Je me souviens avoir regardé la bande-annonce de ce film quelques temps avant sa sortie et me dire : "Bof, encore une histoire de loups-garous, mais vu par des japonais et à la sauce kawai, très peu pour moi". Ce n'est qu’après avoir vu ses critiques élogieuses que je me suis penché sur le film pour finalement m'apercevoir qu'il était réalisé par Mamoru Hosoda, un réalisateur que j'apprécie beaucoup, notamment pour La Traversée du Temps et Summer Wars.
Je me suis donc dépêché de regarder son dernier film : Ôkami Kodomo no Ame to Yuki, honteux d’avoir eu de tels a priori. Mais est-il réellement à la hauteur de ses précédentes réalisations ?
L'histoire est toute simple, elle nous conte avec justesse, sûrement le maître-mot capable de définir judicieusement l'ensemble de ce film, ce que ferai une mère si elle venait à accoucher de deux humains-loups. Ce qu'elle devrait apprendre, les choix qu'elle devrait faire, les concessions et les problèmes auxquels elle devrait faire face, et ce que deviendrait de tels êtres dans notre monde et notre société.
C'est toujours par un traitement sérieux que sont abordés les différents thèmes du film, non pas que cela rende l'histoire austère, au contraire tout est d'une légèreté étourdissante. Il est d'ailleurs surprenant que l'on reste dans un registre définitivement terre-à-terre et réaliste malgré le caractère fantastique évident de l'oeuvre.
Pour être honnête j'ai vraiment hésité à écrire cette critique, je ne savais pas si elle serait vraiment très constructive et objective car le film est en vérité quasiment un sans-faute, si bien qu'il est déconcertant d'en faire une analyse critique.
Tout est parfaitement maîtrisé de bout en bout, que ce soit le récit, le rythme, l'image, l'animation, la musique... les défauts sont mineurs et dépendent de l'appréciation de chacun, ils ne mériteraient même pas d'être évoqués devant une si grande maîtrise de tout le reste.
Les personnages sont traités avec beaucoup d'humilité, on prend plaisir à les voir toujours évoluer, fidèles à eux-mêmes, et à suivre cette famille au cours de leurs nombreuses péripéties.
Les deux heures sont très bien découpées, le rythme est propre à l'histoire qui ne cesse d'avancer sans jamais donner l'impression de faire du sur-place et sans même laisser la lassitude s'installer. Parmi les chapitres distincts qui séparent proprement le récit, les situations s'enchaînent, toujours différentes, portant ce dernier dans une cohésion parfaitement contrôlée.
Les nouveaux personnages sont tous introduits naturellement, chacun ayant leur place et participant au développement varié et la progression fluide de l'histoire.
C'est dans ce rythme soignée que se déroule le film, et si le montage est globalement irréprochable et les scènes très bien mesurées, le seul reproche que je ferai serait pour la fin consacrée à Ame qui tire inutilement en longueur, surtout si on la compare aux scènes finales de Yuki, plus sobres et plus modestes. Mais c'est un fait qui reste toutefois compréhensible au vu de la différence de la gravité qu'il y a entre les deux.
Visuellement le film est très impressionnant, toute son imagerie est d'une beauté flagrante, on nous offre un panel de tableaux et de décors très variés : d'un environnement entièrement urbain à une nature des plus sauvages, tout y est merveilleusement bien dessiné et représenté avec une fidélité incroyable et un soucis du détail remarquable.
En plus d'une animation à la main précise et de grande qualité, une intégration que l'on suppose 3D est employée pour animer l'environnement et notamment la végétation toujours très présente. D'habitude très froid envers ce genre de méthode, pour une fois j'ai trouvé l'intégration très propre et réellement utile : elle fonctionne à merveille avec l'animation artisanale, un gros effort à été fourni de ce côté-là, tout est fluide et s'anime naturellement avec une finesse admirable.
En un seul mot : c'est magnifique, et tout est encore une fois d'une grande justesse.
La musique est elle aussi excellente, chaque piste est unique et composée pour un moment précis du film. On retrouve beaucoup de cordes, un piano récurrent, quelques percussions et aussi des voix qui ne sont jamais réellement chantées. Les compositions sont aussi légères que peut l'être le ton du film mais aussi fluides, rythmées, douces, gonflées, toujours en suivant le récit elles changent et nous surprennent souvent en utilisant un ou plusieurs instruments que l'on attendait pas.
Très présentes et accompagnant l'histoire comme un élément indispensable à celle-ci, les musiques sont parfaitement bien utilisées et particulièrement importantes dans le film, au point que certaines scènes ne sont volontairement pas doublées pour laisser la musique s'exprimer à la place des personnages dont les paroles ne sont pas nécessaire au récit à ce moment là, la musique et les images traduisant simplement ce qu'il faut comprendre et savoir.
Ôkami Kodomo no Ame to Yuki est grand film dont sa plus grande qualité est de savoir rester parfaitement juste dans tout ce qu'il veut montrer. Son histoire nous conte avec une très belle simplicité la vie d'une famille un peu particulière, de ces choix déterminants qu'il faut faire un jour. Visuellement presque irréprochable et accompagné d'une magnifique bande-originale qui sait rester parfaitement dans le ton du film.
C'est un véritable chef-d'oeuvre très maîtrisé que nous offre ici Mamoru Hosoda et déjà une oeuvre majeure de sa filmographie, elle témoigne peut être une maturité atteinte chez le réalisateur qui attise ma curiosité et mon impatience dans ses futurs travaux.
C'est toujours un bonheur de voir monter encore plus haut des maîtres de l'animation japonaise, quand d'autres nous quittent déjà.