Kemono no Souja Erin est sans doute un des rares animes récents qui réussit à allier harmonieusement deux éléments qui apparaissent trop souvent dans les séries actuelles comme étant antinomiques : le fait d'être "tout public", c'est-à-dire d'être une série regardable y compris par le public le plus jeune, et le fait d'avoir un propos suffisamment profond pour intéresser un public plus âgé. En d'autres termes, on est en présence d'une série avec un double niveau de lecture. Je vais m'en expliquer au cours de cette critique.
La série commence par un début à la Shinsekai Yori si je puis dire dans la mesure où le premier arc en désarçonnera plus d'un. Je parlais du fait que la série était tout public : ce constat n'est pas plus vrai que dans les premiers épisodes qui laissent émaner une ambiance résolument enfantine. On suit les aventures d'Erin, une petite fille aux cheveux verts qui vit avec sa mère dans un village qui élève des reptiles géants : les toudas. A ce niveau du synopsis, on ne peut pas faire plus simple. Surtout, les possibilités narratives d'une telle histoire peuvent sembler à la limite de la niaiserie dans un premier temps du fait de la structure épisodique de ce premier arc de l'histoire. A vrai dire, c'est d'un certain point de vue vrai. C'est là que se situe le piège : comme dans Shinsekai Yori, ces premiers épisodes visent avant tout à installer l'univers et à faire en sorte que le spectateur s'accoutume à une histoire simple et innocente afin de le surprendre le moment venu par un twist particulièrement violent qui illustre à merveille ce que j'entendais par série profonde. Incontestablement, cet épisode mémorable m'a fait subir le plus puissant ascenseur émotionnel qui m'ait été donné de vivre dans un anime. Cela montre parfaitement à quel point la série est en réalité loin d'être niaise.
Bien au contraire, chaque épisode participe au propos global de l'histoire qui est avant tout centré autour du thème de l'apprentissage. La série se divise globalement en trois arcs très différents qui incarnent respectivement l'enfance, l'adolescence et l'âge adulte. Chacun de ces arcs a ses propres personnages et sa propre ambiance. Cela ne veut pas dire pour autant que le rythme de l'histoire est décousu : chacun de ces arcs est relié de manière logique. La grande force d'un tel choix narratif est de permettre de développer considérablement le personnage d'Erin qui grandit en se confrontant progressivement à la dure réalité du monde des adultes. Ce premier thème correspond à l'aspect "tout public" de l'histoire. Le rythme est globalement posé, les thématiques simples et la violence quasiment inexistante. En tout cas, c'est ce que les auteurs de la série veulent nous faire croire.
Kemono no Souja Erin ne se contente pas d'être le simple récit d'une vie parmi tant d'autres. Si cela avait été le cas, je ne serais pas aussi enthousiaste envers la série bien que j'apprécie particulièrement le principe du time skip. Derrière une histoire en apparence enfantine et chaleureuse qui transparaît jusque dans la direction artistique de l'ensemble de l'oeuvre se cache en réalité un univers parfaitement élaboré qui développe des thématiques spécifiques qui ne peuvent que satisfaire un public plus âgé. Il est un fait avéré que le troisième arc de l'histoire est radicalement plus dynamique que les deux précédents. Pourtant, il serait une erreur de croire que c'est un hasard. Ce moment narratif, particulièrement tourné autour des thématiques plus matures de la politique, de la guerre et du rapport de l'Homme à la nature, n'est en réalité que l'aboutissement des deux précédents. Derrière l'apprentissage d'Erin, les auteurs de la série rappellent régulièrement qu'une menace sourde se prépare ; menace dont ni Erin ni ses proches ne sont conscients. Et pourtant, cette menace couve jusqu'à exploser dans un climax magistral parfaitement orchestré.
Kemono no Souja Erin est donc une série qui a deux forces principales : le fait d'avoir un double niveau de lecture et d'être structurée avec une maîtrise qui frise la perfection. La bande originale n'est également pas en reste avec un excellent opening. Toutefois, c'est aussi une série qu'il peut être difficile d'appréhender si l'on recherche un rythme particulièrement soutenu et dynamique. Je pense qu'il faut avoir des goûts assez spécifiques pour apprécier un tel anime et notamment privilégier le développement des personnages et le message en lui-même sur l'action. Aussi je peux tout à fait comprendre que l'on n'accroche pas à une telle série qui est, comme je l'ai déjà suffisamment dit, assez unique en son genre. Dans mon cas, la magie a opéré parfaitement pour la simple raison que j'ai trouvé dans Kemono no Souja Erin l'ensemble des éléments que je recherche dans un anime. La note que je donnerais sera donc la note maximale mais ce que je considère comme des forces de l'anime peut tout à fait être considéré comme des défauts rédhibitoires chez un autre spectateur.