Masaaki Yuasa fait partie - au même titre qu'un Mitsuo Iso (Dennô Coil) - de cette nouvelle génération de réalisateur qu'on ferait mieux de suivre de près. Il avait signé en 2006 une œuvre pour le moins originale qui lui avait valu nombre d'attentions : Kemonozume. Pour faire cours, disons que la série cumulait :
- des graphismes expérimentaux (FLCL et Dead Leaves sont presque conventionnels en comparaison),
- une histoire d'amour façon la Belle et la Bête bien loin des clichés usuels de la japanime.
Comme de bien entendu cette œuvre baroque au sens étymologique du terme ("perle irrégulière" pour les deux du fond) n'avait eu droit qu'à un impact restreint. Pour autant, ceux qui avaient eu la curiosité de s'y intéresser criaient déjà à l'audace en attendant l'explosion du génie. Certains n'hésitaient même pas à voir en lui le nouveau Satoshi Kon, excusez du peu !
Mais à l'époque où j'ai commencé Kaiba, je ne connaissais pas encore ce monsieur. C'est plus le label Madhouse qui m'a attiré. Madhouse a une politique éditoriale assez intéressante à mon sens : d'un côté ils produisent des séries à caractère commercial basé sur de grosses licences mais avec une qualité technique irréprochable, de l'autre ils investissent dans des projets innovants condamnés à l'invisibilité malheureusement. Avec Kemonozume d'abord, puis avec Kaiba au printemps 2008, leur partenariat avec Yuasa s'inscrit indubitablement dans la deuxième catégorie.
Le premier point qui surprendra avec Kaiba est sans conteste les choix graphiques. Certes, le résultat n'est pas aussi expérimental qu'il ne l'était avec Kemonozume mais le moins que l'on puisse dire est qu'il en surprendra quelques uns au premier abord. Un chara-design simple, voire simpliste, associée à une animation parfois un peu raide, du moins particulière pour des graphismes résolument orientés old school. Le tout paraît plus crayonné par rapport aux productions actuelles. Ces dehors enfantins sont d'autant plus trompeurs qu'il servent un scénario pour le moins mature et recherché. Ne vous y trompez, ce n'est pas Doraemon !
L'OST est bonne elle aussi : les deux génériques en particulier, plutôt doux, sont en accord avec le reste de la série. Le reste de la bande sonore et les thèmes se font un peu discrets mais il participe indéniablement à la poésie de Kaiba. Je ne peux pas citer le noms des pistes alors qu'on attend encore la sortie de l'OST mais certaines musiques seront pour moi à jamais indissociables de certaines scènes. Et je m'en rappellerai tout autant que les personnages et certains rebondissements.
Mais attaquons la partie la plus intéressante du jour avec les thèmes et l'histoire développés dans ce conte philosophique "animesque". Paradoxalement, je vais devoir naviguer à vue pour éviter de gâcher le plaisir à ceux qui ne connaissent pas encore. Comme je l'ai dit plus haut, le choc est d'autant plus redoutable que la série se dote de tous les atours artistiques d'une série pour enfants alors même que cette série s'adresse clairement à un public mature.
Vous l'aurez peut-être compris avec le synopsis mais le thème central de la série et bien évidement la mémoire. Mémoire que l'on perd, mémoire que l'on vend, mémoire que l'on achète, mémoire que l'on vend, mémoire que l'on falsifie. Certes, Kaiba s'inscrit dans un contexte clairement typé SF mais quelque part, on ne peut s'empêcher d'établir des parallèles avec notre monde contemporain.
Ce thème central de la mémoire est également un prétexte à aborder des sujets comme l'amour et la mort. Et quelle est part de l'âme quand le corps et l'esprit sont deux entités distinctes parfois marchandées ? Comprenez bien que Kaiba n'est pas un simple divertissement, loin s'en faut : c'est tout autant une invitation au voyage. C'est d'ailleurs son principal défaut. Pour avoir regardé Kemonozume, je peux dire que Yuasa a mis de l'eau dans son vin, il n'empêche que Kaiba joue peut-être trop la carte de l'intelligence et n'est pas toujours très accessible.
PS : Cet anime a vraiment été un laboratoire. Certains des épisodes sont l'œuvre d'UNE SEULE personne, depuis le storyboard jusqu'à l'animation en passant pas tous les dessins et l'écriture du scénario. Je ne sais pas si vous prenez la pleine mesure du travail que ça représente. Moi le premier.