Comment ne pas s’intriguer un minimum du pari lancé par Trigger ? Une entité composée essentiellement d’enfants du studio Gainax qui décident collectivement de tuer le père et de partir tracer leur propre route. Une route balisée par les lumières de la hype ; Little Witch Academia et Inferno Cop eurent droit à une attention surpassant largement leur réelles ambitions. Car Trigger c’est avant tout une bande de malins : s’adressant aux amateurs d’animation et aux otakus de la vieille garde, chacune de leurs productions bénéficie d’un sauf-conduit auprès des fans. C’est ainsi que Kill la Kill, leur premier vrai projet, fut attendu comme le Messie.
Très conscient de son public, l’anime mélange tout un tas de références – dont pas mal issues du passif Gainaxien de Trigger – dans un scénario qui semble prôner le délire et la rigolade mais qui se révèle particulièrement réfléchi. On retrouve bien là le style du scénariste Kazuki Nakashima (qui avait écrit TTGL) qui sait donner à ces histoires une apparence de Grand Bordel alors que l’écriture est en réalité très carrée. Trop carrée même, car à force d’emprunter un peu partout et de privilégier les effets de style, la structure globale du récit est assez évidente.
Malgré la densité des épisodes, il n’y a pratiquement pas de déchet au niveau des dialogues et des sketchs. Ces derniers sont souvent plus culottés que réellement drôles : en particulier tout ce qui tourne autour de la nudité et de l’exhibitionnisme. Comme il l’avait fait avec Panty & Stocking, Hiroyuki Imaishi se sert du mauvais goût et de la vulgarité pour se moquer gentiment d’une culture de la japanime adolescente, à la fois très prude et fortement sexualisée.
Le style braillard et turbulent de la série pourrait presque agacer si là encore Trigger n’avait pas savamment pensé son travail. La mise en scène s’arrange pour qu’il y ait toujours quelque chose qui bouge à l’écran : un personnage, un objet en arrière-plan, un décor, voire tout simplement les effets spéciaux cheap du genre lens flare et lignes de vitesse. Les limitations assez flagrantes de l’animation, très inconsistante, sont ainsi partiellement contournées.
Ce sera au niveau de la direction artistique que l’anime finira par trouver son véritable point fort. Confiés à l’illustrateur Sushio, le chara-design est assez excellent en ce qu’il suffit de voir comment se tient un personnage pour saisir son rôle et son caractère. Les décors sont également très réussis et la musique assourdissante de Sawano est sauvée par quelques thèmes inspirés. De manière générale l’anime dégage une forte identité graphique et propose des astuces de mise en scène qui exploitent complétement son support (les flash-back en 4:3, fallait y penser).
Tout ça c’est très bien, mais cela valait-il le coup pour Imaishi et ses potes d’assassiner Gainax et de fonder Trigger juste pour faire cette série ? Vu qu’on a affaire à une série originale qui pour le coup propose de vraies idées et non pas juste un vague clone de ce qui s’est fait ailleurs, je dirais oui, mais un oui presque forcé par l’insistance de Trigger à leur accorder le bénéfice du doute. Car Kill la Kill, à l’image de son studio, c’est l’incarnation même de la hype : c’est très puissant mais une fois que ce sera parti ça ne reviendra plus. 7,5