauvais sont beaux, puissants et charismatiques, mais les bons gagnent toujours, portés par la pureté de leurs sentiments. Mièvre, n’est –ce-pas ? Pourtant, Brave Story parvient à rendre ce cliché de l’animation japonaise appréciable, et presque noble. Ashikawa le mauvais a opté pour une puissance phénoménale, mais l’emploi mal et détruit tout. Wataru, le pieux, opte pour l’honnêteté, l’intégrité et l’honneur, mais ne possède que de faibles pouvoirs, et ne sait pas les maîtriser. Il va sans dire qu’Ashikawa a incommensurablement plus de classe que le jeune Wataru, puéril et inconscient. Vous aurez d’ailleurs droit à des scènes fabuleusement esthétiques, au cours desquels vous pourrez admirer la puissance et le charisme du jeune éphèbe, face à la maladresse juvénile de Wataru.
La trame est excellente, on ne s’ennuie pas une seule seconde en compagnie des différents protagonistes. Ayant réellement apprécié le film, une demi-heure en plus ne m’aurais pas gêné, mais je pense que deux heures suffisent largement à la plupart des spectateurs.
L’ambiance m’a bien évidemment envoutée. Les voix des personnages, accompagnées d’effets sophistiqués et jamais grossiers (Ashikawa lançant un sort, par exemple) ; le tout accompagné de musiques épiques ne ressemblant à aucune consœur : tout est là pour offrir au film une ambiance unique lui étant propre. Les doubleurs ont bien cernés les personnages et jouent avec une crédibilité parfois déconcertante. Les musiques charment, envoutent et correspondent à merveille à l’univers se dévoilant sous nos yeux.
Je m’arrête là, je ne souhaite pas vous en dire plus. Certains penseront que je n’ai dit que peu de choses, et ils auront raison. Vous dévoiler les tenants et les aboutissants d’un univers fantastique, peuplé de créatures en tout genre, et d’un scénario simple mais suffisant, n’aurait absolument aucun intérêt et gâcherait une partie du plaisir de la découverte. Je me suis lancé dans l’aventure avec un jugement neutre, et je ne souhaite en aucun cas vous forger une vision altérée du monde de Vison. De toute manière, vous savez l’essentiel : Gonzo vous offre un séjour en enfance, et si vous en avez l’envie, vous pourrez y retomber l’espace de deux heures, sans d’autres préoccupations que de vivre le rêve qui se déroule sous vos yeux.